François Burési à Auschwitz le 8 juillet 1942
François Burési, © photo de famille

Matricule
« 45 313 » à Auschwitz

François Burési : né au en 1896 à Petreto-Bicchisano (Corse-du-Sud) ; domicilié à Saint-Ouen (Seine / Seine-St-Denis) ; cordonnier, facteur ; condamné pour meurtre à 5 ans de prison ; "anarchiste dangereux" ou "présumé communiste" ; arrêté le 26 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 août 1942.

François Burési est né au domicile de ses parents le 10 mai 1896 à Petreto-Bicchisano (Corse-du-Sud). Il habite au 6, rue Ardouin à Saint-Ouen (Seine / Seine-Saint-Denis) au moment de son arrestation. Il est le fils de Marie, Thérèse, Isabelle Vellutini, 27 ans, ménagère et de Jacques, François Burési, 28 ans, propriétaire, son époux.
Il a trois sœurs et trois frères : Marie (1894-1978), Anne (1899-1969), Toussaint (1902-1999), Jean (1905-1906), Jean-Baptiste (1908-1973), Jéromine (1910-1998). Cf note 1.
Au moment de son conseil de révision, il est cordonnier en Corse. Il sera postier en région parisienne après la guerre.  Il mesure 1m 57, a les cheveux et les yeux châtains, le front bas, le nez rectiligne, le visage large. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1916, il est mobilisé par anticipation (en avril 1915) comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre, et il est incorporé au 81è régiment d’infanterie. Puis il « passe » aux 420è, 66è et 33è RI. Il est déclaré « déserteur » à deux reprises à la suite de retards après des permissions (22 au 26 septembre 1917 et 28 février au 15 mai 1918 où il se présente de lui-même à la gendarmerie), mais est rayé à chaque fois des contrôles de la désertion.
Il est démobilisé le 20 novembre 1919 au 173è RI et « se retire » à Petreto-Bicchisano.
En 1920, il travaille comme postier (facteur) à Paris et il est à ce titre classé comme « affecté spécial » pour la réserve de l’armée, au titre d’employé de l’administration des PTT.
Le 30 juin 1923 à  Saint-Ouen, il épouse Marguerite, Louise Albertine Boulay, sans profession, née  le 11 octobre 1885 à Alençon (Orne).
Le couple a deux filles : Isabelle, et Jacqueline. Son épouse décède le 22 avril 1929 à Paris.
En janvier 1928, il habite au 6, rue Ardoin à Saint-Ouen, et en 1933 il a déménagé au 70, boulevard Jean Jaurès.
Le 9 avril 1933, François Burési épouse en secondes noces à Saint-Ouen Marie, Elizabeth Mennel. Elle est née le 4 septembre 1895 à Diffenbach-les-Helliner (Moselle). Après son mariage, il revient au 6, rue Ardoin à Saint-Ouen.

L’Humanité 19 juillet 1935

La police le considère comme un «anarchiste dangereux». 

A la suite de ce que « l’Humanité » présentera comme un simple fait divers qui a mal tourné, et non une affaire politique, François Burési est condamné par la cour d’Assises de la Seine le 18 juillet 1935, à cinq ans de prison pour meurtre commis à Saint-Denis, le 7 mai 1934 « sur la personne du sieur Rey ». 

Bursi, carricature dans le Petit Parisien

La condamnation pour meurtre par arme à feu est effectivement assortie de circonstances atténuantes (Burési est un facteur modèle, excellemment noté. Selon un témoin, Rey était également armé et aurait menacé Burési qui se serait senti menacé) et dispense Burési de l’interdiction de séjour (cote BA 2397 des archives de la préfecture de police de Paris).
Il est en outre condamné à 1339 F plus 62 F 50 de frais de poste de dommages et intérêts envers l’Etat.
Une pension annuelle de 4000 F et 3000 F sont accordés à la veuve Rey et à son fils, ainsi que 25.000 F de dommages et intérêts à chacun d’eux. 

François Burési est défendu par le célèbre avocat M° Moro-Giafferi… Rey était un partisan du maire de Saint-Denis, l’ex communiste Jacques Doriot, et l’accusation veut faire de Burési un militant du Parti communiste. Avec sa faconde habituelle Moro-Giafferi moque l’hypothèse d’un meurtre à connotation politique soutenue par l’accusation « c’est vrai Burési a des opinions politiques détestables… Il a toujours voté pour moi » (Moro-Giafféri est député de Corse depuis 1919 pour le Parti républicain socialiste et après la Libération pour l’Union des gauches républicaines).

Les Echos de Pairs, 19 juillet 1935

Son pourvoi en cassation est rejeté le 4 janvier 1936.
Le couple Burési-Mennel divorce le 3 juin 1937.
François Burési obtient une libération conditionnelle le 8 avril 1939.

