Matricule « 46 096 » à Auschwitz

Gaston Sansoulet
Gaston Sansoulet le 8 juillet 1942 à Auschwitz
Gaston Sansoulet-Planté : né en 1914 à Paris 6ème ; domicilié à Fontenay-aux-Roses (Seine) ; employé des PTT ; CGT, communiste ; arrêté le 1er septembre 1941 ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt.

Gaston Sansoulet-Planté est né le 24 février 1914 à Paris (6è).
Il habite au 9, bis rue Jean Jaurès à Fontenay-aux-Roses (Seine  / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Blanche, Juliette Holveck, 33 ans, confectionneuse,  et de Félix Sansoulet-Planté, 30 ans.
Ses parents habitent alors Fontenay-aux-Roses au 5, chemin des Moulins. Son père, Félix Sansoulet-Planté né en 1883, contrôleur PTT, est conseiller municipal SFIO de Fontenay entre 1925 et 1929.
Il a un frère aîné, Jean, Félix, né le 9 janvier 1909 à Paris (6è).
En 1935, Gaston Sansoulet est photographe, inscrit sur les listes électorales à cette date et habite avec son frère Jean, ajusteur, au 86, rue Boucicaut à Fontenay (celui-ci y est domicilié depuis 1930 et inscrit sur les listes électorales à cette date).

Gaston Sansoulet épouse Raymonde, Simone Pérot, le 28 septembre 1935, à Fontenay-aux-Roses. Elle est  née le 18 juin 1917 à Paris 14è, et travaille, dit-elle, comme « employée des tabacs » (sans doute à la Manufacture des tabacs à Issy les Moulineaux), (voir la note n° 1 la concernant dans les sources).
Le couple a un fils : Jean qui naît le 29 novembre 1938 . Gaston Sansoulet est ensuite employé aux PTT à la gare Montparnasse à Paris.
Militant communiste, il est secrétaire d’une cellule locale à Fontenay.
Il est adhérent à la CGT à la gare de Paris Montparnasse.

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. La nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et Colombes.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Gaston Sansoulet est révoqué des PTT en août 1940 pour avoir « soutenu l’action clandestine de l’ex-Parti communiste en général et l’attitude de Maurice Thorez en particulier ». Il s’inscrit alors au fonds municipal de chômage de Fontenay-aux-Roses en septembre 1940. Il effectue aussi quelques travaux pour la Maison Westerloppe photographie, 112ter, route de Châtillon à Malakoff.
En septembre 1940, le commissariat de police Fontenay-aux-Roses inscrit Gaston Sansoulet sur une liste qui recense les  “indésirables” de la ville (ce terme implique aussi bien les délinquants que les communistes).

En 1941, membre du Front National «Front national de lutte pour l’indépendance de la France», créé à l’initiative du Parti communiste clandestin le 15 mai 1941, Gaston Sansoulet milite sur les communes de Fontenay, Chatillon, Le Plessis et Châtenay-Malabry.
Gaston Sansoulet est arrêté le 1er septembre 1941 à son domicile, par la police française, comme « communiste ». Son épouse Raymonde signale que sont arrêtés en même temps que lui Georges Delrieux (déporté à Buchenwald, rescapé) et Robert Marchand également déporté (2).

Raymonde Sansoulet est persuadée que son mari a été dénoncé par une voisine : elle portera plainte à la Libération et un procès en décembre 1945 condamnera la délatrice à 15 ans de travaux forcés… avec circonstances atténuantes (voir document en fin de notice).
« Selon la police il fut dénoncé, des enfants auraient été vus dans la cour de l’immeuble de la rue Jean-Jaurès où il vivait jouant avec des tracts édités par le parti communiste. Gaston Sansoulet-Planté, était déjà connu comme un militant communiste actif à Fontenay-sous-Bois où il était secrétaire de cellule. Des policiers surveillèrent ses allées et venues, le 18 septembre 1941 deux inspecteurs du commissariat de Sceaux l’interpellèrent à son domicile à 7 heures du matin, une machine à écrire était saisie. Sa mère Marie habitait le même immeuble, son logement fut perquisitionné sans succès ». In notice du Maitron.
Cette dénonciation qui est bien réelle, puisque la délatrice sera lourdement condamnée à la libération, résulte d’une lamentable vengeance  de voisinage. Amélie S. voisine des Sansoulet, querelleuse bien connue du voisinage, a une altercation avec Raymonde Sansoulet au sujet des enfants de cette dernière qui ont éclaboussé son palier. Pour se venger, elle décide d’aller au commissariat et dénonce Gaston Sansoulet comme propagandiste communiste clandestin avec comme preuve que des tracts cachés dans le hangar de la cour ont été trouvés par des enfants de l’immeuble qui jouaient avec (voir la coupure de presse relatant le procès en fin de la notice).
Gaston Sansoulet est maintenu au Dépôt de la préfecture de Paris. Le Préfet de police de Paris, François Bard le fait interner – en application du décret du 18 novembre 1939 – au CSS de Rouillé (3) le 9 octobre 1941, au sein d’un groupe de soixante communistes de la région parisienne (40 détenus viennent du dépôt de la Préfecture de Police de Paris et  20 viennent de la caserne des Tourelles).
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé ‎

Le CSS de Rouillé © VRID

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (Frontstallag 122). Le nom de Gaston Sansoulet (n° 165 de la liste) y figure et c’est au
sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 22 mai 1942 (4). La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Gaston Sansoulet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Gaston Sansoulet le 8 juillet 1942

Gaston Sansoulet est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 420» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (5) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de son décès à Auschwitz.
Le 21 septembre 1946, le ministère des Anciens combattants a fixé fictivement celle-ci au 15 septembre 1942 (mort du typhus) sur la base du témoignage de ses compagnons de déportation.
Il est déclaré « Mort pour la France » le 16 juin 1947. Un arrêté ministériel du 24 février 1998 paru au Journal Officiel du 19 mai 1998 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Gaston Sansoulet.
Il est homologué « Déporté politique », homologué au grade de sergent dans la Résistance Intérieure Française. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune.

