Gustave Depriester : né en 1901 à Calais (Pas-de-Calais) ; domicilié à Paris 9ème ; employé de commerce, comptable ; communiste ; résistant ; arrêté le 29 novembre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, aux Maisons centrales de Fontevrault et Clairvaux, aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 21 septembre 1942.
Gustave, Léon, Lucien Depriester est né au 52, rue du Four à chaux le 7 janvier 1901 à Calais (Pas-de-Calais). Au moment de son arrestation, il habite au 100, rue d’Amsterdam (Paris 9ème).
Il est le fils d’Hélène, Rachel, Marie Normand, 25 ans, couturière et de Fortuné, Gustave Depriester, 23 ans, son époux, qui est soldat au 8ème d’Infanterie de ligne au moment de sa naissance. Il est l’aîné d’une fratrie de cinq enfants (Marcel, né en 1902, Marguerite, née en 1903, Paul, né en 1909 et Jean, né en 1911).
Gustave Depriester est employé de commerce (mention portée lors du Conseil de révision) et habite alors au 96, rue Masséna à Arras (Pas-de-Calais).
Le premier avril 1921, il est incorporé , comme son père avant lui, au 8ème Régiment d’Infanterie.
Sa fiche matricule militaire indique qu’il a les cheveux châtain, les yeux bleus et qu’il a un niveau d’instruction « de niveau 3 » (sait lire et écrire).
Il est réformé temporaire à deux reprises pour bronchite chronique et il est « rayé des contrôles » le 28 janvier 1922. Il sera alors affecté dans la réserve (chasseurs mitrailleurs, puis dans l’infanterie en 1929). Le 26 décembre 1921, il habite 52, rue Méaulens à Arras.
Gustave Depriester épouse Marthe, Juliette Isaert le 20 août 1921 à Calais. Le couple a une fille, Sylvette qui naît le 13 octobre 1922 (elle est décédée le 24 octobre 2013). Le couple déménage au 2, rue du Larcin à Arras le 2 octobre 1923.
Le 27 février 1929, la famille habite au 57, rue Custine à Paris 18ème.
Gustave Deprieseter devient secrétaire de la section du Parti communiste du 18ème lorsque Louis Houard (1) part combattre comme volontaire en Espagne républicaine (en 1936 ou en 1937).
Gustave Depriester se sépare de son épouse et il emménage en 1937 au 109, rue Clignancourt, puis en novembre 1938 au 100, rue
d’Amsterdam. Selon les PV de la Brigade des renseignements généraux, il a une liaison avec Yvonne Isella-Bureau, 31 ans, téléphoniste à « Ce soir », militante communiste, épouse non divorcée d‘Emile Bureau.
Gustave Depriester travaille lui aussi, comme secrétaire administratif, au journal du Parti communiste « Ce Soir » jusqu’à l’interdiction de celui-ci le 26 août 1939.
Gustave Depriester est mobilisé le 3 septembre 1939 à la déclaration de guerre. Affecté au 5ème bataillon du 301ème Régiment d’Infanterie, il est classé dans les services auxiliaires par la commission de réforme de Calais, le 12 septembre 1939 et démobilisé en juillet 1940.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En juillet 1940, un triangle de direction clandestin fonctionne depuis plusieurs mois pour le 18ème. Il est composé de Spilers, Guilleminot et Maurice Rioux. Avec la démobilisation de plusieurs militants, le triangle est modifié et constitué de Laprade, Armand Skolnic (responsable à l’organisation) et Maurice Rioux (responsable agitation propagande) jusqu’au soir du 26 novembre 1940 où ils sont arrêtés (sur dénonciation pense-t-il).
En juin 1940, un triangle de direction clandestin du Parti communiste fonctionne depuis plusieurs mois dans le 18ème. Il est composé de Spilers, Guilleminot et Maurice Rioux. Avec le retour de l’armée de plusieurs militants, le triangle est modifié et constitué de Laprade, Armand Schkolnic (responsable à l’organisation) et Maurice Rioux (responsable agitation propagande) jusqu’au soir du 26 novembre 1940 où Laprade et Schkolnic sont arrêtés.
