Matricule « 45 513 » à Auschwitz

Charles Durand le 8 juillet 1942
Charles Durand : né en 1902 à Quimperlé (Finistère) ; domicilié à Paris 11ème ; tourneur sur métaux ; communiste ; arrêté le 5 septembre 1939 ; condamné à 3 ans de prison : écroué à la Centrale de Poissy, prisons de la Santé et à Fresnes ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 21 octobre 1942.

Charles, Jérôme, Louis, René, Emmanuel Durand est né le 1eravril 1902 à Quimperlé (Finistère).
Il habite au 24, rue de l’Orillon à Paris (11ème) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Mélanie Ricouard, débitante de boissons à Nantes (1871-1956) et de Jérôme, Joseph, Marie, Emmanuel Durand (né le 29 mai 1868 à Le Trévoux (Finistère). Son père décède le 14 mai 1902à Quimperlé. Charles Durand a une sœur aînée, Marie, née en 1900,
Le 22 septembre 1924, à Nantes (Loire-Atlantique) 3ème canton, Charles Durand épouse Lucienne, Madeleine, Marguerite Terrien, 18 ans, couturière, née à Nantes le 21 février 1906.
Il est domicilié au 2, rue Chevreul, section de Chantenay à Quimperlé et travaille comme tourneur sur métaux.
A cette date sa mère, devenue veuve en 1902, est remariée avec Jacques Le Gall. Il sont domiciliés au 8, rue Mellac à Quimperlé.
Le mariage Durand-Terrien est dissous par jugement du tribunal de la Seine le 28 novembre 1934.
Charles Durand se remarie avec Mariette, et élève sa fille, Jacqueline, née de son premier mariage (elle habite 8, rue Mellac chez sa grand-mère à Quimperlé après-guerre).
Charles Durand travaille comme tourneur sur métaux aux ateliers d’engrenages des usines Citroën, 51, quai de Grenelle à Paris 15ème, usine qui assure le montage et l’usinage des essieux avant et des ponts arrière de la B 14 dès 1925.

L’Humanité du 25 août 1939

Charles Durand est adhérent du Parti communiste, connu des services de police comme . « Militant communiste, propagandiste actif, distributeur de tracts » (note blanche du 21 janvier 1952).
Après les accords de Munich (30 septembre 1938) qui consacrent le démembrement de la Tchécoslovaquie et qui sont rejetés en bloc par le Parti communiste français, les communistes français concilient aisément leur attachement à l’URSS et l’antifascisme.
Mais avec la signature du pacte de non-agression germano soviétique le 23 août 1939 – que l’Humanité du 26 août présente comme un acte de mobilisation antifasciste et de Paix – le gouvernement Daladier interdit la presse communiste le même jour. Le 3 septembre, la France déclare la guerre à l’Allemagne suite à l’invasion de la Pologne.

Charles Durand est arrêté le 5 septembre 1939, par la police française sur son lieu de travail pour avoir distribué un tract communiste (vraisemblablement la déclaration du PCF du 25 août sur le pacte de non-agression) au réfectoire de son usine et tenu des « propos défaitistes » (référence : note blanche du 21 janvier 1952).
Charles Durand est écroué à la Maison d’arrêt de Poissy le 6 septembre 1939 et condamné le 16 novembre 1939 par le 2ème tribunal militaire de Paris à 3 ans de prison et 1000 F (3000 F selon le Maitron) d’amende pour « détention et distribution de tracts d’inspiration étrangère non soumis à la censure ». Il est emprisonné ensuite à la Santé puis à la maison d’arrêt de Fresnes.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Maison d’arrêt de Fresnes @ Lynx
Fiche de la Croix Rouge juin 1944

A la différence d’autres militants arrêtés en septembre 1939 et condamnés à 3 ans de prison par le même tribunal militaire, comme Henri Asselineau, il est maintenu à Fresnes et ne connait pas un transfert vers Fontevrault lors de la « débâcle » (devant l’avancée allemande les prisons de Paris sont évacuées vers le sud.
Il fait appel de sa condamnation et bénéficie en mai 1941 d’une remise de peine de trois mois.
A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, Charles Durand n’est pas libéré et le 27 mars 1942, François Bard, Préfet de Police de Paris ordonne son internement administratif, en application de la loi du 3 septembre 1940.
Il est alors détenu au Dépôt de la préfecture de Police de Paris en attente d’un transfert.
Le 5 mai 1942, il fait partie d’un groupe de treize communistes conduits à la gare du Nord pour y être remis aux Autorités d’Occupation à la demande de celles-ci.
Il est alors transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). A Compiègne il reçoit le matricule 5167 et il est affecté au bâtiment C1. Sa dernière lettre à sa famille date de juin 1942.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Charles Durand est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Charles Durand est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45513» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz. Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Charles Durand meurt à Auschwitz le 21 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from
Auschwitz
Tome 2 page 247 et le site internet©Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).

Un arrêté ministériel du 30 mars 1989 paru au Journal Officiel du 26 mai 1989, porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Charles Durand. Mais il comporte une date erronée : « décédé le 15 janvier 1943 à Auschwitz (Pologne) ». Il serait
souhaitable que le Ministère prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible
depuis 1995 et consultables sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

Charles Durand est homologué comme « Déporté politique ». C’est son épouse Mariette qui est bénéficiaire de la carte de DP. Sa famille n’a pu obtenir qu’il soit homologué comme « Déporté résistant ».

  • Note 1 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la
    défense nationale ou la sécurité publique
    « . Les premiers visés sont les communistes.
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Tables décennales en ligne de Quimperlé.
  • Mairie du 11ème arrondissement de Paris.
  • Fiche de renseignements de la Croix rouge adressé à sa fille Jacqueline Dulac à Quimperlé.
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Edition informatique 2013, notice Claude Pennetier.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Séance d’identification de 122 «45.000» le 30 avril 1948 par les rescapés par les rescapés et familles des déportés du convoi, à partir des photos d’immatriculation de près de 500 de leurs camarades reçues de Pologne (Le Patriote Résistant N° 20).
  • © Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / collection d’André Montagne.

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *