Matricule «46 134» à Auschwitz
Georges Teulon : né en 1911 à Paris 12ème) où il habite : ouvrier mouler ; syndicaliste ; arrêté le 10 octobre 1941 ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 5 août 1942.
Georges Teulon est né le 28 février 1911 au domicile de ses parents, 66, avenue Daumesnil à Paris (12ème). Il habite chez ses parents au 93/95, avenue Daumesnil à Paris (12ème) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Jeanne Jouanne, 20 ans, couturière et d’Auguste, Pierre Teulon, 24 ans, découpeur, né le 14 avril 1886 à Alfortville.
Il a une sœur cadette, Louise, née en 1912 et un frère cadet, Pierre, né en 1917.
Georges Teulon est célibataire et travaille comme manutentionnaire.
En 1930, il est livreur aux Grands Magasins du Louvre. Il est licencié pour « détérioration de marchandises avant leur livraison ». Il est inscrit sur les listes électorales dès 1932.
En 1933, il est embauché aux Lilas, comme ouvrier mouleur chez Kalker, « manufacture générale de caoutchouc et d’ébonite et stabonite ».
En 1936, la famille Teulon habite au 93/95, avenue Daumesnil. Son père, « ouvrier en ressorts » est alors au chômage et sa mère est sans profession. Sa sœur est dactylo.
Adhérent à la CGT, Georges Teulon est élu délégué suppléant du personnel ouvrier de l’entreprise en 1937.
A la déclaration de guerre le 3 septembre 1939, Georges Teulon est mobilisé comme « affecté spécial » dans son entreprise.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Bon ouvrier, il est repris chez Kalber dès le début de l’Occupation.
Suivant les instructions du régime de Vichy, et devant la recrudescence de distributions de tracts et d’inscription communistes dans Paris, la police surveille systématiquement les militants communistes et syndicalistes connus de ses services avant-guerre.
En août 1941, la direction de l’entreprise ayant constaté une baisse de la production, des bris de moules et d’outils, les lui imputent en raison de son passé syndical et demande à la police de le surveiller. Sans aucun élément tangible, Georges Teulon est arrêté le 10 octobre 1941 à son domicile pour « propagande communiste » par la police française.
En application de la Loi du 3 septembre 1940 (1), le Préfet de police de Paris, François Bard, ordonne son internement administratif. Georges Teulon est transféré au Centre de Séjour Surveillé (CSS) de Rouillé (2) avec un groupe de 57 autres militants communistes parisiens.
Il est interné administrativement au Centre de Séjour Surveillé de Rouillé le 10 novembre.
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag122).
Le nom de Georges Teulon (n° 73 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés (3) qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Il reçoit le matricule « 5959 » à Compiègne. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, GeorgesTeulon est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Georges Teulon est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45420» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Georges Teulon meurt à Auschwitz le 5 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1244 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « glaubenslos » (athée, non-croyant).
Un arrêté ministériel du 25 juin 2000 paru au Journal Officiel du 2 septembre 2000 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs. Cet arrêté qui corrige le précédent qui indiquait mort le 6
juillet 1942 à Compiègne) mentionne néanmoins toujours une date erronée : décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz, soient les 5 jours prévus par les textes en cas d’incertitude quant à la date réelle de décès à Auschwitz. Celle-ci est pourtant connue ! Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son
certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le blog l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Lire : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.
Georges Teulon a été déclaré « Mort pour la France ».
- Note 1 :L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy en 1941. La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Les premiers visés sont les communistes
- Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 3 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
Sources
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Camp de Séjour Surveillé de Rouillé : archives départementales de la Vienne.
- Liste des militants communistes internés administrativement au CSS de Rouillé le 10 novembre 1941. Archives de la police /C – 331 – 24.
- Liste du 22 mai 1942, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Le CCS de Rouillé. In site Vienne Résistance Internement Déportation.
- Fiche individuelle à la Préfecture de police de Paris.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com