Lucien Dubeaux est né en 1921 à Boulogne-Billancourt (Seine) ; domicilié à Boulogne-Billancourt (Seine) ; tôlier ; présumé communiste ; arrêté le 30 septembre 1940, condamné à 6 semaines de prison (Santé, Fresnes) libéré le 16 novembre 1940 ; arrêté le 28 avril 1942 comme otage ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le
Lucien Dubeaux est né le 12 mai 1921 à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine) (1).
Il est le fils de Marcelle, Jeanne Jusom, 25 ans, sans profession et de Gabriel, Alphonse Dubeaux, 30 ans, cantonnier, son époux.
Au moment de son arrestation, Lucien Dubeaux habite chez ses parents, avec son frère Louis (né le 7 janvier 1920 à Boulogne) et sa sœur Gilberte (née le 11 février 1932 à Boulogne-Billancourt), dans une cité HBM construite en 1932 au 56, quai du Point du Jour à Boulogne-Billancourt (2).
Lucien Dubeau est célibataire et travaille comme tôlier.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Lucien Dubeaux et son frère sont arrêtés le 30 septembre 1940 pour distribution de tracts communistes Il sont arrêtés par le commissaire de police de Boulogne « à la suite de la découverte d’une vaste organisation de propagande communiste clandestine ».
« Pour avoir formé des groupes de résistance », écrit Marcel Mugnier le liquidateur du mouvement « Front national de lutte pour la libération, l’indépendance et la renaissance de la France ». « Relâché au bout de 45 jours faute de preuves, il entre dans la clandestinité, Dubeaux participe à la formation de notre mouvement et y milite activement après le premier mai 1941. Il assure avec courage ces missions d’agent de liaison et assure la distribution de matériel et journaux clandestins, collage d’affiches et de papillon appelant à la lutte contre l’envahisseur » (Marcel Munier, 13 mai 1950).Les deux frères reconnaissent avoir collé des papillons et déposé des tracts ronéotés dans les boîtes aux lettres proches de leur domicile, mais affirment avoir été entraînés par des amis d’enfance… Inculpés, ils sont écroués à la Maison d’arrêt de la Santé, puis le 30 septembre 1940 à la Maison d’arrêt de Fresnes. Le 13 novembre 1940, le tribunal militaire allemand de Paris les condamne chacun à six semaines d’emprisonnement. Ayant purgé leur peine en détention préventive, ils sont libérés trois jours plus tard, le 16 novembre 1940.
En janvier 1941, Lucien Dubeaux travaille comme ouvrier tôlier dans une petite entreprise (chez Devidal au 93, rue Thiers à Boulogne), son frère travaille comme tourneur chez Renault.
Ils sont de nouveau arrêtés le 28 avril 1942 par la police allemande. Ce jour là une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine. Elle vise des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels.
Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine.
Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff).
Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.
Le jour même ou le 1er mai 1942, Lucien Dubeaux et son frère (1) sont internés au camp allemand (le Frontstalag 122) de Royallieu à Compiègne, Oise.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira également : «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Lucien Dubeaux est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi.
Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.
Le numéro « 45 486 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon dernier ouvrage « Triangles rouges à Auschwitz ».
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi.
Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Lucien Dubeaux meurt à Auschwitz le 4 novembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 242).
A son retour de déportation, Robert Jarry (un des cinq Boulonnais rescapés sur les 14 déportés) a raconté à ses parents et à son frère Louis sa mort « par le four crématoire du camp d’Auschwitz« .
La mention Mort en déportation est apposée sur son acte de décès (arrêté du 17 janvier 1989 paru au Journal Officiel du 25 février 1989). Cet arrêté qui corrige le précédent qui indiquait « mort le 6 juillet 1942 à Compiègne », mentionne néanmoins encore une date erronée : « décédé le 11 juillet
1942 à Auschwitz », soit les 5 jours prévus par les textes en cas d’incertitude quand à la date réelle de décès à Auschwitz. Celle-ci est maintenant
connue. Il serait souhaitable que le Ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).
La mention « Mort pour la France » est attribuée à Lucien Dubeaux.
Lucien Dubeaux est homologué (GR 16 P 193650), comme son frère Louis (GR 16 P 193649) au titre de la Résistance intérieure française (RIF).
Le grade de Sergent (17 novembre 1950) lui est attribué à titre posthume au titre de la Résistance Intérieure Française (après sa reconnaissance comme appartenant au Front National, 13 mai 1950).
Il est homologué comme « Déporté Résistant » le 16 juin 1954 après les démarches de son frère.
Il est titulaire de la Croix de guerre avec palme et de la Médaille militaire (citation « Magnifique patriote, membre de la Résistance française intérieure« , 16 juillet 1958).
- Note 1 : A partir de 1926, la ville de Boulogne, située dans l’ancien département de la Seine, porte le nom de Boulogne-Billancourt .
- Note 2 : Louis Dubeaux, né le 7 janvier 1920, est déporté le 24 janvier 1943 à Sachsenhausen, six mois après son frère Lucien, dans le second convoi de prisonniers politiques parti de Compiègne vers les camps de concentration nazis. Il est affecté au Kommando Heinkel jusqu’en mai
1945, date de sa libération.
Sources
- Documents communiqués par son frère, Louis, Gabriel Dubeaux en octobre et décembre 1989.
- Archives communales de Boulogne-Billancourt, recherches de Mme Edith Bauer, archiviste (juillet 1988) : Jugement déclaratif de décès, 10 juin 1954, Extrait de naissance).
- Témoignage de Robert Jarry, rescapé du convoi.
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- © Site InternetLégifrance.gouv.fr
- © Site Internet www. Mortsdanslescamps.com
- © Photo de la porte d’entrée du camp d’Auschwitz : Musée d’Auschwitz-Birkenau.
- Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
Notice biographique (complétée en 2016, 2019 et 2021), réalisée initialement pour l’exposition sur les «45000» de Gennevilliers 2005, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com