« Jojo » Dudal à Auschwitz il a 21 ans
George Dudal à son retour de déportation a apporté de nombreux et précieux témoignages portant sur sa clandestinité, son arrestation à 17 ans, le mitard à la prison de Fresnes à 18 ans,  La DJ au camp d'Aincourt, la solidarité à Compiègne, Auschwitz, Gross Rosen...

Dès août 1940, l’organisation clandestine de la CGT était de plus en plus sollicitée pour sortir la V.O. (Vie Ouvrière).
J’étais jeune (17 ans), et je voulais lutter contre les envahisseurs allemands.

in ©  BNF Gallica La « VO » clandestine du 21 septembre 1940 (région parisienne) que Georges Dudal a sans doute imprimée à Levallois (la suivante est datée du 9 octobre).

Mon rôle, en collaboration avec André Tollet, était de transporter du matériel d’imprimerie d’une planque à l’autre avec un vélo et une petite remorque et de faire le tirage de la V.O. A tout moment, je risquais d’être contrôlé par la
police allemande aux portes de Paris et même par la police française. Aussitôt arrivé à une nouvelle planque se posait le problème du bruit de la Gestetner et les amis qui avaient accepté notre présence commençaient à paniquer.

Ce fut le cas à Fontenay-aux-Roses dans un pavillon où nos amis fabriquaient des chapeaux ; il y avait donc des machines à coudre. Nous avions pensé que le bruit des machines couvrirait le
bruit des Ronéos. La mise en route était à peine terminée qu’il nous fallut
déguerpir, les gens tremblant comme des feuilles.

C’est ainsi que le jour même « Toto » (surnom de Tollet) décidait de changer de lieu. C’est à Levallois – Perret dans une petite usine désaffectée, qu’après bien des soucis nous nous retrouvâmes avec Jeannette Brénot, femme du secrétaire de l’union des syndicats. Toute la nuit la machine fit un bruit insolite. Bruit amplifié par les lieux vides. Toute la nuit nous avons tiré la V.O., une des premières après la débâcle. Il fallait livrer ces V.O. avenue Daumesnil où des camarades devaient nous attendre pour faire la distribution dans les usines. Traverser Paris par le métro avec deux paquets assez volumineux n’était pas rassurant. De plus j’avais les mains pleines d’encre, car il n’y avait pas d’eau dans le local. C’était le début de l’après-midi du 2 octobre 1940, le métro n’était pas très fréquenté, tout allait pour le mieux.

Le manuscrit du récit de Georges Dudal

Avenue Daumesnil rien d’anormal, mais aussitôt après avoir frappé à la porte du local, ce sont quatre flics en civil qui courtoisement, à grands coups de poings et de pieds, me firent entrer. Aussitôt, transport rapide en Traction-Avant au commissariat du 12° et ensuite au commissariat des affaires spéciales à Boulogne.
L’interrogatoire fut particulièrement gratiné. Je pesais à l’époque 55 kilos, entre ces mastodontes je ne faisais pas le poids. Je passais de l’un à l’autre avec rapidité, parfois sans toucher terre. Inutile de dire combien la carrosserie fut bosselée. Après ce petit jeu, j’étais méconnaissable. Quatre jours d’interrogatoire, rien. Je refusais de connaître ou de reconnaître tous les amis que l’on me présentait. Ma tête de breton légendaire n’avait pas de défaillance. Je me suis retrouvé au dépôt parmi les droits communs de toutes sortes.

Le lendemain, direction la Santé où je ne suis resté que deux jours avant de partir à Fresnes, section des mineurs. Après avoir touché l’habit de bure, je fus affecté à la cellule 494, que trois autres jeunes occupaient déjà : un voleur de vélos – c’était la mode à l’époque -, un cambrioleur de cinéma et un souteneur qui avait mis sa mère sur le trottoir. J’étais le « cave » comme ils disaient, car se faire  » enchrister » pour la Résistance, ils ne pouvaient le comprendre.

La maison d’arrêt de Fresnes

Ce fut une triste journée. Heureusement pendant la promenade dans la cour, je
finis par prendre contact avec des camarades des JC , dont Guy Moquet. Là, le moral fut vite au beau fixe. Nous avons organisé une journée de revendications pour obtenir le régime politique.
Des tracts écrits à la main étaient diffusés pour demander aux jeunes de faire du bruit dans les cellules. En faisant la distribution de ces tracts je me suis fait prendre par un gardien. Aussitôt, Pretais, le directeur de la prison me disait :  » ici ce n’est pas une usine, toute revendication est interdite « . Nouvel interrogatoire pour savoir d’où et de qui venaient les directives. Bouche cousue comme toujours. Verdict : huit jours de mitard. C’est là que le 11 décembre 1940, j’ai eu mes 18 ans. Les  » droits communs  » condamnés à un mois de mitard en sortaient tuberculeux. Situé au sous-sol, il n’y avait pas de clarté, le noir pendant huit jours. Le soir, il fallait se mettre à poil et remettre les habits de bure
au gardien qui nous donnait en échange une couverture. c’est sur le sol que toute la nuit la recherche du sommeil était problématique. L’eau ruisselait sur les murs. La température ne dépassait pas cinq degrés. Nous recevions un litre
de soupe tous les quatre jours. J’ai bien cru passer l’arme à gauche, mais ce n’était qu’une plaisanterie par rapport à ce qui m’attendait à Birkenau. Sorti du mitard après huit jours, le directeur me rappela de nouveau pour me dire que j’étais affecté à la cellule 498 :  » tu seras beaucoup plus calme lorsque tu sortiras de cette cellule  » me dit-il.
Dans cette cellule il y avait deux lits et un seul occupant, un dénommé Borneo, 32 ans d’âge, 18 ans de prison. Il faisait partie des meubles et rien ne lui était refusé. Ce monstre se prenait pour un grand chirurgien. La prison était infestée de vermines, puces, poux, cafards, souris, rats etc…
Les amis de Borneo lui apportaient chaque jour une dizaine de souris ou de rats, suivant la récolte. Toute la journée avec une lame de rasoir il opérait les souris et les rats pour faire, disait-il, avancer la recherche. Un petit clou à chaque patte de l’animal et il sortait les boyaux, faisait ses expériences et recousait. La nuit passée toutes les bestioles étaient mortes. Je ne dormais plus la nuit et dans la journée j’avais peur d’une éventuelle crise de folie. Quatre jours et je retrouvais ma cellule 494 et mes trois délinquants. Je suis resté à Fresnes jusqu’à la fin du jugement c’est à dire fin janvier1941.

Ama sortie de prison (Fresnes), après avoir été acquitté « ayant agi sans discernement « , car n’étant pas majeur, la police m’attendait pour me
conduire au dépôt où un convoi en direction du premier camp d’internement de la région parisienne, Aincourt, était formé. Ce camp avait pour appellation « Centre d’éducation surveillée ».

En cas d’utilisation ou publication de ce témoignage, prière de citer : « Témoignage publié dans le site  « Déportés politiques à Auschwitz :
le convoi dit des 45.000
» https://deportes-politiques-auschwitz.fr 
Adresse mail :  deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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