Robert Bramet : né en 1894 à Paris 14ème ; domicilié à Paris 12ème ; électricien ; arrêté pour distribution de tracts communistes le 23 septembre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, de Voves et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.
Robert Bramet est né le 18 février 1894 (1) à Paris (14ème).
Il est domicilié au 55, rue de Reuilly à Paris (12ème) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Léonie Kibler, 32 ans, épicière et de Marie, Célestin, Victor Bramet, 42 ans, épicier, son époux. Ses parents habitent alors au 14, rue Delambre (14ème).
Son registre militaire (matricule n° 2233 du 1er bureau de la Seine) nous apprend qu’il mesure 1m
56, a les cheveux blonds, les yeux bleus clairs, le front moyen et le nez rectiligne.
Au moment du conseil de révision, il travaille comme plombier. Il a un niveau d’instruction n° 3 pour l’armée (« sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée »). Conscrit de la classe 1914, il est mobilisé le 1er septembre 1914 dans le cadre de la Loi de mobilisation générale du 1er août 1914. Il est incorporé au 120ème Régiment d’artillerie le 10 septembre 1914. Le 28 février 1915, Robert Bramet est évacué pour une « otite suppurée droite » contractée lors d’un ensevelissement (bataille de Champagne, ferme de Beauséjour, près de Suippes). Il retourne « aux armées » le 20 mars 1915. Il est à nouveau évacué
le 27 octobre 1915, lors d’une offensive allemande dans le secteur de Tahure (nature de la blessure inconnue, mention portée sur le registre).
Il retourne « aux armées » le 15 novembre.
Le 17 septembre 1916, un acte de bravoure au cours de l’attaque française sur le village de Berny-en-Santerre (Somme), lui vaut d’être cité à l’ordre du corps d’armée (O.j. n° 179 du 28-09), « grenadier d’élite, le 17 septembre 1916, chargé de l’attaque d’un boyau ennemi fortement organisé et défendu, a mené pendant une heure un rude combat à la grenade, a contribué à enlever la position et à faire une quarantaine de prisonniers ». Il est décoré de la Croix de guerre avec « étoile de Vermeil ». « 1 citation et deux blessures ».
En 1917, il est condamné à 6 mois de prison avec sursis par le conseil de guerre pour désertion (à la fin d’une permission, il n’a rejoint son régiment qu’un mois après l’embarquement de celui-ci).
En septembre 1919, démobilisé, il « se retire » au 68, rue du Chemin vert (Paris 11è). L’année suivante il a déménagé au 3, rue Caplat (Paris 18è).
Le 28 mai 1921, il épouse à la mairie du 18ème Augustine, Marie, Louise, Meunier (elle est née le 27 janvier 1878 à Saint-Cyr-en-Talmondais (Vendée). En 1926, il travaille comme ouvrier électricien au PLM. A partir de 1926, il vit seul au 55, rue de Reuilly (qui semble être l’adresse d’un hôtel).
Robert Bramet a eu plusieurs fois maille à partir avec la justice : en novembre 1910, il est condamné à 50 francs d’amende pour port d’arme prohibée. En 1917, il est condamné à 6 mois de prison avec sursis par le conseil de guerre pour désertion (à la fin d’une permission, il n’a rejoint son régiment qu’un mois après l’embarquement de celui-ci). En 1922 il est condamné à 25 F d’amende pour coups volontaires aux Sables d’Olonne. En 1927, il est condamné à un mois de prison pour vol par la 13ème chambre correctionnelle de Paris.
Il s’inscrit sur les listes électorales de Paris en 1933.
Après la déclaration de guerre du 3 septembre 1939, Roger Bramet, réserviste dont la classe de mobilisation 1914 a été ramenée à 1912 (il a un enfant vivant), est mobilisé le 19 avril 1940, et rejoint le dépôt du 22ème Bataillon d’Ouvriers d’Artillerie à Vincennes. Le 22ème combat vers Metz, jusqu’au 21 mai.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Roger Bramet est vraisemblablement démobilisé comme d’autres soldats du 22ème BOA le 13 août 1940. En 1940, il est veuf et vit en concubinage avec Alice « S ». Il est père d’un enfant.
