Le convoi d'otages communistes du 6 juillet 1942 s'apparente par ses origines aux fusillades d'otages de Nantes, de Chateaubriant, du Mont Valérien et de bien d'autres lieux d'exécution. Il s’inscrit dans le cadre des mesures de représailles prises par le commandant militaire allemand en France, pour tenter de stopper, par la terreur, l’action les petits groupes armés communistes qui entreprennent d’attaquer des officiers et des soldats de la Wehrmarcht. 

Cette déportation d’otages s’inscrit dans le cadre de « la politique des otages » (selon l’expression de Serge Klarsfeld), mise en place à partir de septembre 1941, sur ordre de Hitler, par le commandant des forces d’occupation allemandes en France (MBF), Otto von Stülpnagel, en représailles aux actions armées menées par des résistants communistes contre des officiers et les troupes des forces d’occupation.
Les orientations déterminées en première instance par les services du MBF à partir du 20 avril 1942 puis après le 1er juin 1942, par ceux de la police de Sécurité (Sipo-Sd) communément désignée sous le nom de Gestapo, ont pour objectif la « déportation vers l’Est » de mille otages communistes.

A partir des notices que nous avons rédigées sur chacun des déportés de ce convoi, nous avons effectué des statistiques concernant les engagements politiques et syndicaux des déportés du 6 juillet 1942.
Et de fait, celles-ci confirment qu’il s’agit bien d’un convoi composé essentiellement d’otages communistes.

Supplément au numéro 1319 du « Travailleur » d’Ivry.

Nous avons recensé 743 adhérents au Parti communiste, dont l’appartenance est confirmée, soit par des sections ou fédérations du PCF après-guerre, les familles, soit par  les dossiers existant au Service Historique de la Défense). 142 déportés du convoi étaient adhérents aux Jeunesses communistes, dont 19 ont adhéré au PC (mêmes sources).

Soit un total de 866 militants dont l’appartenance au Parti communiste ou à la Jeunesse communiste est avérée.

Il convient d’ajouter à ce total 16 sympathisants communistes (avec ou sans carte de sympathisants) et 116 hommes qui sont arrêtés comme « communistes notoires »,  selon les listes des préfectures ou les notes de la Sureté ou des Renseignements généraux, ou arrêtés comme « présumés communistes » par les Allemands. Il s’agit essentiellement de militants CGT et d’antifascistes polonais ou italiens, ou d’hommes ayant tenu des « propos anti allemands en public. Dans la plupart des cas nous n’avons pas pu avoir de confirmation d’une appartenance réelle au PC (surtout dans les départements ou le Parti communiste a été décimé par la répression).

Soit un total de 998 hommes correspondant à la définition de « communistes » retenue par les listes des Préfectures de police avant-guerre et les services allemands.

A ce total il convient d’ajouter 15 déportés non communistes connus pour avoir eu une activité politique ou syndicale : 9 étaient adhérents à la SFIO, 1 à l’USR (scission SFIO), puis au PC. 2 étaient adhérents au Parti Radical-socialiste. Trois autres étant des militants CGT.

5 autres déportés sont arrêtés comme anarchistes… Mais également suspectés d’être « communistes ».
8 « gaullistes », arrêtés comme tels, sont déportés dans le convoi et un élu municipal, pourtant adhérent au Bloc Lorrain (droite), est arrêté comme communiste et déporté comme otage Juif, malgré l’intervention du Préfet de Dijon.

57 Juifs sont arrêtés en tant que tels majoritairement à Caen. L’un d’entre eux est sympathisant gaulliste, un autre est élu de droite, l’un est adhérent à la LICA, et sept autres sont communistes et syndicalistes, ainsi qu’un ancien des Brigades internationales.

Nous n’avons pas d’information concernant leur appartenance politique pour 70 déportés. Mais ils ont cependant bien tous été déportés comme otages politiques !

Enfin dans le convoi se trouvent vingt détenus de droit commun, dont quelques-uns ont un rapport avec les communistes (famille, amis) – mais qui sont bien arrêtés et déportés comme tels.

Ce que nous révèlent les notices biographiques des militants communistes, c’est que les arrestations – opérées pour certains d’entre eux dès octobre 1939 par la police française -, ont ciblé les hommes qui étaient les plus engagés dans la vie militante avant l’interdiction du Parti communiste.
Si, notamment parmi les plus jeunes, certains ont été arrêtés en flagrant délit de collages d’affichettes ou de distributions de tracts, les perquisitions et souricières menées par les Renseignements généraux ont d’abord visé des militants connus avant-guerre.

