Emile Reinhard : né en 1890 à Reims (Marne) ; domicilié à Paris 20ème ; employé de bureau ; communiste ; arrêté le 26 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, de Voves et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 22 septembre 1942.
Emile Reinhard est né le 7 janvier 1890 au domicile de ses parents, 69, rue des Trois-Piliers, à Reims (Marne).
Au moment de son arrestation, Emile Reinhard habite 3, square de la Gascogne à Paris 20ème.
Il est le fils de Delphine Mayer, 24 ans, gantière et de Jean Reinhard, 31 ans, cordonnier. Il est légitimé lors du mariage de ses parents le 27 juillet 1895 à Paris 20ème.
Son registre militaire nous apprend qu’il mesure 1m 72, a les cheveux châtains et les yeux « orangers verdâtres », le front et le nez moyens, le visage étroit. Au moment du recensement précédant le conseil de révision, il habite chez ses parents au 58 rue de Pixérécourt à Paris 20ème.
Il est employé de commerce et a un niveau d’instruction n° 3 pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1910, Emile Reinhard est appelé au service militaire et arrive au 37ème Régiment d’Infanterie le 9 octobre 1911. Il va effectuer un service militaire de 3 ans (1). Il est transféré au 167ème RI le 15 avril 1913 (loi du 23 décembre 1912 sur la création de nouveaux corps de troupe) et passe dans la Réserve le 8 novembre 1913, après avoir été maintenu au corps (1) en application de l’article 33 de la Loi de 1905, « certificat de bonne conduite accordé ». En novembre 1913, il est retourné à la vie civile et habite au 145 rue de Ménilmontant à Paris 20ème.
Le 1er août 1914 la mobilisation générale est décrétée. Il est « rappelé à l’activité » et mobilisé au 167èmeRI, qu’il rejoint le 3 août 1914. Il est blessé au cuir chevelu le 20 septembre 1914 à Morey (Meurthe et Moselle). Il est blessé le 1erjuin 1918 à la ferme de la Grenouillère Merthier (Aisne) plaie perforante de l’avant bras. Mais il a vraisemblablement une intoxication aux gaz de combat puisque s’ensuivra une insuffisance respiratoire et sclérose broncho pulmonaire entraînant une réforme de 25 % et une pension temporaires (confirmées à 20 % en 1926 et 25 % en 1927). Il est démobilisé le 30 juillet 1919 à Rosny sous bois (dépôt du 4èmeZouaves). Il est classé « service auxiliaire » pour la Réserve de l’Armée. Il souffrira toute sa vie de sclérose pulmonaire, de bronchite purulente et d’angine pseudo-membraneuse, symptômes d’intoxication par le gaz moutarde.
Emile Reinhard épouse Georgette Gilloppé, le 22 février 1919 à Paris 20ème. Elle est née le 2 avril 1893 à Fontaine-Fourche (actuelle Seine-et-Marne). Ils habitent alors au 60, rue des Grands Champs à Paris 20ème. Le couple a un enfant.
En 1927 ils habitent au 127, rue de Pelport (Paris 20ème). Emile Reinhard travaille comme employé de bureau (source ACVG) ou employé de commerce (Le Maitron). Militant communiste, adhérent à la cellule n° 1153, Emile Reinhard est membre du 2ème Rayon de la Région parisienne en 1932 (Le Maitron).
En octobre 1932, il déménagent dans un appartement neuf au 3, square de Gascogne, un immeuble neuf de 6 étages et 24 logements, à Paris 20ème.
Ils habitent non loin du domicile d’Alexandre Varoteaux (102, bd Davout) qui sera déporté avec Emile Reinhard à Auschwitz et du domicile clandestin (au 119 boulevard Davout) de Félix Cadras, membre du Comité central du Pcf, fusillé au Mont Valérien le 30 mai 1942.
En 1933, il s’inscrit sur les listes électorales de l’arrondissement.
