En 2023, découverte de photos d’immatriculation du camp de Compiègne
En octobre 2023, grâce à la parution de documents sur le site Facebook du "club Mémoires 52", nous avons découvert 36 photos de matricules "ZI-122-XXX", que nous avons transmises au Mémorial de Compiègne. Le directeur, M. Aurélien Gnat et son équipe ont depuis entrepris de nouvelles recherches en Haute-Marne. Voir en fin d'article deux articles de presse en novembre 2025. Claudine Cardon-Hamet et Pierre Cardon
Dans mes premières recherches sur le camp de Compiègne je me suis appuyée sur les travaux et recherches d’Olga Wormser selon laquelle des archives avaient été récupérées par des internés à la libération du camp le 15 août 1944.
Ces archives avaient été versées à la direction des fichiers et statistiques du ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés au mois d’octobre 1944, également à La croix rouge de Compiègne, ainsi qu’à quelques anciens internés.
« Quelques mois plus tard des cahiers d’importance diverses furent remis à la Croix Rouge de Compiègne (cahiers de coiffeurs, de bibliothèque, des cuisines), et 40 cahiers d’écolier où les noms des détenus figurent en face de leur numéro d’ordre au fur et à mesure de leur entrée au camp. C’est grâce à ces cahiers que les services du Ministère des Anciens Combattants a pu reconstituer les listes des convois partis de Compiègne et est parvenu à établir une statistique précise du nombre de déportés passés par ce camp ». (CDJC / Mémorial de la Shoah. AJ/72/310).
En 1988, M. Monrencey, conseiller municipal de Compiègne qui à l’époque habitait en face du camp de Royallieu m’assurait qu’il avait constaté dès l’évacuation du camp par les Allemands qu’il n’y avait plus aucune archive, et qu’aucune ne figurait aux archives municipales. Les archives départementales m’assuraient également que ces archives avaient été détruites ou emportées par les SS.

Le directeur du Mémorial de l’internement et de la déportation de Compiègne, monsieur Aurélien Gnat, a retrouvé en juillet 2024 une partie des archives du camp de Royallieu, oubliées dans le grenier de la Croix rouge locale.
Parmi ces documents, deux listes de plus de 4 000 noms de déportés, dont celle du « convoi de la mort », parti le 2 juillet 1944 pour Dachau.
Des photos d’internés de Compiègne avec leur numéro matricule

Nous étions donc alors persuadés – comme l’équipe actuelle du Mémorial de Compiègne – qu’il ne subsistait pas de photos prises lors de l’enregistrement des premiers internés politiques administratifs le 27 juin 1941 à Compiègne, les SS ayant détruit ou emporté les archives.
C’est pourquoi nous avons pensé dans un premier temps que les photos publiées dans le Blog du Club Mémoires 52 (association de recherches historiques consacrées au département de la Haute-Marne, créée, en 1991, par Jean-Marie Chirol (1929-2002), avec comme seule référence la légende « 36 communistes ou sympathisants Hauts-Marnais arrêtés comme otages le 22 juin 1941 et photographiés le 27 juin », émanaient du camp de Chaumont, car ce camp était lui aussi dénommé FT 122.

Mais en confrontant les matricules figurant sur ces photos avec les matricules de Compiègne dont nous avions connaissance par les listes allemandes, ou par les cartes-lettres envoyées par les détenus à leurs familles, ou encore par la liste manuscrite de matricules collectés par Georges Prévoteau auprès de ses camarades internés, nous sommes désormais surs qu’il s’agit bien des mêmes numéros.
Auraient ils pu alors être photographiés à Chaumont et garder le même matricule à Compiègne ?
Cela nous a semblé impossible au vu de l’étalement des numéros (de 616 à 1114), et nous a confortés dans l’idée qu’il s’agissait bien de photos de Compiègne.
Les seules hypothèses qui nous semblent désormais plausibles pour qu’elles aient été retrouvées par M. Jean-Marie Chirol, étaient soit un retour en Haute-Marne des photos des Hauts-Marnais de Compiègne à la demande du camp de Chaumont ou de la Préfecture, soit qu’elles aient été récupérées au moment de la libération du camp par un Haut-marnais alors interné.
Six Hauts-Marnais figurant sur ces 36 photos de communistes ou sympathisants immatriculés et photographiés à Compiègne seront déportés à Auschwitz
- CHAUMONT CAMPION LEON, RENE,
- RACHECOURT CABARTIER AUGUSTE, MARIUS
- EURVILLE COLLIGNON ROBERT, GEORGES, EUGENE
- SAINT-DIZIER DUSSELIER LOUIS, JULES
- SAINT-DIZIER FONTAINE Georges, Charles, Pierre
- SAINT-DIZIER THOMAS Yves
La mention ZI après 122, signifie "Zivil interniert" (interné civil). Au moment des premiers internements de prisonniers politiques à Compiègne essentiellement des syndicalistes et / ou communistes - soit, à partir du 27 juin 1941 - le Frontstalag 140 qui comporte encore des prisonniers militaires français, américains et britanniques (KG, Kriegsgefangene), devient le Frontstalag 122, avec des camps séparés. Le 12 décembre 1941, s'y ajoute le camp des Juifs (743 juifs français considérés comme notables).
Les fiches de recherche des évadés de Compiègne (22 juin 1942)

