Jean Battesti : né en 1909 à Sari d'Orcino (Corse) ; domicilié à Paris 9ème ; barman, navigateur ; arrêté le 8 février 1941, comme « indésirable » ; écroué à la prison de la Santé, puis à la maison centrale de Fontevrault ; interné au camp de Rouillé, s'en évade ; repris, écroué à la prison de Fresne, interné aux camps des Tourelles et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 24 août 1942. 

Jean, Paul Battesti est né le 11 janvier 1909 à Sari d’Orcino (Corse du sud). Il est le fils de Xavière Leca, 28 ans, ménagère et de Jules Battesti, 40 ans, propriétaire, son époux.
Jean Battesti est domicilié au 7, rue Crétet à Paris 9ème arrondissement au moment de son arrestation et a toujours une adresse à Marseille au 2, rue du Musée (son épouse habitera au 65, rue des Pyrénées à Paris 20ème après celle-ci),

Jean Battesti enfant, identification incertaine

Il est barman ou navigateur (selon son acte de mariage). Il mesure 1m 68.
En 1939, il habite à Marseille au 2, rue du Musée (quartier Noailles, 1er arrondissement).

Nous avons trouvé dans les archives de plusieurs journaux de 1938, mention d’une affaire de grivèlerie (des faux dollars écoulés dans des bars et restaurants à Marseille).  Le journal local, « Le Petit Marseillais » du premier février 1938, publie une photo des quatre complices, dont celle d’un nommé Jean Battesti « en fuite ». La photo émane des sommiers de la Sureté nationale, puisque l’article explique que l’homme a déjà été condamné.
Il nous semble qu’il peut tout à fait s’agir de lui (implantation des cheveux, lèvres, oreilles, identiques) et condamnation pour « affaire de fausse monnaie », délit pour lequel il est arrêté en 1941.

Jean Battesti se marie le 11 janvier 1939 à Marseille avec Juliette, Victoria, Andrée Pelloux, fille de salle, âgée de 22 ans. Il est père d’un enfant.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Jean Battesti est arrêté le 8 février 1941 par les autorités allemandes pour une affaire d’émission de fausse monnaie allemande ayant cours en France. Le 10 février, il est enfermé au quartier allemand de la Santé (n° 37.515).
Jean Battesti est transféré le 18 mars 1941 avec 16 autres détenus du quartier allemand de la Santé à la Maison centrale de Fontevrault (Maine-et-Loire), considérée comme la centrale pénitentiaire la plus dure de France, avec celle de Clairvaux.  

Les « cages à poules », cellules de Fontevrault

Quatre-vingt militants communistes – emprisonnés à Fresnes, la Santé ou Poissy avant la fin de la guerre, où ils
purgeaient de lourdes peines de prison – y ont été incarcérés depuis juin 1940, devant l’avancée allemande. Le 10 novembre 1941,  il est transféré via Paris au camp de Rouillé, dans la Vienne, d’où il s’évade avec 6 autres détenus, dont Charles Garré qui sera plus tard déporté à Auschwitz avec lui. Ils sont repris. .
Le 25 novembre 1941, Jean Battesti et Charles Garré sont ramenés à la Santé et mis à disposition du procureur de la République, en attente de jugement.
Jean Battesti est condamné le 27 novembre à 3 mois d’emprisonnement par la 12ème chambre du tribunal correctionnel de la Seine pour « évasion » du camp de « Rouillet » (Rouillé) où il avait été « assigné à résidence » en tant qu’ « indésirable ».
Son transfert pour la prison de Fresnes est ordonné le 2 décembre 1941 et est exécuté le 15 décembre. Sa peine purgée, il est ramené le 27 février 1942 au Dépôt de la Préfecture de police de Paris, pour être placé au Centre de séjour surveillé de la caserne  des Tourelles, 141 boulevard Mortier, Paris 20ème.

Il fait alors partie des « indésirables » (1) de la caserne des Tourelles. Jean Pollo, rescapé du convoi, dira qu’il le
connaît depuis le camp des Tourelles, où il y est ami avec Jean Antoine Corticchiato  dit « Napoléon ».
Le 5 mai 1942 Jean Battesti est extrait du Dépôt de la Préfecture avec treize autres internés administratifs de la Police judiciaire (dont ses amis Jean Antoine Corticchiato et Jean Pollo), classés comme « indésirables » (3), pour être conduit avec 21 communistes à la gare du Nord. Ils sont mis à la disposition des autorités allemandes et internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), le jour même, en tant qu’otages.

Il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 5 mai 1942, après avoir été remis aux autorités allemandes comme « otage asocial ». Tous ces « indésirables » (1) des Tourelles seront  déportés dans le même convoi du 6 juillet 1942.
Au début de juillet, Jean Battesti écrit à son frère Dominique depuis le camp de Royallieu.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Jean Battesti est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignorait son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 . Le numéro «46206 ? » inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne pouvait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami de la photo d’immatriculation publiée au début de cette notice biographique pouvait en fournir la preuve. Avec la découverte d’une photo de journal de 1938, elle nous semble désormais pouvoir être validée. Le numéro s’insérait de plus entre deux visages de déportés identifiés.

Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date. Son camarade Jean Pollo, rescapé, témoignera qu’il s’est bien comporté à Auschwitz.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Jean Battesti meurt à Auschwitz le 24 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 58 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique). Sur sa fiche au DAVCC on trouve
mention d’une date de décès le 5 mars 1945 à Ramgarten, mais aucun document officiel n’atteste sa présence dans un des KL à cette époque et le témoignage de Jean Pollo est formel. Jean Battesti est bien mort à Auschwitz. De plus, le camp de Rosen Garten est un camp de travail et non de concentration. 
Son épouse a fait en 1945 des demandes d’homologation comme « Déporté politique » et « Mort pour la France », qui ont lui été refusées après enquête administrative.

  • Note 1 : « Indésirables » : des militants communistes (dont plusieurs anciens des Brigades Internationales) et des « Droits communs ». 

Sources

  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté).
  • Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Documents recueillis en 2015 à la © Préfecture de police de Paris, par M. Paul Filippi, journaliste à FR3 Corse, dans le cadre de la préparation d’un film sur les « 45.000 » originaires de Corse. Photo de famille et document Arolsen.

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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