Matricule « 45 651 »à Auschwitz
Yvan Hanlet : né en 1920 à Paris 11ème où il habite ; dessinateur industriel ; communiste ; arrêté le 30 octobre 1941 ; libéré le 13 mars 1942 après l’exécution de son frère ; arrêté comme otage le 28 avril 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.
Yvan Hanlet est né le 8 mars 1920 à Paris 11ème. Au moment de son arrestation, Yvan Hanlet habite à Paris au 4, rue Henri Ranvier, un des « HBM Ranvier » du 11ème où son père, militant communiste avant-guerre, est alors concierge (en 1936, il est chef magasinier à Saint-Denis).
Il est le fils d’Yvan, François, Hubert Hanlet, né à Verviers (Belgique) le 4 avril 1893, magasinier et de Marie Ratton, née le 28 janvier 1890 à Blois, décédée en 1976, cuisinière. Il a deux sœurs cadettes (Berthe, née en 1921 et Odette, née en 1929) et un frère cadet Roger (né en 1922 et fusillé le 9 mars 1942 – voir note 1) : tous sont nés à Paris.
Yvan Hanlet est célibataire, dessinateur industriel.
En 1936, il vit chez ses parents avec ses deux sœurs et son frère Roger (recensement de la population).
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Yvan Hanlet est arrêté le 30 octobre 1941, avec ses parents et ses deux sœurs à la suite de l’arrestation de son frère cadet Roger, un des membres des « Bataillons de la Jeunesse » (voir note 1).
Interrogés au 36, quai des Orfèvres, les Hanlet sont déférés au Procureur de la République et incarcérés à la Maison d’arrêt de la Santé.
Au total 62 personnes du quartier – qui a été complètement bouclé par des policiers français et allemands – sont arrêtées.
Yvan Hanlet et son père – ainsi que douze autres personnes inculpées à la suite de l’affaire Brustlein-Zalkinow – sont mis à la disposition de la GPF (Geheim Feldpolizei), qui suit les procédures entamées par les Renseignements généraux – sur ordre des Autorités d’Occupation. Onze d’entre eux sont condamnés ou internés administrativement : parmi eux il y a Raymond Moyen (Paris 20ème), Henri Chvelitski et Yvan (Jean) Hanlet qui seront tous trois déportés comme otages à Auschwitz.
Ils sont tous trois écroués au dépôt de la Préfecture de police de Paris, avec deux autres détenus, en attente d’un transfert dans un camp ou une prison. Yvan Hanlet père (3) et un autre détenu de nationalité étrangère sont dirigés sur la caserne des Tourelles.
Roger Hanlet est fusillé le 9 mars 1942 (1).
Selon l’historien Boris Danzer-Kantof, après l’exécution de Roger Hanlet le 9 mars, Yvan Hanlet et son père sont libérés le 13 mars 1942.
Mais ils sont arrêtés une nouvelle fois par les Autorités allemandes, comme otages, vraisemblablement dans le cadre de la rafle du 22 avril 1942 (4).
Le 5 mai 1942 Raymond Moyen, Henri Chlevitsky, Yvan (Jean) Hanlet et dix autres internés sont conduits avec une trentaine d’internés administratifs de la Police judiciaire à la gare du Nord. Ils sont mis à la disposition des autorités allemandes et internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le jour même en tant qu’otages.
A Compiègne, Yvan Hanlet retrouve Jean Le Mouel qu’il a côtoyé au Dépôt de la Préfecture et dont il a fait le portrait. Ce portrait, qui est légendé le Dépôt, est daté du 24 mai 1942.
Passionné de dessin et de peinture, Yvan Hanlet a réalisé des portraits et dessins au camp de Royallieu.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Yvan Hanlet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Yvan Hanlet est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45651» selon la liste par
matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (5) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date, ni sa date de décès.