Robert Bramet est arrêté le 23 septembre 1940 pour « distribution de tracts communistes ». Mis en détention provisoire, il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé le 28 septembre 1940.
Le 15 octobre 1940, dans la continuité de la ligne politique qui a conduit à la rafle de près de 300 communistes le 5 octobre et leur internement sans jugement, le Préfet de police de Paris ordonne l’internement administratif de Robert Bramet au « Centre de Séjour Surveillé » d’Aincourt (lire dans le site : Le camp d’Aincourt).
Le 23 avril 1942, Robert Bramet est transféré au CSS de Voves (ouvert de janvier 1942 à mai 1944) au sein d’un groupe de 62 internés administratifs d’Aincourt. Au total 153 internés en provenance d’Aincourt (3) sont transférés à Voves les 23 et 26 avril 1942. Robert Bramet est enregistré à Voves sous le matricule « n° 131 ».
Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France. Marcel Lamboley figure sur la première liste. Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique également « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». ».
Robert Bramet figure sur la première liste de 81 noms qui vont être transférés le 10 mai 1942 à Compiègne.
Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, arrivés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) les 10 et 22 juin 1942, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». *
Depuis le camp de Compiègne, Robert Bramet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942.
Le numéro «45296 ?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, est néanmoins sujet à interrogations. En effet, avec la connaissance de son registre matricule militaire, on sait qu’il a les cheveux blonds et les yeux bleus clairs. Or le déporté ayant le numéro matricule «45296 ?» a les cheveux très foncés, des sourcils très fournis et foncés et les yeux foncés. Il pourrait alors s’agir d’Henri Breton, dont le nom correspond lui aussi à ce numéro matricule et qui a les cheveux châtains selon son registre matricule. Mais l’ordre alphabétique ne serait pas respecté, or les Allemands l’ont presque toujours suivi.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Robert Bramet meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 125 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique). Le certificat de l’état civil d’Auschchwitz porte comme cause de la mort « broncho pneumonie ». L’historienne polonaise Héléna Kubica explique comment les médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz».
Il convient en outre de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18, 19, 20 ou 21 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp qui ont été enregistrés à ces mêmes dates.
D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les blocks d’infirmerie. Lire dans le site : Des causes de décès fictives.
Un arrêté ministériel du 27 novembre 2009 paru au Journal Officiel du 11 mars 2010 reprend la même date (enregistrée le 19 mai 1947) et porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès.
- Note 1 : Lors de son immatriculation à Auschwitz, la date du 2 février 1894 a été enregistrée par erreur, au lieu de celle du 18 février. On la retrouve donc sur son acte de décès à l’état civil d’Auschwitz.
- Note 2 : Rapport des Renseignements généraux, 7 octobre 1940 : « PC. La répression s’est exercée avec des moyens accrus. En effet, à la suite de démarches pressantes faites auprès de l’autorité occupante, la préfecture de police a pu obtenir qu’il ne soit pas mis obstacle à l’application des décrets lois des 18 novembre 1939 et 3 septembre 1940 ». Ce sont quelque 300 communistes qui sont furent touchés par la première rafle du début octobre.
- Note 3 : Les autorités craignent toujours une attaque du camp, trop proche de Paris où le Parti communiste clandestin est toujours très implanté. D’où l’ouverture du camp de Voves. Un dernier gros transfert de 149 hommes d’Aincourt a lieu le 5 mai. Le camp d’Aincourt est définitivement fermé le 15 septembre 1942).
Sources
- Archives en ligne du 14èmearrondissement de Paris.
- Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
- Archives du CSS d’Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W
- Archives de la police / BA 2374 Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Death Books from Auschwitz registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / © collection André Montagne.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Registres matricules militaires de la Seine.
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com