Matricule « 45 794 » à Auschwitz
René L’Helgoual’ch : né en 1911 à Paris 13è ; domicilié à Caen (Calvados) ; électricien ; communiste ; arrêté le 24 juin 1941, condamné à 9 mois de prison ; arrêté comme otage communiste le 2 mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau le 10 décembre 1942.
René L’Helgoual’ch ou L’Helgoualc’h, ou Lhelgoualch) est né le 17 mai 1911 au domicile de ses parents, 7, passage Vallet, à Paris 13è. Il habite dans un quartier populaire, au 73, rue Caponière à Caen (Calvados) au moment de son arrestation (1).
Il est le fils de Marie, Rosine Gaouac’h, 26 ans, sans profession et de Guillaume L’Helgoual’ch, 26 ans, terrassier, son époux à Paris 13è.
Son père est mobilisé le 23 novembre 1914. Blessé par grenade, il est porté disparu en 1916 : il a été fait prisonnier, et il est interné à Baden-Baden (Allemagne). Rapatrié, il décède le 18 septembre 1918 à Bannalec (Finistère).
Le 27 janvier 1919, René L’Helgoual’ch est « adopté par la Nation ».
René L’Helgoual’ch est électricien.
Il épouse Henriette, Marie, Constance, Durand à Hocquigny (Manche) le 14 septembre 1933.
Elle est née le 15 Juillet 1910 à Saint-Pierre Langers (Manche) à une dizaine de kilomètres d’Hocquigny (elle décèdera le 28 mars 2005, à Saint-Pair-sur-Mer, Manche).
Le couple a trois garçons : Guy, né le 04 septembre 1935, René, né le 11 avril 1937 et Lucien, né le 10 juin 1938.
Selon sa fiche au DAVCC / SHD Caen, et la presse locale, il a été membre du Parti communiste.
Non mobilisable, il est monteur-électricien à l’entreprise S.E.L.F. (Société Electrique Lumière et Force) rue Caponnière à Caen depuis le début de 1940.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes allemandes arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin. Les troupes allemandes défilent à Caen. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.
Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
C’est ainsi qu’ il est arrêté une première fois le 24 juin 1941, peut-être dénoncé par deux ouvriers de l’entreprise « rémunérés par le Service policier allemand » selon Gérard Berthier (conducteur de travaux à la S.E.L.F.), dont il donne les deux noms (enquête années 1950).
Par une coupure de journal (Le Bonhomme Normand n°20 de juillet 1941), on sait que René L’Helgoual’ch a été arrêté ce 24 juin 1941 pour distribution de tracts communistes.
Citation du fac-simile : « La répression communiste dans le Calvados. La Préfecture communique : « Une intense propagande communiste et des diffusions de tracts ou de journaux clandestins ayant pu être décelées dans le département, une importante épuration a été entreprise par les soins de la police locale, de la police spéciale, de la gendarmerie et de la 3è Brigade de police mobile de Rouen. La police municipale de Caen a pu, le 24 juin dernier, procéder à l’arrestation de deux individus détenteurs de tracts communistes, les dénommés René L’Helgoual’ch et Daniel Gooderige…».
A Caen, Vire, Deauville les 27, 30 juin 1941, la préfecture recense 76 perquisitions opérées chez des «individus présumés communistes».
De nombreuses arrestations sont opérées, pour détention de tracts ou propagande communiste, dont celle d’Emmanuel Michel, qui sera déporté avec lui à Auschwitz.
Le 1er juillet 1941, son domicile est perquisitionné par des gendarmes de la 3è légion de gendarmerie du Calvados. Il fait partie d’une liste de 61 hommes et femmes du Calvados, anciens militants syndicalistes ou communistes visés par une opération de «répression de la propagande communiste». 16 d’entre eux sont arrêtés.
La même opération a visé 57 femmes et hommes de nationalité Russe. « Résultat néant ».
Il s’agit manifestement d’une vaste opération déclenchée dans le cadre «d’Aktion Theoderich» (dès le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française).
René L’Helgoual’ch comparait le 21 juillet 1941 devant un tribunal français, qui le condamne à 9 mois de prison.
