Matricule « 46 015 »  à Auschwitz

Georges Prévoteau en 1921
Georges Prévoteau : né en 1895 à Orléans (Loiret) ; domicilié à Paris 18ème ; électricien ; communiste ;  arrêté le 24 octobre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 19 septembre 1942.

Georges, Fernand, Frédéric Prévoteau est né le 5 janvier 1895 à Orléans (Loiret) à 6 heures du matin. Il est domicilié 48, avenue de Clichy à Paris 18ème au moment de son arrestation (2).
Il est le fils de Louise, Alexandrine Trumeau, 24 ans et de Fernand, Edmond, Georges Prévoteau, 24 ans, employé de banque (1) son époux. Ses parents habitent 4, rue des Bons enfants à Orléans.
En 1913, Gorges Prévoteau travaille comme garçon de restaurant et habite au 22, rue Saint-Placide à Paris 6ème.

Sans doute avec Elise Ostyn. Compte tenu du numéro du régiment, il s’agit de l’année 1914

Georges Prévoteau épouse Elise, Marie, Ernestine Ostyn le 31 juillet 1913 à Paris 6ème. Elle est lingère, née le 4 décembre 1898 à Blankenberghe (Belgique). Le couple est domicilié au 22, rue Saint-Placide à Paris 6ème. Ils ont un garçon, Fernand, qui naît en 1913.

A la déclaration de guerre, Georges Prévoteau est mobilisé par anticipation (comme toute la classe 1915), le 15 décembre 1914 au 131ème Régiment d’infanterie. Il est ensuite affecté au 175ème en mai 1915. Evacué blessé en juin, il est affecté après sa convalescence au En février 1916, il est transféré au 260ème RI. Il est transféré à l’hôpital (malade « contagieux »). En juin 1916, il est affecté à l’armée d’Orient. En 1918 et 1919 il connaît une succession d’hospitalisations (Monthion, Val de Grâce, Rueil, Lons-le-Saulnier).

Il est blessé aux deux jambes durant le conflit (11 blessures) et aura des ulcères toute sa vie (témoignage de son fils Georges).
A sa sortie d’hôpital, il est finalement affecté à une section d’infirmiers en juin 1919 jusqu’à sa libération qui intervient le 21 août 1919. Il « se retire » alors à Ostende (Belgique), rue de la Limite.
Le couple se sépare (jugement de divorce du 2 juin 1920).
En 1921, il habite au 66, rue Oberkampf à Paris 11ème et il est maître d’hôtel.

Avec Violette Dujardin (septembre 1922).

Le 30 août 1921, Georges Prévoteau épouse Marguerite, Rose, Violette Dujardin à
Paris 11ème.
 Elle est née le 19 janvier 1896 à Saint-Valéry-sur Somme. Elle est employée de commerce et domiciliée au 81 rue Parmentier (Paris 11ème).
Le couple a un fils, Georges, qui naît en 1924. En 1925, le couple habite au 44, rue Maistre à Paris 18ème.
Son fils Georges décrit ainsi son père : taille 1m 75, cheveux châtains avec une légère calvitie, yeux bleus, nez fort et rectiligne, un visage plutôt rond, une dentition en mauvais état (il porte un appareil dentaire).
Georges Prévoteau est électricien de métier. C’est un militant communiste connu.
En 1931, il déménage au 25, rue des Moulins à Saint-Valery-sur-Somme. En mars 1934, il réside à Compiègne place du marché aux herbes. En mai 1935, il revient à Saint-Valéry-sur Somme, place des Pilotes.
En 1936, il est condamné à 26 francs d’amende pour une bagarre ayant eu lieu le 4 octobre.

L’Humanité du 17 septembre 1937

Il est candidat du Parti communiste aux élections cantonales de 1937, à Saint-Valéry-sur-Somme où il est domicilié : sa profession indiquée dans l’Humanité du 17 septembre 1937 est « commerçant ». Georges Prévoteau possède en effet (sans doute en vertu de la loi matrimoniale en vigueur à cette époque) deux biens, provenant de son épouse. Il s’agit de deux biens immobiliers : un bar situé Place des Pilotes et un immeuble dans la rue Roche-Madone à Saint-Valéry-sur-Somme.
En 1937, il est domicilié au 48, avenue de Clichy, à Paris 17ème.
On sait également qu’il vit avant-guerre avec une amie, Mlle Luilier (cf. dossier statut du DAVCC) et qu’il travaille alors comme électricien à la CAPRA à La Courneuve, la « Compagnie Anonyme de Production et de Réalisations Aéronautiques ». C’est une usine d’aviation qui a racheté les installations de la « Société des Avions Bernard ». Il y côtoie Adrien Humbert, un jeune militant communiste qui sera déporté comme lui à Auschwitz. Comme cette usine est évacuée en 1940 à l’approche des Allemands, il est possible qu’il y ait été replié sur Beauvais, où son emménagement est attesté au 31, rue de Calais le 5 octobre 1941 (2).

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Georges Prévoteau est arrêté le 24 octobre 1941 à son domicile du 48, avenue de Clichy à Paris 18ème (source DAVCC), et conduit le même jour à la prison du Cherche-Midi.  Une perquisition est menée le 30 octobre 1941 par la police française à son bar à Saint-Valéry-sur-Somme. Des « documents communistes, journaux, brochures, affiches, insignes, tous antérieurs à 1939 » y sont découverts.