Armand Schkolnic est déporté comme Juif à Auschwitz dans le convoi du 5 juin 1942. Lire dans le site la notice le concernant et le témoignage de Georges Guinchan qui le retrouve à Auschwitz peu avant son décès : Des militants communistes arrêtés comme tels, sont déportés comme otages juifs.Gustave Depriester est en novembre 1940, le responsable politique du quartier des « Grandes Carrières », au sein du triangle de direction
clandestin qu’il forme avec Maurice Rioux et Alex Le Bihan, qui lui succédera après son arrestation.
Gustave Depriester est arrêté le vendredi 29 novembre 1940, à 13 heures devant son immeuble, par les inspecteurs H. et G. de la Brigade spéciale des RG : lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux.
En effet, lors de leurs filatures et de leurs surveillances, les inspecteurs avaient remarqué les visites fréquentes de plusieurs personnes au 52, rue du Ruisseau, où habitaient les époux Legendre (2) : un couple de militants communistes qu’ils soupçonnaient d’être les principaux organisateurs de l’activité communiste dans le 18ème.
Au nombre de ces visiteurs se trouvaient Gustave Depriester, le docteur Israël W. (dont la BS 1 savait qu’il avait été médecin au Centre médical CGT, 40, rue des Cloÿs Paris 18ème), et la bonne de celui-ci, Yvonne J.
Les inspecteurs les placent aussi sous surveillance et constatent que le médecin et sa bonne rendent séparément de fréquentes visites à Gustave Depriester («alors qu’il n’est pas malade»
écrivent-t-ils dans leur PV), mais dont le passé d’ancien secrétaire de la section du Parti communiste du 18ème leur est connu. Ils décident de perquisitionner aux domiciles des trois suspects. Chez Gustave Depriester, au « 6ème étage, fond du couloir », ils trouvent sur la table de nuit de la chambre un exemplaire de « La vie du Parti » d’octobre 1940, et un certain nombre de brochures antérieures à la dissolution du PC dans le salon.
Dans les archives des Brigades spéciales de la Préfecture de Police, figure le PV d’interrogatoire d’Yvonne Bureau dans le
cadre de « l’affaire Gustave Depriester » (PV du 30 novembre 1940).
Yvonne Bureau qui travaille alors comme téléphoniste, et habite au 221, rue Championnet (Paris 18ème) déclare : « Depriester est mon ami depuis trois ans. Il était comme moi adhérent au Parti communiste. Il a été démobilisé en Juillet dernier, et, connaissant parfaitement ses opinions politiques – puisque
les partageant – je puis affirmer que depuis son retour il n’a milité en aucune façon. Je n’ai jamais vu chez lui de documents ni de matériel servant à la propagande clandestine. Il n’a jamais reçu personne en ma présence. Il sortait souvent dans la journée, mais jamais le soir. A ma connaissance, il n’a jamais assisté à une réunion ou à un rendez-vous quelconque avec des camarades de l’ex-Parti communistes. Lecture faite, persiste et signe ».
Il est fort possible que ses déclarations soient destinées à la fois à couvrir Gustave Depriester, responsable du triangle clandestin du quartier des « Grandes Carrières », mais aussi à écarter les soupçons des RG des activités clandestines – sans doute à caractère régional – de son mari, Emile Bureau (il sera lui aussi déporté à Auschwitz).
En application des décrets-lois des 18 novembre 1939 et 3 septembre 1940, le Préfet de Paris Roger Langeron ordonne le 29 novembre l’internement administratif de Gustave Depriester.
Après avoir été envoyé au Dépôt de la Préfecture de police de Paris, il est envoyé le 1erdécembre au camp de «Séjour surveillé»
d’Aincourt, en Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise), ouvert
spécialement, le 5 octobre 1940 pour y enfermer les communistes arrêtés (lire dans le site : Le camp d’Aincourt).