Parmi eux, on trouve 103 secrétaires de cellule (responsables d’un groupe d’adhérents au niveau d’un quartier ou d’une entreprise), 23 trésoriers ou membres de bureaux de cellule, 51 responsables de section (c’est-à-dire au niveau d’une ville, ou d’une grosse entreprise, comme Renault : ils sont secrétaires, membres du secrétariat ou membres d’un comité de section), 17 secrétaires de rayon (un rayon regroupe plusieurs sections à Paris et grandes villes) ; 4 trésoriers de rayon ; 5 membres d’un comité fédéral (l’échelon départemental) dont 5 membres du secrétariat fédéral. 24 étaient membres du comité régional du Pc, dont 11 secrétaires régionaux (province).
7 étaient « permanents » (salariés) du PC, et 1 de la JC.
141 d’entre eux ont été candidats à des élections, dont 102 élus. 94 élus avant la dissolution du PC et 8 élus ou réélus après-guerre. 5 maires, 8 maires adjoints, 3 conseillers généraux, 1 conseiller d’arrondissement, 5 délégués sénatoriaux, 1 député.
36 ont été volontaires des Brigades internationales, dont 4 commissaires politiques, 1 lieutenant, 1 capitaine, 1 commandant de batterie, 1 mécanicien-pilote). Plusieurs ont été gravement blessés, l’un d’eux est amputé d’une jambe.

On trouve également parmi ces militants politiques : 10 directeurs de journaux ou gérants de coopérative. 1 permanent du Secours rouge ; 2 membres de la FIO (Fédération internationale ouvrière), 1 adhérent de la Fédération communiste indépendante de l’Est. Plusieurs sont membres de Comités Antifascistes ou de Front populaire, 6 membres du Mouvement Amsterdam Pleyel, un secrétaire de la LDH à Paris 9 è, 2 espérantistes, 2 membres du mouvement Freinet, 16 membres responsables du Secours Rouge international / Secours populaire de France, 1 membre de l’Internationale des Marins et Dockers (IMD), 3 animateurs des Amis de l’URSS. 3 secrétaires ou administrateurs d’une maison du Peuple, 4 militants engagés dans le mouvement mutualiste et un conseiller Prud’homme.

Parmi les non communistes ayant eu une activité politique ou syndicale

9 étaient adhérents à la SFIO, 1 à l’USR (scission de la SFIO), il adhère au PC en 1937. 2 étaient adhérents au Parti Radical-socialiste. 1 est adhérent aux Jeunesses socialistes, les « faucons rouges » (il adhère aux JC en 1936).
5 sont arrêtés comme anarchistes ou « suspectés d’être communistes ».
Il y a 8 « Gaullistes », arrêtés comme tels et un 1 élu municipal, adhérent au Bloc Lorrain (droite).

Les syndicalistes

Tous les « 45 000 » connus comme adhérents du Parti communiste ont été syndiqués à la CGTU – puis à la CGT après la réunification – ainsi que la plupart des sympathisants ou considérés comme communistes par les préfectures, ainsi que trois syndicalistes connus comme militants socialistes.
Parmi eux 60, sont délégués CGT dans leur entreprise.
61 sont secrétaires ou membres de bureau d’un syndicat de catégorie (Mineurs, Postiers, SNCF, Bâtiment, Cheminots, Douanes etc…).
12 sont trésoriers d’un syndicat de catégorie, 5 sont archivistes d’un syndicat de catégorie. 24 ont une responsabilité au niveau d’une ville ou au niveau régional.
18 sont secrétaires de l’Union Locale CGT- CGTU. 1 en est trésorier Union, 1 autre en est archiviste.
10 militants sont secrétaires d’une Union départementale CGT ou membres de son bureau. 9 sont des responsables régionaux CGTU- CGT.
Il y a 9 permanents, et 7 responsables nationaux.

Enfin si nous avons trouvé une confirmation officielle (notamment pas les commissions d’homologation départementales) pour 87 déportés d’une activité relevant soit d’un triangle de l’OS ou du Front national / d’actes de sabotages ou de participation à un groupe armé, 34 déportés seulement ont été homologués comme Déportés Résistants (et pour les communistes, après plusieurs refus).

On lira également l’article du site : Conclusion sur les particularités du convoi 

Article rédigé en 2025 par Claudine Cardon-Hamet avec Pierre Cardon. Claudine Cardon-Hamet est docteur en Histoire, auteure des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45 000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteurs et coordonnées de l’article) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle.
Pour le compléter ou le corriger, vous pouvez nous faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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