Matricule « 45.729 » à Auschwitz

Emile Larosière : né en 1922 à Saint-Denis (Seine / Seine-St-Denis) ; domicilié à Bobigny (Seine / Seine-St-Denis) ; mécanicien ; jeune communiste ; arrêté le 22 novembre 1940, condamné à 2 mois de prison ; arrêté comme otage le 28 février 1942 ; interné au camp Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942.

Emile Larosière est né le 26 janvier 1922 à Saint-Denis (Seine / Seine-St-Denis). Il habite au 76, rue du Pré-Souverain à  Bobigny (Seine / Seine-St-Denis) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Lucie Gouin, 20 ans, sans profession et de Paul Larosière, 35 ans, mécanicien, puis jardinier. Il a un frère, Paul, né en 1924. Leurs parents se sont mariés le 15 avril 1919 à Saint-Denis.
Il est célibataire. Il habite avec ses parents au 16, rue de la Tour d’Auvergne à Bobigny, puis, après 1936, au 76 rue du Pré-Souverain. Il travaille comme mécanicien.
Il est adhérent aux Jeunesses communistes.
Les mesures prises par Daladier conduisent à la déchéance d’élus communistes. Par un décret du 26 septembre 1939, le gouvernement suspend les vingt-sept conseils municipaux communistes de la région parisienne. Du 5 octobre 1939 au 15 juin 1940, Bobigny est ainsi administrée par une délégation spéciale nommée par le préfet de la Seine, composée de trois hommes, dont un médecin-chef et un employé de l’hôpital franco-musulman.
Le 5 février 1940 (1), Emile Larosière est arrêté en même temps qu’un autre jeune communiste de Bobigny, Paul Varenne,« lors d’une distribution de tracts » (in brochure de Bobigny éditée pour le « 40ème anniversaire des camps de la mort »). Inculpé par le commissaire de Noisy-le-Sec d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939, il est mis à la disposition du Procureur. Il est condamné comme son camarade à une peine d’emprisonnement de 2 mois par la 12ème chambre du tribunal correctionnel de la Seine et écroué à la Santé. A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, il est remis en liberté.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Emile Larosière est arrêté le 22 novembre 1940, par des inspecteurs des Renseignements généraux pour « propagande communiste clandestine et infraction au décret du 26 septembre 1939 ». Le 23 novembre, la 12ème chambre du tribunal correctionnel de la Seine le condamne à deux mois de prison. Il est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé (Paris 14e), puis il est libéré à l’expiration de sa peine.

Emile Larosière est arrêté à nouveau le 28 avril 1942, en même temps que Paul Varenne. Ce 28 avril 1942 en effet, une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine. Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique de  otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et arrêtent 387 militants, dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (26 septembre 1939)et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés d’activité clandestine par les services de police. Il s’agit de
représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril 1942 un soldat de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff).

Emile Larosière est ensuite remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Emile Larosière est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Emile Larosière se voit attribuer le numéro matricule «45729» qui sera désormais sa seule identité pour ses gardiens (liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz).
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Emile Larosière meurt le 19 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 693 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique). Ce certificat porte comme cause du décès « Pneumonia ». L’historienne polonaise Héléna Kubica a révélé comment les médecins allemands du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz». Il convient en outre de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 19 et 20 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp ont été enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les blocks d’infirmerie. Lire dans le site : Des causes de décès fictives.

Un arrêté ministériel du 2 août 1993 paru au Journal Officiel du 17 septembre 1993 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs et reprend la date portée sur le certificat de l’état civil d’Auschwitz.

Emile Larosière est déclaré « Mort pour la France » et homologué « Déporté Politique ».

Son nom et celui de 18 résistants Balbyniens (dont Pierre Cambouliu, Henri Nozières et Paul Varenne) est gravé sur une plaque « Hommage aux héros de la Résistance » apposée en Mairie au-dessous de la plaque en mémoire de deux anciens employés municipaux déportés à Auschwitz dans le même que lui (Marius Barbier, de Saint-Ouen, et Henri Nozières).

Note 1 : In Brochure « 40ème anniversaire des camps de la mort » in « Bonjour Bobigny » d’avril 1985. Mais nous n’en avons pas trouvé trace dans son dossier au DAVCC, ni aux archives de la préfecturee de Police de Paris.  

Sources

  • Communication de M. Claude Antony, Maire-adjoint de Bobigny (2 novembre 1989).
  • Brochure « 40ème anniversaire des camps de la mort » in « Bonjour Bobigny » d’avril 1985.
  • Archives communales, 11 sept 1990.
  • © Gilbert Joubert, Pdf Cercle d’Etudes et de Recherches Historiques de Bobigny Balbiniacum
    CERHBB (photo plaque ci-dessus).
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993 par André Montagne.
  • Avis de décès (1992).
  • Archives en ligne de Seine-Saint-Denis, listes électorales et recensement de Bobigny.
  • Archives départementales de Paris : jugements du tribunal correctionnel de la Seine. 
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Helena Kubica : “Methods and types of treatment”, p. 318 in “Auschwitz 1940-1945”, tome 2. Musée d’état d’Auschwitz-birkenau 2000.
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948, établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Liste Auch 1/7. Liste V (n° 31806).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique rédigée en novembre 2007 (complétée en 2014,  2019, 2020 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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