A Auschwitz, le 8 juillet 1942
Photo dans le « Patriote Résistant » n° 196, février 1956

Matricule « 45 334 » à Auschwitz

René Caron : né en 1914 à Alfortville (Seine / Val-de-Marne) où il est domicilié ; employé de commerce ; communiste ; arrêté le 29 décembre 1940, prison de la Santé, condamné à 18 mois de prison ramenés à 12 mois en appel, maison d'arrêt de Fresnes ; interné aux camps de Voves et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 4 septembre 1942.

René, Armand Caron est né le 10 avril 1914 à Alfortville (Seine / Val-de-Marne) au domicile de ses parents au 11, rue Voltaire.
Il habite au 123, rue Villeneuve à Alfortville au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Hélène, Marie Dremière, sans profession, née le 14 mai 1889 à Alfortville, et de James, Antony, Léon Caron, 34 ans, né le 12 février 1880 à Paris, boucher, son époux.
Après avoir habité au 41, rue Amélie, la famille s’installe au 11, rue Voltaire, à la naissance de René.
Il est « adopté par la Nation » le 8 octobre 1919 (son père a été tué dans une tranchée pendant la première guerre mondiale, le 12 juin 1915).
René Caron travaille comme employé de commerce.

Il épouse Jeanne Malite le 9 juillet 1932 à Alfortville
. Le couple a deux enfants.
Il est membre du Parti communiste. En 1936, il s’inscrit sur les listes électorales d’Alforville : il est employé de commerce, domicilié au 167, rue Véron.
La famille s’installe au 123, rue Villeneuve à Alfortville après 1936.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Avec l’Occupation allemande, René Caron, qui était adhérent du Parti communiste avant guerre, et connu des Renseignements généraux, a repris clandestinement une activité militante. Il est au chômage d’après sa fiche de Police aux BS1.
Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux.

Registre journalier des RG (BS1) René Caron avec le  N° 20

René Caron est arrêté avec 19 autres militants (dont André Lanvert, Lucien Tourte, et Félix Vinet qui seront déportés avec lui à Auschwitz), le 29 décembre 1940 comme « responsable d’un centre de propagande communiste et clandestin » à Alfortville et inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 interdisant les organisations communistes.

René Caron est écroué à la Santé le 2 janvier 1941 en attente de son jugement, avec ses dix-neufs camarades.
Le 29 avril 1941 il est condamné à 18 mois d’emprisonnement par la 12è chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Il se pourvoit en appel. Il est écroué à la Maison d’arrêt de Fresnes le 31 mai 1941. En appel, sa peine est ramenée à 12 mois.
Le 25 mars 1942, René Caron est envoyé au Dépôt, et à la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, en application de la Loi du 3 septembre 1940 le Préfet de police de Paris, François Bard, ordonne son « internement administratif » en Centre de séjour surveillé, le CSS de Voves.

Transfert à Voves

Le 16 avril 1942, à 5 h 50, René Caron fait partie d’un groupe de 60 militants « détenus par les Renseignements généraux« , convoyé par les gendarmes de la 61è brigade et transféré de la permanence du dépôt au camp de Voves (Eure-et-Loir).  Ce camp (Frontstalag n° 202 en 1940 et 1941) était devenu le 5 janvier 1942 le Centre de séjour surveillé n° 15.
Lire dans le site : Le camp de Voves

Le camp de Voves in VRID

Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France. René Caron figure sur la première liste. Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, René Caron est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Photo d’immatriculation, 8 juillet 1942

René Caron est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «45 334» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

René Caron meurt à Auschwitz le 4 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 158 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Après la guerre, l’état civil français n’ayant pas eu connaissance de sa déportation, avait fixé son décès au « 6 juillet 1942 à Compiègne » (jugement déclaratif de décès daté du 24 décembre 1948). Un arrêté ministériel du 12 juillet 2007 paru au Journal Officiel du 7 août 2007 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de René Caron. Cet arrêté qui corrige le précédent qui indiquait mort le 6 juillet 1942 à Compiègne) mentionne néanmoins encore une date erronée : décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz, soit les 5 jours prévus par les textes en cas d’incertitude quand à la date réelle de décès à Auschwitz. Or celle-ci est pourtant connue. Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death
Books from Auschwitz
, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates de décès entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

René Caron est homologué comme « Déporté politique » le 21 janvier 1955 et déclaré « Mort pour la France » le 26 mars 1955.

Avis dans le PR de 1956

En février 1956, sa veuve, impotente, écrit au journal de la FNDIRP, le « Patriote Résistant » (n°156 de février 1956) afin d’entrer en contact avec des camarades de déportation de son mari. Cette demande est accompagnée d’une photo de René Caron avant sa déportation.

La mention « Mort pour la France » est apposée sur son acte de décès (26-03-1955).
La mention « Mort en déportation » est apposée sur son acte de décès (J.O. du 7-08-2007).

René Caron est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes  GR 16 P 107764.

Le nom de René Caron est inscrit sur une plaque apposée dans le square Jean Albert (mairie d’Alfortville).

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources  

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en décembre 1992 (sortie imprimée de microfilm, dossier n° 61776).
  • Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
  • Le Patriote Résistant (n°156 de février 1956).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp : Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Le CCS de Voves. In site Vienne Résistance Internement Déportation.
  • © Site InternetLégifrance.gouv.fr
  • © Site InternetLesmortsdanslescamps.com
  • © Site « Les plaques commémoratives, sources de mémoire« .
  • Archives de la Préfectures de police de Paris, dossiers Brigade spéciale des Renseignements généraux, registres journaliers.
  • Archives en ligne du Val de Marne /  Etat civil.

Notice biographique mise en ligne en 2013, complétée en 2017, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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