Le Petit Parisien, 19 juillet 1935

A la déclaration de guerre, le décret de mobilisation générale le rappelle sous les drapeaux. Il est affecté à la 15è section des « exclus métropolitains », puis à la 19è section au camp de Châlons. Le 16 avril 1940, il passe à la 7è compagnie de travailleurs après la dissolution de la section des « exclus métropolitains ».

Le 13 juin 1940 l’armée allemande occupe Saint-Denis, puis Saint-Ouen. Le 14 juin, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

François Burési  est démobilisé le 15 juillet 1940 dans le canton du Bausset (Var).
Il est arrêté le 27 juin 1941 et interné comme « présumé communiste » dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique.

Extrait de la liste des RG du 27 juin 1941, montage à partir du début de la liste

La liste des Renseignements
généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 27 juin 1941, mentionne pour François Burési : « Anarchiste dangereux. Condamné en 1935 à 5 ans de réclusion pour meurtre ».

Sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici l’Hôtel Matignon), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht .
Le jour même de son arrestation, François Burési est  interné  au camp de Royallieu («Frontstalag 122») camp destiné à l’internement des «ennemis actifs du Reich», alors seul camp en France sous contrôle direct de l’armée allemande.
Il y reçoit le numéro matricule « 746 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, François Burési est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

François Burési est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45313» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé
sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi). Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Entré au block 20 (l’infirmerie d’Auschwitz) le 6 août, François Burési meurt le 18 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 150) et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau). Ce certificat porte comme cause du décès « Kachexie bei Darmkatarrh » (entérite chronique et cachexie). L’historienne polonaise Héléna Kubica a révélé comment les médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou
dans les chambres à gaz». Il convient de souligner que vingt-neuf autres «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz ce même jour. C’est le début d’une grande épidémie de typhus au camp principal, qui entraîne la désinfection des blocks, s’accompagnant d’importantes « sélections » des « inaptes au travail »avec comme conséquence la mort dans les chambres à gaz. La veille, vingt-six « 45000 » avaient ainsi été
assassinés (lire80 % des 45000 meurent dans les 6 premiers mois, pages 126 à129 in Triangles rouges à Auschwitz).

François Burési est déclaré « Mort pour la France » et homologué « Déporté politique ». Un arrêté ministériel du 30 septembre 1987 paru au Journal Officiel du 3 novembre 1987 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de François
Burési.
Son nom est inscrit sur le monument commémoratif inauguré en 2005 dans le « square des 45 000 et des 31000 », situé rue Kléber, square
Marmottan.

  • Note 1 : Des membres de la famille Burési, originaires de Petreto-Bicchisano, ont participé à la Résistance : dans le village même, Joseph Burési participe aux combats du maquis dirigé en 1943 par Dominique Bighelli. Toussaint Burési, né à Petreto-Bicchisano en 1902, cheminot communiste, est arrêté le 24 septembre 1942 à Pantin et interné au camp de Pithiviers d’octobre 1942 à la fin juillet 1943. Libéré, il participe à l’organisation des comités populaires créés par le Parti communiste clandestins pour faire renaître des activités revendicatives dans les usines.
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées : elles avaient été cachées par des membres de la Résistance intérieure du camp pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz. Elles été retrouvées à la Libération et conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, vice-président de l’Amicale d’Auschwitz qui me les a confiés.

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juillet 1992.
  • Une adresse familiale figure au DAVCC, le 22 ,avenue Gabriel Péri à Saint-Ouen.
  • Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Liste de noms de camarades du camp de Compiègne, collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 283 à 3800) (DAVCC).
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb.
  • © Site Internet Légifrance.gouv.fr
  • © Site Internet Lesmortsdanslescamps.com
  • Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Edition
    informatique 2012 (pour Toussaint Burési).
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / collection André Montagne.
  • Archives de Corse du sud, état civil et registres matricules militaires.
  • Documents recueillis en 2015 à la © Préfecture de police de Paris, par M. Paul Filippi, journaliste à FR3 Corse, dans le cadre de la préparation d’un film sur les « 45.000 » originaires de Corse. Photos de famille, document Arolsen.
  • Coupures de presse in © BNF /Gallica L’Humanité, Le Petit Parisien, Echos de Paris, éditions du 19 juillet 1935.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements généraux, Liste des militants communistes internés le 26 juin 1941.

Notice biographique mise à jour en avril 2013, 2016 et 2019 (actualisation à partir des documents communiqués par M. Paul Filippi en février 2016) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions
Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel deportes.politiques.auschwitz@gmail.com  

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