Matricule « 45 185 à Auschwitz

Roger Aumont au camp de Gaillon mars 1942 © AD 27
Auschwitz, 8 juillet 1942

 

 

Roger Aumont : né en 1903 à Saint-Sever-en-Calvados (Calvados) ; domicilié à Sourdeval-la-Barre (Manche) ; fromager ; secrétaire de la cellule du Parti communiste de Sourdeval ; arrêté le 12 ou 14 novembre 1941 ; interné aux camps de Gaillon et de Compiègne ; déporté à Auschwitz le 6 juillet 1942, où il meurt le 15 octobre 1942.

Roger Aumont est né le 13 décembre 1903 à Saint-Sever-en-Calvados (Calvados).
Il habite route de Vire à Sourdeval-la-Barre (Manche) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Maria, Augustine, Desbouillans, 26 ans, née en 1877, « occupée au ménage » et de Paulo, Albert Aumont, 26 ans, coiffeur, son époux.

Le 23 novembre 1924, Roger Aumont épouse Irène, Marie, Jeanne Tréhoux
, à Saint-Sever-en-Calvados (Calvados).
Elle est née le 10 novembre 1902 à Arras (Pas-de-Calais). Son père est garçon de magasin (elle est décédée le 19 mars 1953).
Le couple a deux enfants : Michel, qui naît le 7 mars 1934, et Annette, qui naît le 10 juillet 1937.

Fromager, Roger Aumont effectue les livraisons auprès des épiciers détaillants, ce qui lui permettra de circuler dans le secteur pendant l’Occupation.

Roger Aumontest adhérent du Parti communiste depuis 1930, est le secrétaire de la cellule communiste de Sourdeval.

Von Rundstedt au Mont St Michel

Du 7 au 19 juin 1940 la Normandie est envahie par les chars de Rommel. Le 15è corps d’armée, commandé par le général Hotz investit Saint-Lô le 18 juin et Cherbourg le 19.  Le 15e corps d’armée, commandé par le général Hotz investit Saint-Lô le 18 juin et Cherbourg le 19, où Rommel à la tête de la 7e Panzer division reçoit la reddition des troupes françaises des mains du Préfet maritime, le vice-amiral Le Bigot. Auparavant ce dernier a pris soin de commander la destruction de tous les sous-marins en cours de construction à l’Arsenal et au fort de l’Est.
Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 21 juin 1940, horloges et montres sont avancées d’une heure.  La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Dès le début de l’Occupation des tracts anti-allemands sont édités à l’initiative d’André Defrance, qui organise des groupes de patriotes sous l’égide du Parti communiste clandestin.
Roger Aumont aide André Defrance et la direction de son Parti à reprendre des contacts dans la région.
Il prend liaison avec le groupe “Jean Fresnay” de Saint-Michel-de Montjoie (Manche).
Sa mère, coiffeuse, est en contact avec un groupe dont faisait partie son garçon-coiffeur, André Blouet, Roger Colace, de Saint-Sever. Ils seront en 1943, membres du groupe Jean Turmeau). Ce groupe confectionne des tracts anti-allemands qu’il distribue ou adresse par voie postale.
Roger Aumont crée plusieurs groupes d’action à Sourdeval, qui sans se rencontrer, agissent. Pendant les vacances scolaires de 1941, ils sabotent la ligne aérienne comptant 24 fils, à usage exclusivement militaire allemand (elle est coupée entre Champ-du-Boult et Gathémo, route de Vire sur la commune de Gathémo). L’action est conduite par Henri Corbin. André Aumont prépare avec son groupe le sabotage d’un train de matériel, mais la tentative échoue, « faute d’expérience sans doute« .

Fiche d’otage de Roger Aumont (CDJC)

Apprenant avec indignation l’exécution (le 22 octobre 1941) des otages de Châteaubriant, Nantes et Bordeaux, Roger Aumont organise avec l’hôtelier Jules Lanssade et l’ouvrier Jacques Bazin, et quelques autres, une collecte dont le produit est destiné à l’achat d’une gerbe portant sur le ruban : « Aux fusillés de Nantes et de Bordeaux« .
Elle est déposée le 1er novembre 1941 au Monument aux Morts.
Ce fait est mentionné sur sa fiche d’otage par les autorités allemandes (document ci-dessus et ci-contre).
Le Maire fait retirer le ruban, mais la population manifeste sa solidarité, si bien que Roger Aumont renouvelle son geste le 11 novembre 1941.
Le Maire informe alors les Renseignements généraux de Saint-Lô, qui dépêchent un inspecteur à Sourdeval.
Celui-ci arrête Roger Aumont le 12 novembre 1941).

Roger Aumont au camp de Gaillon, mars 1942 © AD 27

Le 12 novembre 1941, il est interné au camp de Gaillon (Eure) sur arrêté du préfet de la Manche Gaston Mumber, connu pour ses sympathies avec la Révolution nationale de Pétain et son zèle à faire appliquer les décrets allemands.
« Sa femme, Irène, a continué la lutte après l’arrestation de son mari. Elle reçoit les responsables clandestins de passage, accueille des réunions clandestines et entretient un réseau d’information par voie postale et par des distributions personnelles auprès des personnes qu’elle connaissait bien » (André Debon et Louis Pinson).

Depuis le camp de Gaillon, il est remis aux autorités militaires allemandes, qui le trasfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le Frontstalag 122.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Roger Aumont est déporté à Auschwitz . Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé comme eux dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. « Les soldats comptent les hommes par cinquante et les poussent vers les wagons. (…). Les déportés se retrouvent à quarante-cinq, cinquante, soixante ou plus, dans les wagons de marchandises qui, pour avoir servi au transport des troupes, portent encore l’inscription : 40 hommes – 8 chevaux en long. Des wagons sales, au plancher recouvert par deux à trois centimètres de poussière de ciment ou de terre, avec, pour seule ouverture, une petite lucarne grillagée ou bardée de barbelés, près de laquelle les plus souples réussissent à se glisser. Au centre, un gros bidon ayant contenu du carbure dont l’odeur déjà les incommode ». In « Triangles rouges à Auschwitz » prologue, p.11).
Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Roger Aumont le 8 juillet 1942

On ignorait son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «45 185» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules.
Ce numéro a pu être validé en comparaison avec la photo d’immatriculation de Roger Aumont au camp de Gaillon.

Cette photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, Roger Aumont passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Roger Aumont meurt à Auschwitz le 15 octobre 1942 d’après les registres du camp d’après les registres du camp (in Death Books from Auschwitz, Tome 1 page 36).

Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Roger Aumont est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes 

Une résidence municipale honore son nom à Sourdeval-la-Barre.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Fiche d’otage (C-A, p. 22).
  • La Résistance du Bocage. André Debon et Louis Pinson, Alençon. 1988. Pages 36, 37, 39, 40.
  • Archives du camp de Gaillon. Dossier individuel (cotes 89W4 et 89W13).
  • Death Books from AuschwitzSterbebücher von Auschwitz , Musée d’État
    d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
  • Archives en ligne du Calvados et du Pas de Calais.

Notice biographique rédigée en janvier 2001, complétée en 2012, 2017, 2021, 2024 et 2025 avec Pierre Cardon. Claudine Cardon-Hamet est docteur en Histoire, auteure des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45 000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Une notice succincte avait été rédigée à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ».  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez nous faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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