Voir note 5
Raymond Moyen : né en1912 à Paris 20ème où il habite ; mécanicien ; arrêté le 2 novembre 1941 dans "l’affaire Brustlein" ; interné à la maison d'arrêts de la Santé et au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 4 novembre 1942.

Raymond Moyen est né le 18 mai 1912 à Paris (20ème). Il habite au 53, rue des Amandiers, puis au 12 rue Etienne Dolet à Paris 20ème avec son épouse.
Il est le fils de Marguerite, Rosa Wilhelm, 30 ans, couturière et de Pierre Moyen, 31 ans, employé, son époux. Ses parents habitent Les Lilas, au 58, route de Romainville, au moment de sa naissance. Il a une sœur, Jeanne, domiciliée au 79 rue Bobillot, Paris 20ème, à la Libération. Raymond Moyen est mécanicien.
Il se marie le 11 février 1937 à la mairie du 20ème avec Juliette Zalkinow, née le 23 septembre 1915 à Paris 12ème, dactylographe (1). Elle est la sœur de Rachel et Fernand Zalkinow, qui sera le second de Gilbert Brustlein dans les « Bataillons de la Jeunesse » (2).
Conscrit de la classe 1935, Raymond Moyen est mobilisé au 47ème RI à la déclaration de guerre.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Après sa démobilisation en août 1940, Raymond Moyen travaille comme tourneur-mécanicien chez un fabriquant de machines pour l’industrie de la chaussure. Sa femme Juliette fait des remplacements comme sténo-dactylo.

Le Matin du 19 novembre 1941

Raymond Moyen est arrêté le 2 novembre 1941 dans le cadre de l’affaire Brustlein-Zalkinow. Au total, 62 personnes sont arrêtées dans les HBM de la rue Ranvier (11ème), ou comme Raymond Moyen, parce qu’ils sont des proches des principaux suspects déjà arrêtés.
« Mais les autorités allemandes ne s’arrêtent pas là, en fonction de l’ordonnance du 10 juillet 1942 signée de Carl-Albrecht Oberg, général SS, commandant de toutes les polices allemandes en France occupée, à partir du printemps 1942, selon laquelle «  les parents masculins des partisans en fuite, en ligne ascendante, ainsi que les beaux-frères et cousins à partir de 18 ans seront fusillés ». S’y ajoute le fait que les parents et enfants Zalkinov sont juifs et relèvent de la politique génocidaire des nazis. Par mesures de représailles, ils sont tous arrêtés et emmenés à la Préfecture de police de Paris » écrit Marie-Paule Hervieu (voir en note 4 la suite de l’article, la famille Zalkinov est décimée).


Quatorze personnes inculpées dans le cadre de l’affaire Brustlein-Zalkinow – sont ainsi mises à la disposition de la GPF (Geheim Feldpolizei), qui suit les procédures entamées par les Renseignements généraux – sur ordre des Autorités d’Occupation.

Onze d’entre eux sont condamnés ou internés administrativement : parmi eux  Raymond Moyen (dossier 110.413), Henri Chvelitski (Paris 20ème), et Yvan Hanlet (Paris 11ème) qui seront tous trois déportés comme otages à AuschwitzAvec deux autres détenus, ils sont tous trois écroués à la Maison d’Arrêt de la Santé le 3 novembre 1941 (dossier d’écrou 80.706). Ils sont Internés administratifs en application de la Loi du 3 septembre1940 (3).
Le 13 mars 1942 Raymond Moyen est ramené au Dépôt de la Préfecture en attente de transfert.
Le 5 mai 1942 Raymond Moyen, Henri Chlevitsky, Yvan Hanlet et dix autres internés sont conduits avec une trentaine d’internés administratifs de la Police judiciaire à la gare du Nord. Ils sont mis à la disposition des autorités allemandes et internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le jour même en tant qu’otages.

A Compiègne, il reçoit le matricule « 5161 ». Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Raymond Moyen est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Le 6 juillet 1942, il est dans le même wagon que Louis Boccard, qui commence à écrire une lettre à son épouse en gare de Compiègne. Il la jettera sur le ballast et elle sera ramassée par des cheminots, et postée. Lire dans le blog l’article : Lettres jetées du train.
« 9 heures moins le quart et le train s’ébranle à l’instant, ainsi que l’écriture. Nous sommes 45 par wagon, avec deux petites ouvertures et un vieux bidon pour nos besoins. Cà va sentir bon plusieurs jours comme çà. Enfin faut pas s’en faire et le moral est toujours excellent. Il donne les noms de camarades qui sont dans le même wagon que lui : Burette (Léopold Burette), Moyen (Raymond Moyen), un petit gars  de la Chaussée du Pont nommé Guilbert (Marcel Guilbert, dit « Mickey »), un de la rue d’Aguesseau (il s’agit de Fernand Lafenetre), Platteaut (Marcel Platteaut), Henri Duplat (Henri Duplat)
etc…etc… »

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.
Le numéro « 45 914 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal.
Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Raymond Moyen meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 834 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Un arrêté ministériel du 6 février 1992 paru au Journal Officiel du 27 mars 1992 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Raymond Moyen en reprenant la date de décès de l’état civil d’Auschwitz.
Raymond Moyen est homologué le 12 septembre 1945 comme « Déporté politique » (n° 110473) et déclaré « Mort pour la France » le 12 janvier 1961. La carte de Déporté politique est attribuée à Mlle Jeanne Moyen.

