Nous publions ci-dessous un témoignage poignant sur la mort de deux jeunes déportés « NN » par le convoi du 30 août 1943 composé de 42 hommes, à destination du camp de Mauthausen (Autriche). Ce document nous a été envoyé par madame Léone Mayero, fille de GOLDSTEIN Samuel, Emile, militant communiste déporté politique à Auschwitz par le convoi du 6 juillet 1942. Il faisait partie des documents familiaux et témoignages recueillis par sa mère après-guerre.

Dans un courrier adressé le 26 avril 1961 au Ministre des Anciens Combattants, Louis-Pierre Adam, déporté « NN » à Mauthausen, questionne le ministre sur plusieurs aspects concernant certains de ses camarades déportés à Mauthausen, dont Jacques Renouvin et les deux frères Schwartzenberg.

Raymond Schwartzenberg © Yad Washem
Jacques Schwartzenberg © Yad Washem

« … Je choisis l’exemple des SCHWARTZENBERG parce qu’il a frappé des centaines d’autres déportés qui en témoigneront s’il est fait appel à leurs souvenirs.
SCHWARTZENBERG Raymond, matricule 35 227… SCHWARTZENBERG Jacques, matricule : 35 228… Ils sont arrivés avec moi en Allemagne (1).  Je ne les ai pas plus particulièrement connus dans les prisons françaises, car nous vivions alors dans un anonymat de sécurité qui nous faisait cacher à nos camarades parfois des prouesses que n’auraient pas reniées les plus illustres Héros de FRANCE.
Mais en arrivant à Mauthausen j’ai été frappé de l’amour fraternel qui liait ces deux grands gosses ; ils savaient pertinemment qu’ils étaient destinés, tôt ou tard, à la boucherie, comme raciaux sans doute ; j’en parlais avec eux. Ils ne se quittaient jamais, l’ainé Raymond soutenant avec vigueur et courage son cadet totalement désarticulé (désarçonné NDRL) devant les horreurs que nous vivions…

La carrière de granit de Mauthausen (in Mémorial de la Shoah).

Ils furent affectés à la carrière de granit de Mauthausen. Chaque matin, ils partaient tous les deux (je dirais presque la main dans la main) sans faiblesse mais avec une conscience encore indéfinissable de leur, proche et tragique destinée.

Courrier du 26 avril 1961

Un jour, en montant les lourdes pierres qui étaient leur sort quotidien, abrutissant, excessif, le long des quelque 186 marches de la Carrière la fatigue écrasa, entre deux paliers, le plus jeune : Jacques. Raymond, ne voulut pas le lâcher malgré le danger évident de telles interventions. Les SS de garde obligèrent Jacques à reprendre son fardeau sans l’aide de Raymond. Mais c’était demander au-dessus de la force humaine à ce gamin de 17 ans à peine, et se passa un des plus tragiques moments de notre déportation.
Les S.S. devant I’évidence de la faiblesse de Jacques « invitèrent » les deux garçons à se battre, le plus fort devant précipiter l’autre dans le ravin. Sous les coups Raymond et Jacques opposèrent une passivité agressive. Puis, sentant que tout était inutile pour sauver son frère, Raymond le prenant par la main, l’embrassant une dernière fois, les deux d’un commun accord, se précipitèrent dans le vide.
Cette mort exceptionnelle, voilà un exemple à donner à nos Jeunes. Malheureusement, je n’ai jamais retrouvé trace de la famille.
J’ignore si vous avez constitué deux dossiers sur ces deux Héros de l’amour fraternel et de la Patrie ?
C’est ce que je vous demande par la présente. Le reste regarde mon Association !

Adam Louis-Pierre Maurice. Déporté de la Résistance à Mauthausen

Un timbre est édité en 1961 en mémoire de Jacques Renouvin

Note 1 : en fait Louis-Pierre Adam est arrivé avec Jacques Renouvin dans le convoi précédant celui des deux frères, le 16 août 1943, qui était lui aussi un convoi composé de 42 « NN » (« Nacht und Nebel« , « Nuit et Brouillard »).

Courtes notices biographiques

Raymond SCHWARTZENBERG (dit "Serge")est né à Paris le 28 mars 1925 et Jacques SCHWARTZENBERG est né également à Paris le 10 mars 1926. "Les fils de Simon Schwarzenberg et de Germaine née Kissler sont réfugiés à Pau où ils fréquentent le lycée. Dénoncés pour distribution de tracts par le fils d'un milicien" (source AJPN Pau).Ils sont arrêtés à Pau par l’armée allemande et déportés au camp de Mauthausen le 30 août 1943 par le transport n° 127, un convoi « NN ». 
A Mauthausen Raymond reçoit le numéro matricule 35.228, et Jacques le n° matricule 35.827. Ils meurent tous deux le 13 décembre 1943 dans la carrière de Mauthausen. 
Sur leur cartes d’enregistrement de Mauthausen (in archives International Center on Nazi Persecution, Bad Arolsen Deutschland), on peut lire qu’ils ont tous deux la qualité d’étudiants, et qu’ils sont morts à 8 h 45 le 13 décembre 1943. Le motif indiqué est « Auf der Flucht » que l’on peut traduite par « en fuite » ou plutôt par « tentative de fuite », comme nous l’expliquait notre ami André Montagne, rescapé d’Auschwitz, qui précisait qu’avec ce motif de décès d’un déporté tué en cas d’« Auf der Flucht », les SS ou Kapos recevaient une prime ou un supplément de nourriture.
On lira également la notice plus complète : « Les frères Schwartzenberg. Raymond et Jacques ». Publié le 19 janvier 2022 par Valérie Trémaudant in BPSGM.fr

 

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