André Lanvert en 1940 (DR famille Lanvert)
André Lanvert : né en 1913 à Bully-Grenay (Pas-de-Calais) ; domicilié décembre ; condamné à 3 mois de prison ; libéré ; arrêté comme otage le 28 avril 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 13 septembre 1942, à Birkenau

André Lanvert est né le 28 janvier 1913 à Bully-Grenay, chef-lieu du Pas-de-Calais devenu Bully-les-Mines en 1925.

17, rue de la Roquette

Depuis le mois d’avril 1932 il habite au 17, rue de la Roquette à Paris 11ème (au dessus du bureau de Poste) jusqu’à son arrestation.
Il est le fils de Lucienne, Marguerite Durin, 24 ans (née le 20 mars 1888 à Bezenet, Allier) et de Gustave Lanvert, 31 ans (né le 21 août 1882 à Saint Bonnet de Four, Allier), mineur à la Compagnie des mines de Béthune, son époux. Ses parents se sont mariés à Bezenet le 22 juin 1907.
Il a une sœur, Eugénie Marie (épouse Dorot, née en 1908 dans le Pas-de-Calais).
En 1936, André Lanvert habite au 17, rue de la Roquette à Paris 11e, appartement n° 13, juste à côté du n° 12, occupé par sa sœur Andrée, employée de bureau et son époux, René Dorot, tonnelier (recensement du 11ème arrondissement 1936).

Le 31 décembre 1938, il épouse à la mairie de Charenton (Seine / Val-de-Marne), Jeanne Darmes, née le 14 août
1914 à Paris 12e, dactylographe (elle décède le 8 juin 1946 à Charenton). Le couple a un garçon prénommé Gérard.
André Lanvert travaille comme employé de bureau.

Enquête de police, 1956
Les camionnettes UNIC

Selon l’enquête diligentée en 1956, dans les archives de renseignements généraux, par les services de la Préfecture de Police de Paris pour son homologation au titre de Déporté politique, il est un des responsables de la cellule du Parti communiste aux usines UNIC à Suresnes-Puteaux (fabrication de poids lourds, camions et cars).
Il y côtoie Gabriel Ponty et Jules D’Haese qui seront déportés le 6 juillet 1942 avec lui.

Inscrit sur les listes électorales de Paris 11ème, conscrit de la classe 1933, André Lanvert  est mobilisé au 150ème régiment d’Infanterie à la déclaration de guerre en 1939.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Actif dans la clandestinité, après sa démobilisation, André Lanvert est arrêté une première fois le 28 décembre 1940 par des policiers français du commissariat de Puteaux en liaison avec la Brigade spéciale des Renseignements généraux (lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux), « ainsi que d‘autres camarades » dit madame Denise Tourte, qui sera également arrêtée, ainsi que son mari. Ceux-ci sont arrêtés à des dates différentes.

André Lanvert en 1940
Registre de la BS1 des Renseignements généraux du 31 décembre 1940

En effet en ce mois de décembre 1940, les renseignements généraux  ouvrent une enquête à la suite de la constitution d’un “Comité Populaire”, aux usines Unic à Suresnes, qui « abouti à l’identification de trois ouvriers de cette entreprise […] inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, mais laissés en liberté provisoire. Les perquisitions opérées et les enquêtes effectuées lors de cette affaire ont amené la découverte d’un “centre” clandestin d’édition, de confection et de diffusion de tracts, placards et papillons communistes, dont l’activité s’exerçait plus particulièrement dans la région de Charenton, de Maisons-Alfort et d’Alfortville ».
Le registre du 31 décembre 1940 de la BS1 des Renseignements généraux récapitule cette rafle qui a concerné 20 personnes soupçonnées d’activités communistes clandestines.
Sur les 20, quinze sont dirigés vers le dépôt de la Préfecture et inculpées. Parmi eux, René Caron, André Lanvert, Lucien Tourte, et Félix Vinet.
André Lanvert est inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 interdisant les organisations communistes.
Il est condamné le 29 avril 1941 par la 12ème chambre correctionnelle de Paris à trois mois de prison. Il est libéré le lendemain, la peine prononcée ayant été accomplie pendant son emprisonnement préventif.

André Lanvert est arrêté une seconde fois le 28 avril 1942 par des policiers allemands et français. Ce jour-là une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine. Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et arrêtent 387 militants, dont la plupart, comme André Lanvert, avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff). Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.

André Lanvert et ses camarades sont transférés sur réquisition des autorités allemandes au camp allemand (le Frontstalag 122) de Compiègne (Oise). Il est interné à Compiègne le 29 avril 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, André Lanvert est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.
Le numéro « 45734 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942
correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur
plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Après l’enregistrement, André Lanvert passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, comme André Lanvert restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Kommando Terrasse © musée d’Auschwitz

Si Aimé Oboeuf , affecté au Kommando « Terrasse » à Birkenau en 1942, ne savait pas qu’il y avait dans le convoi un autre déporté originaire comme lui du Pas-de-Calais (il l’écrit à Roger Arnould en 1971), il se souvient qu’André Lanvert (qu’il dit avoir connu à Charenton), se fait affecter à Birkenau à un Kommando réputé très dur (assèchement des marais) pour toucher double ration et pouvoir échanger de la nourriture contre des cigarettes.

Dessin de Franz Reisz, 1946

André Lanvert meurt à Birkenau le 13 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 692 et le site internet © Mémorial et Musée
d’Etat d’Auschwitz-Birkenau
) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique).

Un arrêté ministériel du 7 octobre 1994, paru au Journal Officiel du 9 décembre 1994, porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Mais cet acte porte une mention inexacte « décédé le 30 novembre 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Si dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives (le 1er, 15 ou 30, 31 d’un mois estimé) à partir des témoignages de rescapés, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés, il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte, par un nouvel arrêté, les archives du camp d’Auschwitz emportées par les Soviétiques en 1945, et qui sont accessibles depuis 1995 et consultables sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau Voir l’article : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

André Lanvert est homologué comme « Déporté politique ».

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Témoignage de sa sœur, Madame Dorot, cité dans l’enquête administrative du 18 février 1956 effectuée pour son homologation comme Déporté politique.
  • Attestation de Pierre Monjault.
  • Souvenirs d’Aimé Obeuf (courrier à Roger Arnould en 1971 et notes volantes prises par celui-ci, sans dates).
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Correspondance avec sa petite fille, Madame Hélène Lanvert (novembre 2016).
  • Photo collection familiale, © Gérard Lanvert (son fils).
  • Archives de la Préfectures de police de Paris, dossiers Brigade spéciale des Renseignements généraux, registres journaliers.

Notice biographique mise à jour en 2010, 2014, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

2 Commentaires

    1. Les descendants d’André Lanvert ont connu son destin tragique puisque nous avons été en contact avec son fils Gérard. Bien sur, il en va autrement pour l’ensemble des descendants de sa génération.

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