Plaque commémorative au 73 rue des Amandiers  voir en note (5), les erreurs.

Son épouse, Juliette Moyen, est déportée le 25 mars 1943 dans le convoi « n° 53 », qui part de Drancy en direction du camp de Sobibor.
Son beau-frère Fernand Zalkinow, condamné à mort par le tribunal militaire allemand siégeant au Palais Bourbon du 4 au 6 mars 1942, est fusillé au Mont-Valérien le 9 mars 1942. Il a 18 ans.
Le père de celui-ci, Noïme Zalkinov est fusillé au Mont Valérien le 11 août 1942. Sa belle-sœur, Rachel Zalkinow est déportée le 22 juin 1942 à Auschwitz.
Une plaque commémorative qui comporte malheureusement de nombreuses erreurs a été apposée au 73, rue des Amandiers.

  • Note 1 : Fille de Samuel Zalkinow et de Hanna Kantow, elle est bien née le 23 septembre 1915 dans le 12ème, et non le 28 septembre. L’erreur provient des listes allemandes de Drancy (in mémorial de la Shoah) lorsqu’elle est déportée vers le camp de Sobibor (convoi n° 53, du 25 mars 1943).
  • Note 2 : À partir d’août 1941, le PCF recrute des membres des Jeunesses Communistes pour former des groupes armés. Ceux d’entre eux qui ont survécu, comme Pierre Daix, se souviennent avoir été engagés dans « l’Organisation Spéciale » (l’O.S.). Roger Bourderon affirme que le nom de « Bataillons de la Jeunesse » a été utilisé sous l’occupation, ce qui est confirmé par Franck Liaigre.
  • Note 3 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la
    défense nationale ou la sécurité publique
    « . Les premiers visés sont les communistes.
    Note 4 : suite de la citation : Haina et Nojme Zalkinov, leur fille ainée Juliette et son mari Raymond Moyen, leur fille cadette Rachel et son 

    Fernand Zalkinow in © Le Maitron

    compagnon André Jacquot, des résistants, puis emprisonnés. André Jacquot, ancien combattant des Brigades internationales, s’évade et deviendra un cadre communiste de la Résistance armée. Rachel torturée, victime d’une hémorragie interne, est transférée à la Santé, au quartier allemand, où elle partage une cellule avec Agnès Humbert, une résistante du réseau du Musée de l’homme qui témoignera que quand Rachel a appris, dans un silence de mort, l’exécution de son frère : « C’est l’Allemand qui a baissé les yeux, bouleversé devant cette admirable communiste juive de 23 ans ». Le 7 août 1942, les parents de Fernand Zalkinov sont transférés au fort de Romainville et deviennent otages. Le 11 août 1942, le père, Nojme Zalkinov, est fusillé, la mère de Fernand et sa sœur Juliette, sont transférées le 3 septembre 1942, dans « le camp de Juifs » de Drancy. Haina est déportée le 23 septembre, par le convoi 36, à Auschwitz-Birkenau. Juliette Moyen est d’abord transférée à Beaune-la-Rolande (Loiret), le 9 mars 1943, puis déportée de Drancy à Sobibor, par le convoi 53, le 25 mars 1943. Son mari, Raymond, est déporté de Compiègne, le 6 juillet 1942, par le convoi de politiques dit des 45000. Rachel, transférée à la caserne des Tourelles le 26 mars 1942, est déportée de Drancy à Auschwitz-Birkenau, par le convoi 3 du 22 juin 1942. Aucun ne reviendra. La famille Zalkinov est décimée ». M-P Hervieu, janvier 2018, publication in Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah.

  • Note 5 : Les erreurs sur cette plaque commémorative m’ont été signalées par une correspondante. Juliette Moyen est née Zalkinow et non Alkmar Julie. La date du 9 août 1942 est également erronée. En effet Fernand Zalkinow est fusillé au Mont Valérien le 9 mars 1942 et Noël Zalkinow, son père le 11 août 1942, également au Mont-Valérien. Quand au N° 73 où la plaque a été apposée, elle ne correspond pas à l’adresse des membres de la famille Zalkinow (avec un W et non un V), qui est indiquée au 51, rue des Amandiers (sources Mémorial de la Shoah / documents allemands).

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle microfilmée consultée en décembre  1992.
  • Mail de l’historien Boris Danzer-kantof, qui a travaillé sur la Résistance communiste parisienne et plus précisément sur les groupes des Jeunesses
    communistes autour de Pierre Georges (Fabien) et Gilbert Brustlein.
  • Site ©  Mémorial de la Shoah
  • Site ©  resistance-ftp.net.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Site Internet Memorial GenWeb.
  • Site plaques commémoratives de Paris @ parisrues.com
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz en 1946.

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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