Matricule « 45 763 » à Auschwitz
Henri Lefèvre : né en 1918 à Saint-Ouen (Seine / Seine-St-Denis), où il habite ; chaudronnier puis ajusteur chez Alsthom ; communiste ; arrêté en décembre 1940 (non lieu) ; arrêté le 28 avril 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le le 9 août 1942.
Henri Lefèvre est né le 16 janvier 1918 au domicile de ses parents, 129, boulevard Victor Hugo à Saint-Ouen (Seine-Seine-St-Denis).
Au moment de son arrestation, il habite au 28, rue Ernest Renan dans cette ville.
Il est le fils de Claire, Louise Houille, 36 ans, journalière et d’Albert Lefèvre, 41 ans, journalier son époux.
Henri Lefèvre est ajusteur (DAVCC (1) ou chaudronnier aux ateliers Alsthom de Saint-Ouen (Société générale de constructions électriques et mécaniques Alsthom Saint-Ouen).
Il est membre du Parti communiste.
De la classe 1938, mobilisé à la déclaration de guerre, il est « affecté spécial » sur son lieu de travail.
En 1939, il s’inscrit sur les listes électorales de Saint-Ouen, où il est domicilié au 81, boulevard Victor Hugo.
Pendant la « drôle de guerre » et pendant l’automne 1940 des militants communistes d’Alsthom diffusent les tracts et journaux du Parti clandestin, sabotent du matériel.
Plusieurs militants communistes de l’usine sont arrêtés (1).
Le 13 juin 1940 l’armée allemande occupe Saint-Denis, puis Saint-Ouen. Le 14 juin, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
A l’automne 1940 des militants communistes de Saint-Ouen diffusent les tracts et journaux du Parti clandestin. Fin octobre 1940, les services des renseignements généraux notent une recrudescence de la propagande communiste dans l’Est parisien. Des surveillances, et filatures sont mises en place. Des perquisitions sont faites aux domiciles des communistes connus.
Henri Lefèvre est arrêté en décembre 1940, comme Pierre Bernard (chaudronnier chez Alsthom), à la suite d’une dénonciation pour « distribution de tracts communistes ». Ecroués à la Maison d’arrêt de la Santé en attente de jugement, ils obtiennent un non-lieu à la suite de la rétractation de leur accusateur. Le nom d’Henri Lefèvre est cité dans le livre « mémoires d’usine, mémoires d’avenir. Alsthom savoisienne, usine de Saint-Ouen-électricité ». Selon Louis Héracle « Louis Marangé, des presses de découpage des tôles, Pierre Bernard, Lefèvre un apprenti, ont été arrêtés avant moi, fin 1940 à l’Alsthom, dans le bureau du personnel, par les brigades spéciales de la police française. Ces deux derniers sont morts en déportation » (Monique Houssin, op. cité p.191).
Le 4 avril 1942, à Saint-Ouen, il épouse Louise, Eugénie Bailly (elle est née le 7 avril 1922 à Saint-Ouen)…
Vingt quatre jours après son mariage, Henri Lefèvre est arrêté une deuxième fois le 28 avril 1942. Ce jour-là une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine.
Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et arrêtent 387 militants, dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff).
Il est ensuite remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Henri Lefèvre est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Henri Lefèvre est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 835» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Henri Lefèvre meurt à Auschwitz le 9 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1540).
Un arrêté ministériel du 1er mars 1994 paru au Journal Officiel du 9 avril 1994 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes de naissance et jugement déclaratif de décès et reprend la date portée sur le certificat de l’état civil d’Auschwitz. Henri Lefèvre est homologué « Déporté politique ».
À Saint-Ouen, son nom est honoré sur le Monument de la Résistance et de la Déportation du cimetière communal, et sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau », inaugurée le 24 avril 2005 dans le Square des « 45.000 » et des « 31.000 » (le convoi du 24 janvier 1943).
- Note 1: Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- Note 2 : Une trentaine d’ouvriers, cadres et ingénieurs d’Alsthom Saint-Ouen sont déclarés « Morts pour la France » à la Libération. Parmi eux, André Sigonney fusillé au Mont Valérien le 26 août 1941, Ottino, Baillet, Letarget, Luleau sont fusillés. Plusieurs meurent en déportation, comme Pierre Bernard déporté à Auschwitz dans le même convoi qu’Henri Lefèvre, Louis Héracle déporté à Buchenwald, rescapé.
Sources
- Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle recopiée en février 1992 par Fernand Devaux.
- Monique Houssin, Résistantes et résistants en Seine-Saint-Denis, Un nom, une rue, une histoire, Les éditions de l’Atelier/ Les éditions Ouvrières, Paris 2004, p 190.
- La Résistance en Seine-Saint-Denis, Joël Claisse et Sylvie Zaidman, préface de Roger Bourderon Syros éd, p. 439.
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet Legifrance.
- © Site Internet MemorialGenWeb.
- Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique rédigée à partir d’une notice succincte pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005 (dont je dispose encore de quelques exemplaires pour les familles). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com