Il est interné à la Maison d’Arrêt de Caen du 14 octobre 1941 au 14 avril 1942.
A peine libéré, il est à nouveau arrêté comme otage communiste dans la nuit du 1er au 2 mai 1942.
Le nom de René L’Helgoual’ch, comme celui de son camarade, sont inscrit sur deux listes de 120 otages « communistes et Juifs » établie par les autorités allemandes.
Récit d’André Montagne, un des 120 otages : « Nous sommes arrêtés le 2 mai 1942, par des détachements de la police française, accompagnés de Feldgendarmen casqués et armés de mitraillettes ». Ces arrestations ont lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands.
Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43è régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht. 28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen. Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43è RI. Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).
« Les otages sont conduits au commissariat central. Nous sommes transférés avant la fin de la nuit à la Maison centrale, à la Maladrerie où nous passons des heures dans l’incertitude, avant d’être ramenés en ville avec un impressionnant déploiement de forces où la Wechmacht est omniprésente. Nous sommes enfermés au « Petit Lycée », où viennent nous rejoindre ceux qui ont été arrêtés en d’autres lieux du département (Bayeux, Lisieux, des cheminots de Mézidon ». Après deux jours d’angoisse, un officier de la Wechmacht nous apprend que nous avons été « graciés par le Fürher » et que nous irons travailler à l’Est de l’Europe. En début de soirée, sous forte escorte, des cars nous emmènent à la gare, côté marchandises, où plusieurs fourgons nous attendent. Vingt heures plus tard, le 4 mai, nous débarquons en gare de Compiègne. A deux kilomètres de la gare, nous sommes internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) ». Témoignage d’André Montagne, rescapé du convoi.
René L’Helgoual’ch y reçoit le numéro matricule « 5259 ».
Lire dans le site : Les matricules à Compiègne
Il est affecté à la baraque A 5, chambre 7, dont le chef de chambre est Olivier Souef qui fait partie de l’organisation clandestine du camp.
On sait donc par l’inventaire qu’Olivier Souef tient le 29 mai 1942, que René L’Helgoual’ch dispose d’une assiette, d’une cuillère, d’un quart, d’une couverture, d’un matelas et d’un polochon.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, René L’Helgoual’ch est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
René L’Helgoual’ch est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «45 794» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
René L’Helgoual’ch meurt à Auschwitz-Birkenau le 20 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 435 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance, de domicile et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Il est déclaré « Mort pour la France »le 16 janvier 1957. Sa famille reçoit une « Carte de disparition » le 19 mars 1947.
Il est homologué « Déporté politique ».
La carte de Déporté politique est remise à sa famille, qui habite au 144, rue Courage à Grandville (Manche).
La famille de René L’Helgouar’ch a déposé une demande d’homologation au titre de la Résistance intérieure française (service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 371209), comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance (Front national).
Il n’y a pas eu d’homologation correspondant à l’une des cinq catégories de Résistants (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL) sur la base de données du SHD à Caen.
Une plaque commémorative a été apposée le 26 août 1987 à la demande de David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi.
Le nom de René L’Helgoual’ch est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année.
- Note 1 : Il s’agit de l’adresse portée sur la liste des communistes arrêtés. La famille habite à cette adresse après le recensement de 1936 (les L’Helgoual’ch ne figurent pas sur le recensement à cette adresse, petit immeuble de deux étages, comme tous ceux de la rue Caponière. Sur sa fiche au DAVCC de Caen figure une autre adresse, rue Saint-Sauveur, où la famille ne figure pas non plus en 1936. Mais il s’agit vraisemblablement de l’adresse de son épouse après-guerre.
Sources
- Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (SHD Caen / DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1992 par Fernand Devaux et moi-même.
- Photo de l’inventaire des « paquetages » de la Chambrée n°7 du Bâtiment A5 à Compiègne (29 mai 1942). Document de la main Olivier Souef (reçu par la famille Souef à la fin juillet 1942).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet MemorialGenWeb.
- L’arrestation des otages de Caen, récit d’André Montagne.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Mail de madame Elizabeth Pearson, amie de son fils René (2020).
Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2014, 2016, 2017, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com