© Mémorial de Compiègne

Le 4 novembre 1941, il est interné au camp allemand de Compiègne, camp destiné à l’internement des «ennemis actifs du Reich», ouvert le 27 juin 1941, alors seul camp en France sous contrôle direct de l’armée allemande. Il y reçoit le matricule « 1893 » (3). Le 1er mai 1942, alors qu’il est interné à Compiègne depuis près de 7 mois, le Préfet de l’Oise envisage une proposition d’élargissement le concernant. Le commandant de la Feldkommandantur 580 à Amiens sollicite alors du Préfet de la Somme « une fiche personnelle d’après le modèle en usage » concernant Georges Prévoteau. Dans la notice individuelle en date du 5 mai 1942 qu’il
renvoie, le commissaire principal des Renseignements généraux de la Somme écrit que Georges Prévoteau est un « Beau parleur, d’une intelligence au-dessus de la moyenne » mais ne recommande pas sa libération.

Une des pages du carnet de Georges Prévoteau à Compiègne

A Compiègne, Georges Prévoteau qui reçoit le matricule « 1893 », relève sur 10 pages de carnet une « Liste de noms de camarades du camp de Compiègne», qu’il transmet à sa famille (il s’agit des matricules 283 à 3800, liste déposée au DAVCC à Caen). Emile Drouillas, dit Laporte, avait lui aussi noté ces noms et matricules, malheureusement son épouse n’a pas conservé ces documents.
C’est en partie grâce à la liste de Georges Prévoteau que nous connaissons de nombreux numéros matricules d’internés à Compiègne et que nous avons pu grâce à elle recouper des dates incertaines d’internement au Frontstalag 122.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Georges Prévoteau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On sait par son fils Georges, qu’il jette une lettre depuis le train à Châlons-sur-Marne, dans laquelle il leur annonce qu’ils sont « 1200 », vont « vers l’Est » et que « le train allait vers Nancy ». Cette lettre sera acheminée à sa famille par des cheminots.
Lire dans le site les Lettres jetées du train.
Après le départ de son père de Compiègne, son fils Georges écrit à la Croix Rouge le 4 novembre 1942 pour avoir des nouvelles de son père, mais la Croix Rouge ne lui répond pas.
Georges Prévoteau est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46015» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.  Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner au camp principal d’Auschwitz (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Electricien de métier Georges Prévoteau revient à Auschwitz I. Il est affecté au Block 22 puis au Block 7, sans doute au Kommando « Elektriker ».
Il entre à l’infirmerie d’Auschwitz le 3 août 1942.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Georges Prévoteau meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 964 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).
Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18
et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés (dont Guy Lecrux), ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les blocks d’infirmerie. Lire dans le site :
Des causes de décès fictives.

Un arrêté ministériel du 10 décembre 1997 paru au Journal Officiel du 18 avril 1998, porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Georges Prévoteau. Mais il comporte une date erronée : « décédé le 8 septembre 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Il serait souhaitable que le Ministère prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 et consultables sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

Son fils cadet Georges a écrit à un rescapé (inconnu) le 3 mai 1945 pour tenter d’avoir des nouvelles.
Georges Prévoteau a été déclaré « Mort pour la France » et homologué comme « Déporté politique ».
Son fils aîné Fernand, domicilié en région parisienne, a été destinataire de la carte de Déporté politique. 

Le nom de Georges Prévoteau est inscrit sur le monument aux morts et dans l’église de Saint-Valéry-sur-Somme.

  • Note 1 : L’adresse portée sur son acte de décès à Paris 18ème, mentionnée sur le premier registre de naissance d’Orléans est le 48, avenue de Clichy à Paris (18ème). C’est également l’adresse qu’il indique lui-même sur la liste des matricules qu’il a relevés à Compiègne. Mais sur son certificat de décès à Auschwitz, il est indiqué comme adresse le 31, rue de Calais à Beauvais. Il s’agit vraisemblablement de l’adresse de membres de sa famille. 
  • Note 2 : Curiosité ! L’état civil des archives départementales numérisées du Loiret et celles de la ville d’Orléans diffèrent ! Dans l’une le père de Georges Prévoteau est employé de banque, dans l’autre, il est employé de bureau. On constate en outre que le préposé à l’Etat civil de la ville d’Orléans avait inscrit par erreur dans un premier temps (cf. archives du Loiret) le mariage de Georges Prévoteau avec Elise Ostyn (qui a lieu le 31 juillet 1913) en mention marginale de la naissance d’André Philippeau, né lui aussi le 5 janvier 1895 (mais décédé en mai 1913). Puis il a inscrit correctement le deuxième mariage de Georges Prévoteau avec Marguerite Dujardin le 30 août 1921. Une nouvelle page du registre a été refaite en 1946, portant correctement la mention des deux mariages et une date de décès à Auschwitz (le 8 septembre 1942).
  • Note 3 : sur le document publié plus haut son propre numéro matricule a été surchargé par erreur. C’est bien le n° 1893 qui correspond à sa date d’arrivée à Compiègne, et non le 1693 !

Sources 

  • Archives en ligne de la ville d’Orléans et Archives en ligne du Loiret.
  • © Photo de la première page de la liste de la main de Georges Prévoteau « noms de camarades du camp de Compiègne », collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille (DAVCC).
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1992 par André Montagne et Claudine Cardon-Hamet.
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen : dossier individuel consulté par Claudine Cardon-Hamet.
  • Correspondance avec la nièce de Georges Prévoteau, Mme Christine Houpert.
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). Liste  communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948, établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Liste Auch 1/7 (n° 31714 et n° 279).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Site Internet MemorialGenWeb.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Registres matricules militaires du Loiret.
  • Courriels avec photos de madame © Christine H. (1919 et 1920).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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