Kléber Plisson : né en 1903 à Boiscommun (Loiret) ; domicilié à Paris 11ème ;  débardeur ; arrêté pour distribution de tracts communistes le 8 avril 1941 ; condamné à 4 mois de prison effectués à Fresnes et Poissy ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt, le 29 octobre 1942.

Kléber Plisson est né le 16 juillet 1903 à Boiscommun (Loiret). Il habite au 139, rue de Charonne à Paris (11ème) au moment de son arrestation.
Kléber Plisson est le fils d’Eudoxie Mathonnat, couturière, née le 6 août 1883 à Boiscommun, décédée le 28 février 1958 à Boiscommun, et d’Eugène, Célestin, Désiré Plisson, né le 20 avril 1880 à Vitry-aux-loges (Loiret), maçon. Ses parents se sont mariés le 14 mars 1903 à Boiscommun.
Son père, mobilisé le 4 août 1914, est réformé en 1915. Il est rappelé en mai 1917, et à nouveau réformé en juin. Il décède à Charly-sur Marne (Aisne) le 3 juillet 1920. A  19 ans, il travaille comme argenteur de glaces, puis comme manœuvre, débardeur.
Le 28 avril 1923, à la mairie de Paris 11ème, Kléber Plisson, âgé de 19 ans, épouse Marguerite, Joséphine Le Guiff, ménagère née le 26 janvier 1904 à Keryado-Lorient (Morbihan). Elle est sans profession et habite au 139, rue de Charonne, qui est également l’adresse de Kléber Plisson, qui habite chez sa mère. Le couple a un garçon, Georges, qui naît le 4 novembre 1923.
En 1925, la famille habite au 139, rue de Charonne. Kléber Plisson effectue alors son service militaire et il est inscrit comme militaire sur les listes électorales de l’arrondissement à cette date. En 1926, il habite rue de Charonne avec sa mère, son épouse et son fils. Il est alors manœuvre.
En 1936, il est ouvrier chez Pigier et son épouse est couturière. Sa mère n’habite plus avec eux.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

La police française le considère comme un « agent actif de la propagande clandestine » et note qu’il a remis une quinzaine de “papillons” communiste à un camarade d’atelier. Kléber Plisson est arrêté le 8 avril 1941 à Pantin en même temps que Jean Boisseau militant de Drancy, pour « distribution de tracts communistes ».
Ils sont incarcérés à la Maison d’arrêt de la Santé le 10 avril 1941 en attente de jugement. Inculpés d’infraction au décret du 26 septembre 1939, ils comparaissent le 17 avril 1941 devant la 10ème chambre du Tribunal correctionnel de la Seine.
Kleber Plisson est condamné à quatre mois de prison.

La Centrale de Poissy © J. Tronel

Il est écroué à la Maison d’arrêt de Fresnes le 22 avril 1941, puis à la Maison centrale de Poissy. A l’expiration de sa peine d’emprisonnement, le 1er août, il est possible qu’il ait été libéré. Toutefois l’arrestation de près d’un millier de communistes de la région parisienne dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin 1941 (opération Theoderik) qui suit l’invasion de l’Union soviétique n’incite guère à suivre cette hypothèse. On sait que depuis le début de l’Occupation, la Préfecture de police de Paris agit par tous les moyens pour arrêter et emprisonner les communistes.

Fiche de la centrale de Poissy

Kléber Plisson est donc vraisemblablement maintenu à Poissy, tout comme Eugène Thédé, et Alfred Chapat l’ont été, qui auraient dû être libérés en juin ou août (fiche ci-contre épinglée à leur dossier) et qui sont finalement internés au camp de Rouillé (le « Centre de séjour surveillé » (CSS) d’Aincourt est très tôt rempli et à partir du 6 septembre 1941, le camp de Rouillé, « centre d’internement administratif » (CIA) est ouvert).

Le Préfet de police de Paris ordonne l’internement administratif de Kléber Plisson le 19 septembre 1941 en application de la Loi du 3 septembre 1940 (1).  Kléber Plisson est alors détenu au Dépôt de la Préfecture de police de Paris en attente de transfert. Le 9 octobre 1941, il est transféré au camp de Rouillé (2) au sein d’un groupe de soixante communistes de la région parisienne (40 détenus viennent du dépôt de la Préfecture de Police de Paris et  20 viennent de la caserne des Tourelles).
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne.
Le nom de Kléber Plisson (n° 149 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés (3) qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Block 5 à Compiègne, chambre 7

A Compiègne, il reçoit le matricule « 5916 ». Il est affecté au Block
5, chambrée 7. Le 29 mai 1942, son nom figure sur l’inventaire du paquetage des internés, établi par Olivier Souef pour la chambrée dont il est responsable.
Kléber Plisson dispose d’un matelas,  d’une couverture et d’un polochon.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, Kléber Plisson va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Kléber Plisson est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45993 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Kléber Plisson meurt à Auschwitz le 29 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 942 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique).

Un arrêté du 3 novembre 1997 paru au Journal Officiel du 27 janvier 1998 portant apposition de la mention «Mort en
déportation
» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Kléber Plisson porte une date erronés : « décédé le 31 décembre 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Il serait souhaitable que le Ministère prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 et consultables sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

Kléber Plisson est homologué comme « Déporté politique ».

  • Note 1 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
  • Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 3 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François,
    Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit
    libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Archives départementales de Paris, rôle correctionnel
  • Camp de Rouillé : archives départementales de la Vienne.
  • Liste du 22 mai 1942, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
  • Inventaire de Claude Souef du 29 mai 1942. Block 5, chambre 7.
  • Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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