Un arrêté ministériel du 10 janvier 2013 paru au Journal Officiel du 7 mars 2013 en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Cet arrêté qui corrige le précédent qui indiquait « mort le 6 juillet 1942 à Compiègne » mentionne une date fictive selon le textes prévus en cas d’incertitude quant à la date réelle de décès à Auschwitz.
Un bel hommage lui a été rendu par son neveu Daniel Robin, à l’initiative d’une exposition de ses dessins et peintures dans la commune de Marigny-l’Eglise (Nièvre) en juillet 2022.
- Note 1 : Roger Hanlet, né le 4 décembre 1922, est membre des Jeunesses communistes depuis l’âge de dix-sept ans. Il reprend contact avec les organisations devenues illégales dès le retour d’exode de sa famille et en août 1940, participe aux actions de propagande anti-vichyste, rejoint l’OS (Organisation Spéciale, groupe d’action des organisations du Parti communiste clandestin dont celle des Jeunesses communistes est appelée après guerre « les Bataillons de la Jeunesse »). Il participe au sabotage d’installations allemandes (incendie de la fabrique «Les Isolants de Vitry», attaques et incendies de garages allemands, sabotages de voies ferrées avec les autres membres du groupe). Le groupe se réunit souvent dans les HBM de la cité Ranvier où habitent deux d’entre eux (Hanlet et Pierre Milan. Arrêté à la suite des filatures des BS (Brigades spéciales dirigées par le commissaire Georges Veber) et après un bouclage du quartier, il est condamné à mort par une cour martiale allemande le 4 mars 1942 au « Procès de la chambre des députés » et fusillé le 9 mars 1942 avec 6 de ses camarades.
Malencontreusement, le site de l’Assemblée nationale qui rend hommage aux 7 fusillés a utilisé la photo d’Yvan à la place de celle de Roger. On peut lire sa notice biographique rédigée par Daniel Grason dans Le Maitron, dictionnaire du Mouvement ouvrier, version électronique, désormais en accès libre, maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/.
Selon deux sites internet ne citant malheureusement pas pas leurs sources (www.resistance-ftpf.net › pages › hanlet et pitounet.free.fr › WWII › LJDLR › hanlet ) : « Le deuxième frère d’Yvan Hanlet put échapper à cet encerclement mais il fut par la suite pris et fusillé par les Allemands à Marseille« . Nous n’avons pas trouvé mention d’un troisième fils Hanlet dans les tables décennales parisiennes, ni d’un Hanlet, fusillé à Marseille. - Note 2 : Pierre Daix, “Les combattants de l’impossible, la tragédie occultée des premiers résistants communistes”. Ed. Robert Laffont, 2013.
- Note 3 : Son père est interné au fort de Romainville le 7 août 1942, sous le matricule 563 avec les parents de Fernand Zalkinow et la mère de Gilbert Brustlein qui sera déportée le 24 janvier 1943 à Auschwitz dans le convoi dit des « 31000 ». Il échappe aux exécutions d’otages, notamment celle du 11 août 1942, au cours de laquelle de nombreux parents de « terroristes » sont fusillés. Il est libéré définitivement le 2 septembre 1942. Il décède le 19 janvier 1970 à Paris 12è.
- Note 4 : Ce 28 avril 1942 une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine. Lire dans le blog La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et arrêtent 387 militants, dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » Il est le fils de Juliette, Charlotte Abry et de Théophile Moroy son époux qui habitent au 14 rue Fontaine à Bondy (Seine / Seine-Saint-Denis). et libérés à l’expiration de leur peine. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff).
- Note 5 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Mairie du onzième arrondissement de Paris
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Courriel de l’historien Boris Dänzer-Kantof (du 17/04/2005) qui a travaillé sur la Résistance communiste parisienne et plus précisément sur les groupes des Jeunesses communistes autour de Pierre Georges (colonel Fabien) et Gilbert Brustlein.
- Blog © Les PARIS d’Alain Rustenholz
- Site © resistance-ftp.net.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Site Internet MemorialGenWeb.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau /© collection André Montagne.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com