Au recensement de 1936, Emile Reinhard travaille comme employé de commerce aux Magasins modernes, dans le huitième arrondissement.
Emile Reinhard est l’un des fondateurs de « l’Amicale des Locataires » (Le Maitron) de son groupe d’immeubles
du square de la Gascogne, construits en 1932, donnant sur le boulevard Davout, tout près du métro Porte de Montreuil.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Le domicile d’Emile Reinhard est perquisitionné le 26 octobre 1940. Il est arrêté à l’issue de cette « visite domiciliaire », pour « activité communiste », comme 38 autres militants parisiens. Le même jour, le préfet de police de Paris, Roger Langeron, ordonne son internement administratif en application de la Loi du 3 septembre 1940 (2) et il est aussitôt transféré au camp d’Aincourt.
Lire dans le site : Le camp d’Aincourt.
Souffrant de sclérose pulmonaire et de bronchite chronique (séquelles de la guerre de 1914), il est placé à l’infirmerie du camp.
Le directeur, le commissaire Audrey connu pour son zèle anticommuniste reçoit la mention suivante des Renseignements généraux concernant Emile Reinhard : « communiste notoire, propagandiste acharné ». Ce qu’il confirme dans le formulaire de « révision trimestrielle du dossier » du 6 mars 1941 par « communiste certain », tout en notant que son état de santé et son placement à l’infirmerie ne lui permet pas de se livrer à une quelconque propagande en direction de ses camarades.
Le 5 mai 1942, il est transféré au Camp de Séjour Surveillé (CSS) de Voves (Eure-et-Loir) au sein d’un groupe de 149 internés d’Aincourt. Lire dans le site : Le camp de Voves
Il y est enregistré sous le n° 401, n° de dossier 21.505.
Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du Militärbefehlshabers Frankreich, le MBF, commandement militaire en France.
Emile Reinhard figure sur la première liste de 81 noms qui vont être transférés le 10 mai 1942 à Compiègne.
Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».
Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, arrivés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) les 10 et 22 juin 1942, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Emile Reinhard est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «46042 ?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Nous savons depuis que ce numéro correspond à celui de Felix Reillon. Le numéro d’immatriculation d’Emile Reinhard est peut-être le suivant, le « 46042 » dont nous avons la photo. Ce numéro, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives et de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms. Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami du visage de la photo
d’immatriculation publiée au début de cette biographie pourrait désormais en fournir la preuve.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Emile Reinhard meurt à Auschwitz le 22 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 995 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Il est déclaré « Mort pour la France » le 27 avril 1947.
Un arrêté ministériel du 31 juillet 1997 paru au Journal Officiel du 27 janvier 1998 porte apposition de la mention «Mort en
déportation» sur son acte de naissance et jugement déclaratif de décès et reprend la date portée sur le certificat de l’état civil d’Auschwitz.
Une plaque commémorative honorant son nom a été apposée au 3, square de la Gascogne à Paris (20ème).
- Note 1 : Le 15 mai 1913, le garde des Sceaux informe la Chambre des députés du maintien sous les drapeaux, au 1er octobre 1913, de la classe alors libérable, après deux ans révolus de service militaire, en application de l’article 33 de la loi du 21 mars 1905. La déclaration est approuvée par 322 voix contre 155. La mesure soulève le mécontentement des appelés de la classe 1910 maintenus sous les drapeaux pour une année supplémentaire. Des manifestations de soldats en uniforme ont lieu, notamment, à Toul, Belfort, et Rodez (in Archives de Paris).
- Note 2 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif sans jugement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
Sources
- Etat civil en ligne de la ville de Reims et l’état civil départemental, moins lisible.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche et dossier individuel consultés en octobre 1993.
- Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Edition informatique 2014, notice de Nathalie Viet-Depaule
- Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
- Archives du CSS d’Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W.
- Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet Legifrance.
- © Site Les plaques commémoratives, sources de Mémoire.
- Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / © collection André Montagne.
- © Google Maps.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Registres matricules militaires.
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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