Le 4 décembre 1940, Gustave Depriester est transféré à la Maison centrale de Fontevraud-l’Abbaye (anciennement nommée Fontevrault, près de Saumur), avec une centaine d’internés du camp d’Aincourt (cf. Fernand Devaux). Fontevraud est considérée comme la centrale pénitentiaire la plus dure de France, avec celle de Clairvaux (plusieurs de ses détenus en ont témoigné à la Libération : Fernand Alby, Gaston Bernard, Lucien Chapelain).
En juin 1940, environ 80 militants communistes, emprisonnés à Poissy avant la débâcle, y ont été enfermés, comme Henri Asselineau (déporté à Auschwitz le 6 juillet 1942).
Le 20 janvier 1941, Gustave Depriester est transféré à la Maison centrale de Clairvaux (Aube).
Lire dans le site La Maison centrale de Clairvaux. Le 26 septembre 1941, dans un groupe de 52 internés de Clairvaux, il est transféré au centre de séjour surveillé de Rouillé (3), près de Poitiers.
On sait par sa nièce, Madame Maryse Lageyre-Depriester, qu’il écrit à cette période à une autre de ses nièces, née en 1934.
Le 9 février 1942, il fait partie d’un groupe de 52 internés communistes remis aux autorités allemandes à leur demande, et qui sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Fronstalag 122). 37 d’entre eux seront déportés à Auschwitz le 6 juillet 1942.
A Compiègne, il reçoit le matricule « n° 3530 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Gustave Depriester est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Le numéro d’immatriculation de Gustave Depriester lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45458″ ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
Gustave Depriester meurt à Auschwitz le 21 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 221). Le même jour que son camarade Emile Bureau. Ce certificat porte comme cause fictive du décès «Pleuritis».
L’historienne polonaise Héléna Kubica explique comment les médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz». Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18, 19, 20 ou 21 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp été enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection
interne des inaptes au travail, opérée dans les blocks d’infirmerie.
Lire dans le site : Des causes de décès fictives.
Gustave Depriester est déclaré « Mort pour la France » le 4 septembre 1947 et homologué « Déporté politique ».
Un arrêté ministériel du 19 février 1988 paru au Journal Officiel du 27 mars 1988, porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Gustave Depriester. Il n’y a pas de mention de demande d’homologations à l’une des cinq catégories de
Résistants (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL) sur la base de données du SHD.
- Note 1 : Houard Louis : « Né le 16 octobre 1911 à Paris (18ème), secrétaire de la section communiste du 18ème, membre de l’Union syndicale des travailleurs de la Métallurgie, membre du bureau de la Région Paris-ville, Louis Houard partit comme volontaire en Espagne républicaine et fut commissaire politique de la 13e Brigade internationale. Il fut tué à Romanillos le 25 juillet 1937 (front de Brunete) ». Le Maitron.
- Note 2 : André Legendre est candidat du Parti communiste aux élections législatives de 1932 dans le 18ème arrondissement de Paris (Grandes-Carrières). Le Maitron.
- Note 3 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «Centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au
camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
Sources
- Etat civil d’Arras, 1994. Registre matricule militaire (2015)
- Photo transmise par sa nièce en janvier 2015, madame Maryse Lageyre-Depriester, que je remercie vivement.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère dela
Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993 et Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948, établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Liste Auch 1/7 - Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Carton Brigades Spéciales des Renseignements généraux (BS1), aux Archives de la Préfecture de police de Paris. Procès verbaux des interrogatoires et registre journalier.
- Dossier prison de Clairvaux.
- Témoignages de Maurice Rioux (6 mars 1981) et d’Alex Le Bihan (janvier 1991), qui avaient milité avec lui dans le 18ème.
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste établie à partir des Livres des morts d’Auschwitz (archives des ACVG). Mention de la main de René Petitjean concernant Gustave Depriester à Rouillé.
- © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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