En rédigeant – à partir des archives de la Préfecture de Police de Paris – un article pour le présent site concernant les 19 évadés de Compiègne depuis un tunnel creusé par des équipes d’internés le 22 juin 1942, nous avons constaté que les huit fiches de recherche éditées par la Police de Vichy que nous avons pu consulter, étaient presque toutes accompagnées d’une photo émanant elles aussi du camp de Compiègne, soit intitulées « ZI 122 suivi du matricule » ou « 122 ZI suivi du matricule », soit « 122 et le matricule ».
Lire l’article du site : Avis de recherche des évadés du 22 juin 1942 par le tunnel du camp de Compiègne.
Le livre d’André Poirmeur
Dans son livre « Compiègne 1939-1945 » édité en 1968, André Poirmeur ne mentionne qu’une seule fois des photographies, mais en ces termes P. 169 « « un photographe était chargé du tirage des 54 000 photos d’identité et tenu d’opérer et de détruire les clichés en présence des nazis… » (André Poirmeur utilise le terme de « clichés ». Mais il s’agit en fait des négatifs de ces photos).
André Poirmeur publie également page 87, une planche photo de sept femmes dont le matricule (entre le « 19 659 » et « 20 907 ») est précédé du chiffre 122. Un homme figure également sur la planche-photo, sans numéro.
Pour compléter cet article, lire dans le site : Les matricules du camp de Compiègne
Prière de mentionner ces références (auteurs et coordonnées de ce site : https://deportes-politiques-auschwitz.fr) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cet article. Pour le compléter ou y proposer des corrections, vous pouvez nous faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
Les photos au Mémorial de Compiègne
Novembre 2025 : un article du Parisien (Oise) relate le déroulement et l’aboutissement des recherches de l’équipe du Mémorial de Compiègne.
Lire cet article en cliquant sur le lien suivant… ou sa reproduction partielle ci-après
« Une découverte exceptionnelle » : des photos inédites de résistants internés retrouvées …
Compiègne, le 3 novembre. Gabrielle Perissi, directrice adjointe et Aurélien Gnat, directeur du Mémorial de l’Internement et de la Déportation de Compiègne ont retrouvé une série de 36 portraits de prisonniers prises au camp de Royallieu. Un témoignage bouleversant et inédit. LP/Stéphanie Forestier
Certains esquissent un sourire, un réflexe quand on est pris en photo. D’autres ont le regard inquiet. En costume, en débardeurs, en chemise ou torse nu, tous ces hommes portent un numéro de matricule autour du cou. Derrière ces hommes, des photos d’une valeur historique exceptionnelle
Ces visages, pris sur le vif le 27 juillet 1941, sont les premiers clichés jamais découverts d’internés pris à l’intérieur du camp de Royallieu à Compiègne (Oise) par les Allemands à leur arrivée. Ils sont 36, tous communistes ou syndicalistes, venus de Haute-Marne.
« Il existait quelques photos anecdotiques du camp, des miradors, des barbelés avec des silhouettes de prisonniers, mais rien de tel », précise Gabrielle Perissi, soulignant l’importance de la découverte de ces photos, retrouvées dans une cave de Haute-Marne après plusieurs années de recherche.
« On met un visage sur des noms »
Il y a Léon Campion, né en 1899, matricule 616, ajusteur graveur de métaux. Auguste Carbatier, né en 1894, matricule 587, lamineur. Yves Thomas, né en 1910, matricule 582, homme d’équipe SNCF. Ils sont tous entrés au camp de Compiègne en juin 1941 et ont été déportés le 6 juillet 1942 par le convoi des 45 000, la première déportation de résistants vers Auschwitz, où ils trouveront tous la mort.
Ces hommes seraient arrivés de leur prison respective à Compiègne à partir du 27 juin 1941 et ont été pris en photos par les militaires allemands en lot une fois qu’ils étaient suffisamment nombreux, soit un mois après, pour pouvoir les inventorier. Ils étaient placés en rangées de 5 ou 6 avec un drap blanc en fond, une plaque avec leur matricule autour du cou.
« Ces photos sont capitales, c’est une découverte exceptionnelle, s’enthousiasme Aurélien Gnat, le directeur du mémorial. On met un visage sur des noms. Elles nous permettent de savoir comment étaient traités les internés du camp. On savait que tous les internés avaient un matricule, mais pas comment les Allemands les enregistraient. »
« Redonner vie à l’activité du camp »