L’Aube Nouvelle 21/12/1946

Gaston Sansoulet est homologué (GR 16 P 534808) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de
Résistance.

Une avenue de Fontenay rappelle sa mémoire.

Les communistes (scientifiques, chercheurs) du centre de l’Energie atomique qui effectuent les premières expérimentations sur la pile Zoé au Fort de Chatillon à Fontenay avant son déménagement à Saclay et dont le directeur est Frédéric Joliot-Curie, donnent le nom de Gaston Sansoulet à leur cellule en hommage au déporté.

L’Aube nouvelle 1949

Une cellule locale du PCF portera également son nom à Fontenay : on trouve mention dans le journal local d’activités qu’elle organise en décembre 1949.

A la Libération, Germaine Sansoulet qui est persuadée depuis l’arrestation de son mari qu’il a été dénoncé, porte plainte. Après enquête (témoignage d’un policier qui a reçu la dénonciation et témoignage d’un deuxième agent), la délatrice est jugée et condamnée. L’Aube Nouvelle, n° 249 du 15 décembre 1945, hebdomadaire (communiste) d’informations politiques et locales des cantons de Vanves et de Sceaux relate le procès.

Procès de la délatrice in « l’Aube Nouvelle »  15/12/1945

« Le lundi 3 décembre, à la 10ème Chambre Correctionnelle, s’est déroulé le procès de la femme qui, par sa dénonciation, avait fait arrêter notre camarade Gaston Sansoulet, le 9 septembre 1941, interné en France, puis déporté en Allemagne, il mourut de privations et du typhus au camp de Birkenau, en 1943. La femme S…., née Amélie Roux, habitait Clamart ; venue à Fontenay chez une amie, dans la maison de Sansoulet, elle eut la
certitude que notre camarade faisait de la propagande communiste ; c’est à la suite d’un incident stupide que, pour se venger, elle le dénonça. Durant tout le procès elle nia, même lorsque l’agent qui avait pris sa déposition vint le dire à la barre, elle nia aussi des précisions apportées par un autre agent témoin de cette déposition, elle nia aussi tout ce que notre camarade Raymonde Sansoulet vint dire contre elle ; la femme de Gaston Sansoulet expliqua d’abord ses soupçons, ses certitudes et comment, après la Libération, en septembre 1944, elle la fit arrêter. Malgré un témoignage de sa sœur, après la molle défense de son avocat, qui plaidait une cause perdue, et après un réquisitoire sévère et juste du Commissaire du Gouvernement, le tribunal se retira pour délibérer et une heure après, le verdict fut annoncé par le Président : 15 ans de travaux forcés, l’indignité nationale, mais les circonstances atténuantes, on se demande pourquoi d’ailleurs ?… Justice était rendue
« .

  • Note 1 : Présidente du Comité d’entente de Fontenay jusqu’en 1996. Membre du Parti communiste. Elle est décédée le 26 août 2007 à l’âge de 90 ans. Un hommage solennel lui a été rendu par Philippe Buchet, maire de Fontenay, en présence de son petit-fils Bruno. Elle avait joint une photocopie de la photo de son mari dans le questionnaire qu’elle m’avait envoyé le 30 juillet 1990.
  • Note 2: Il existe 2 déportés du nom de Robert Marchand et un troisième résistant, habitant de Fontenay est fusillé en septembre 1942. Mais il est arrêté le 16 février 1942, il ne peut donc s’agir de lui.
  • Note 3 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 4: Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
  • Note 5 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par sa veuve (30 juillet 1990). Présidente du Comité d’entente de Fontenay jusqu’en 1996. Membre du Parti communiste. Elle est décédée le 26 août 2007 à l’âge de 90 ans. Un hommage solennel lui a été rendu par Philippe Buchet, maire de
    Fontenay, en présence de son petit fils Bruno. Elle avait joint la photocopie de la photo de son mari.
  • Liste XLI. 42 N° 165.
  • Correspondance avec les archives de Fontenay (6 mai 1990).
  • ACVG juillet 1992
  • La notice biographique que j’avais rédigée pour l’exposition de Gennevilliers en 2005
  • Camp de Rouillé : archives départementales de la Vienne.
  • Liste du 22 mai 1942, transfert vers Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
    Fiche individuelle consultée en juillet 1992.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau
    (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Livre des déportés ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, kommando d’Auschwitz, Registre des décédés(n° d’ordre, date, matricule, chambre, nom, nature du médicament) du 1.11.1942 au 15.07.1943.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb.
  • © Site Internet Légifrance.gouv.fr
  • © Site Internet Lesmortsdanslescamps.com
  • © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.

Notice biographique (complétée en 2016, 2019 et 2021), réalisée initialement pour l’exposition sur les «45000» de Gennevilliers 2005, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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