Matricule « 46 117 » à Auschwitz
Georges Schoumann : né en 1902 à Paris 11ème. ; domicilié à Paris 20ème a ; ajusteur, tôlier-chaudronnier ; communiste ; arrêté le 9 janvier 1941; interné aux camps d’Aincourt, Voves et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt
Georges, Julien, Camille, Schoumann est né le 29 août 1902 à Paris 11ème.
Il habite au 8, rue des Montiboeufs à Paris 20ème au moment de son arrestation. Il est le fils d’Hélène, Aimée Augendre, 26 ans, couturière, née en 1876 à La Charité sur Loire (Nièvre) et de Jean Schoumann, 32 ans, né en 1869 à L’Hôpital-Carling (Moselle), chaudronnier, son époux. Ils se sont mariés le 19 août 1899 à Paris 20ème. Ses parents habitent au 12, rue de la Petite Pierre dans le 11ème arrondissement à sa naissance. Il a trois sœurs et frères : Jean (1900-1959), Jeanne (1903-1997), Lucienne (1906-1907).
Georges Schoumann épouse le 11 avril 1925 à Paris 11ème, Georgette, Marguerite Racine. Cartonnière, elle a 23 ans, née le 11 avril 1904, à Paris 11ème. Ils habitent au 5, rue Jules Verne dans cet arrondissement. Au moment du mariage, il est ajusteur. Chaudronnier-tôlier de formation, il exercera d’autres métiers.
Le couple perd un enfant en septembre 1926. Son épouse décède le 10 février 1928.
Georges Schoumann devenu veuf, épouse, le 23 mars 1935 en seconde noces, à Paris 11ème Georgette, Louise Boisgontier, née le 13 septembre 1907 à Paris 18ème, (elle est décèdée à Lagny en 1975). Elle est gardienne d’immeuble au 29, rue Bonaparte à Paris 6ème, où le couple habitera quelques mois.
Georges Schoumann adhère au Parti communiste en juin 1936.
Cette même année, il s’inscrit sur les listes électorales du 20ème arrondissement. Lors du recensement de 1936, son épouse est concierge au 8, rue des Montiboeufs (quartier Saint-Fargeau). Le couple y vit avec Jeanne, la fille de son épouse, née en 1928 à Paris, alors âgée de 8 ans. Georges est monteur en électricité.
On connait son dernier emploi : il a trouvé du travail pendant deux ans aux établissements Carimantrand, une entreprise de petite ébénisterie au 69, boulevard de la Liberté, aux Lilas (aujourd’hui boulevard du général Leclerc, Les Lilas, Seine / Seine-Saint-Denis).
Selon le témoignage de son épouse, leur domicile de la rue des Montiboeufs est
perquisitionné par la police en mars 1940. Sans suites.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
La recrudescence de la propagande communiste clandestine dans les arrondissements de l’Est parisien inquiète la police de Vichy. Des filatures, perquisitions et arrestations d’anciens militants communistes sont opérées par les renseignements généraux dans le 20ème arrondissement.
Georges Schoumann est arrêté chez lui le 9 janvier 1941, à 7 heures du matin par la police française. Il est retenu pendant une dizaine de jours au Dépôt de la Préfecture de police de Paris, puis à la Santé (DAVCC, relevé André Montagne).
En application de la loi du 3 septembre 1940, le préfet de police de Paris, Roger
Langeron, ordonne son internement administratif (1). L’arrêté est en date du 9
janvier 1941. Georges Schoumann est transféré le 17 janvier avec un groupe de vingt-quatre militants communistes au “Centre de séjour surveillé” (CSS) d’Aincourt. Lire dans le site Le camp d’Aincourt.
A Aincourt, il déclare au cours des interrogatoires trimestriels menés par le
directeur du camp (le commissaire Andrey), avoir quitté le Parti communiste à
la fin 1937, en désaccord avec la ligne politique. Mais pour les Renseignements
généraux et le commissaire Andrey, il est un « militant communiste de très longue date, meneur très actif de la propagande clandestine ». Ses deux demandes de remise en liberté et d’enquête sont donc rejetées par le Préfet de Seine-et-Oise.
Le 26 avril 1942, Georges Schoumann est transféré depuis le CSS d’Aincourt, surpeuplé, vers le CSS de Voves, au sein d’un groupe de 91 internés. Il y est enregistré sous le n° 254.
Lire dans le site : Le camp de Voves
Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de
la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du Militärbefehlshabers Frankreich, le MBF, commandement militaire en France.
Georges Schoumann figure sur la première liste de 81 noms qui vont être transférés le 10 mai 1942 à Compiègne.
Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».
Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, arrivés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) les 10 et 22 juin 1942, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Georges Schoumann est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Georges Schoumann est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «46 117» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz,
ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date, ni sa date de décès. Celle-ci est antérieure au 14 août 1943 (date à laquelle les survivants de Birkenau du convoi du 6 juillet 1942 sont ramenés à Auschwitz I).
Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives, quelquefois à partir de témoignages de rescapés, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés.
Voir l’article : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.
Pour Georges Schoumann, la date du 31 juillet 1942 a été retenue par le ministère. Un arrêté ministériel du 18 avril 2000 paru au Journal Officiel du 24 juin 2000 porte bien apposition de la mention «Mort en déportation» sur son jugement déclaratif de décès et reprend la date du 31 juillet 1942 portée par l’état civil français, mais avec la mention « sans autre précision »… On sait pourtant qu’il meurt à Auschwitz !
Georges Schoumann a été déclaré « Mort pour la France » et homologué comme « Déporté politique ». La carte de « DP » a été attribuée à Mme Georgette Schoumann, 8 rue des Montiboeufs à Paris 20ème.
- Note 1 : L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy fin 1940. La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
Sources
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1992. Relevé d’André Montagne.
- Archives en ligne de Paris. Etat civil, élections et recensement de population.
- Liste (incomplète) du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (archives des ACVG).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen)
- © Site Internet Legifrance.
- Archives du CSS d’Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- © Le CCS de Voves. Archives départementales d’Eure et Loir.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com