À l’ouverture du Mémorial, aucune photo n’avait été retrouvée. « On pensait qu’elles n’avaient jamais existé et finalement on les découvre 80 ans après, reprend Aurélien Gnat. Cela nous permet de redonner vie à l’activité réelle du camp. On sait maintenant que les premiers ont été photographiés mais on ne sait pas si ça a continué. Imaginez, 50 000 personnes sont passées par ce camp. C’est gigantesque. Plus que la population de Compiègne. »
Les prisonniers identifiés étaient Leon Lancino (317), Pierre Lodi (320), Yves Thomas (592), Louis Changrenet (583), Louis Dusselier (585), Robert Collignon (587), Lucien Pépin (592), Louis Mougeot (594), Gabriel Martini (595), Joseph Lapoire (600), Leon Cambillard (1002), Salvatore Mucci (1113). LP/Stéphanie Forestier
Cette découverte a été échelonnée de rencontres et de rebondissements.
Les photos d’abord ont été postées sur le blog d’une association de Haute-Marne appelée Club Mémoires 52 créé en 1991 par Jean-Marie Chirol. Longtemps passées inaperçues, elles sont alors retrouvées en octobre 2023 par un couple d’historiens chevronnés, Claudine Cardon-Hamet et Pierre Cardon.
Le couple prévient alors Aurélien Gnat et ses équipes. « On a essayé de joindre monsieur Chirol mais il est décédé en 2002. Nous sommes alors entrés en contact avec sa fille qui allait mettre en vente la maison familiale. Elle nous a rappelés six mois après quand elle s’apprêtait à la vider et nous sommes allés en Haute-Marne au printemps 2024. »
« Quand on les regarde, on est dans le camp avec eux »
« Nous avons exploré la cave, trouvé le bureau de son père et une masse de documents historiques régionalistes. Parmi tous ces dossiers, nous sommes tombés sur les négatifs tirés à partir des clichés originaux des fameuses photos. Sa fille nous a dit « Prenez ce que vous voulez » et, on a tout emporté. Elle nous a fait un don officiel. »
La prochaine étape sera d’identifier la personne chez qui Jean-Marie Chirol a fait sa trouvaille. Un nom ressort d’une annotation située au dos d’un document : Pierre Lapoire. Lui aussi est décédé. « On a eu un contact avec son fils mais il n’avait pas beaucoup d’informations. Nous savons que grand-père a été interné au camp. Il est d’ailleurs présent sur les photos au matricule 600. Maintenant, il va falloir creuser », sourit Aurélien Gnat.
Aurélien Gnat et son équipe savent que leurs recherches ne font que commencer, mais ils ont bon espoir de pouvoir ajouter d’autres visages à cette page terrible de l’histoire de France et de Compiègne. « Sur la photo, apparaît le matricule 1114, ce qui veut dire qu’au moins tous les prisonniers avec un numéro antérieur ont été photographiés. Quand on les regarde, on est dans le camp avec eux. C’est une intimité que l’on n’a jamais eue ! » Ces photographies seront un élément central de la prochaine muséographie qui sera mise en place dans les prochaines années au Mémorial.
Toutes informations à communiquer sur d’autres témoignages historiques sont à envoyer : recherches@memorial-compiegne.fr
Un autre article est paru également
https://france3-regions.franceinfo.fr/hauts-de-france/oise/compiegne/c-est-une-decouverte-inestimable-des-photos-de-prisonniers-du-camp-de-royallieu-retrouvees-dans-une-cave-3250699.html
Suite de notre article : "2023 : découverte de photos d'internés au camp de Compiègne".





Madame, Monsieur,
Dans le cadre de mes recherches, je viens d’identifier avec quasi certitude 3 prisonniers internés à Royallieu en 1941, et déportés à Auschwitz le 14 septembre 1942 (convoi n° 32) :
– 788 : Max SCHUSTERMANN
https://ressources.memorialdelashoah.org/notice.php?q=identifiant_origine:FRMEMSH0408707130015
– 797 : Mordouch RIVINOFF
https://ressources.memorialdelashoah.org/notice.php?q=identifiant_origine:FRMEMSH0408707124666
– 1061 : Chil HERSZBERG
https://ressources.memorialdelashoah.org/notice.php?q=fulltext%3A%28herszberg%29%20AND%20id_pers%3A%28%2A%29&spec_expand=1&start=1
J’espère que ces informations trouvées sur le site du Mémorial de la Shoah vous seront utiles.
De mon côté, je suis à la recherche de l’identité des n° 708, 801, 1152 et 2069. Si vous détenez des informations concernant ces otages de Compiègne, je vous serais très reconnaissante de bien vouloir m’en faire part.
Bien cordialement.
Sophie FORGUES-POZZI
Je vous remercie. j’ai publié sur notre site les noms et matricules qui avaient été relevés par des co-internés de Compiègne (tous futurs déportés et morts à Auschwitz). Comme je vous l’ai écrit mes recherches n’ont porté que sur les déportés du 6 juillet 1942. Les noms que vous avez retrouvé concernent donc d’autres convois. Cordialement