Jules D'Haese : né en 1899 à Lille (Nord) ; domicilié à Puteaux (Seine) ; taxi, chauffeur d’auto ; communiste ; arrêté le 3 août 1941 ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 21 septembre 1942.
Jules D’Haese est né le 11 septembre 1899 à Lille (Nord).
Il habite au 35, rue Voltaire à Puteaux (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Sophie Van Goethe, 40 ans, ménagère née à Saint-Nicolas (Belgique) et de Julien d’Haese, peintre en voitures, son époux, né à Gand (Belgique), domiciliés 13 rue Mérein, impasse Convan à Lille.
Jules D’Haese travaille comme chauffeur de taxi à la Compagnie générale des chauffeurs de place, 53, boulevard de Charonne à Paris 20è.
Puis il est magasinier et ouvrier sur machine.
En 1922, il habite au 35, rue Voltaire à Puteaux et s’y inscrit sur les listes électorales. Puis il déménage à Suresnes au 19, rue des Bas-Rogers.
En 1924, il est domicilié au 20, quai national à Puteaux. Ses parents sont décédés.
Le 27 décembre 1924, à 25 ans, il épouse à Puteaux Marie, Odile Duval, née le 17 mai 1897 à Argimont en Belgique. Elle a 27 ans, et travaille comme blanchisseuse.
Le 15 janvier 1936, il est embauché comme chauffeur d’automobile aux usines automobiles UNIC de Puteaux (1, rue Volta à Puteaux), qui depuis1930 se sont spécialisées dans la construction de véhicules industriels.
Membre du Parti Communiste selon les témoignages de rescapés, il participe à l’action clandestine dès l’interdiction du Parti communiste en 1939.
Le jeune Gabriel Ponty, qui sera déporté en même temps que lui à Auschwitz, est monteur dans la même usine, ainsi que Lanvert André, un des responsables de la cellule du Parti communiste.
A la déclaration de guerre, Jules D’Haese est mobilisé comme « affecté spécial » sur son poste de travail chez Unic.
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Jules D’Haese est arrêté le 3 août 1941, sur la place du marché de Puteaux, à la suite d’une altercation avec les agents qui molestaient une femme, d’après le témoignage de Madame Marie-Louise Pairiere (1). Toutefois, le rapport d’arrestation de Jules D’Haese et de trois autres personnes diffère des souvenirs de Marie Louise Pairière. En effet c’est le 3 août 1941, au Marché de Puteaux, qu’à la suite d’une prise de parole et de distribution de tracts à la volée qu’une dizaine de personnes empêchent la police municipale d’arrêter l’orateur, mais qui opère néanmoins trois arrestations.
Jules d’Haese a une altercation avec un policier en civil. Il est arrêté lui aussi et conduit au commissariat. Tous les quatre – dont Alexandre Dherbilly, un Rennais ancien secrétaire de la section communiste d’Aulnay, qui sera déporté « NN » à Sarrebruck, Mauthausen et Gusen en 1944 – sont déférés au Parquet sous l’inculpation d’infraction au décret du 26 septembre 1939.
Jules D’Haese est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé. Quoique le rôle de Jules d’Haese dans la manifestation du marché de Puteaux n’ait pu être établi lors du procès le 22 septembre 1941, et qu’un non lieu ait été prononcé en sa faveur, il n’est pas libéré.
Le Préfet de police de Paris, François Bard, ordonne son « internement administratif » au motif qu’il « a participé à l’action communiste clandestine en gênant l’action de la police chargée de réprimer cette action ».
Conduit au Dépôt de la Préfecture où il est écroué en attendant son transfert dans un camp. Jules D’Haese est transféré au camp de Rouillé (2) le 9 octobre 1941, au sein d’un groupe de soixante communistes de la région parisienne (40 détenus venant du dépôt de la Préfecture de Police de Paris et 20 venant de la caserne des Tourelles). Il est affecté à la baraque n°11.
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé
Le 12 mars 1942, après notamment une démarche du maire de Puteaux, le cabinet du Préfet de police sollicite l’avis de Lucien Rottée, directeur des Renseignements généraux, sur l’éventualité d’une libération : « La direction des établissements Unic, où D’Haese était employé – bien qu’elle ne consente pas à se porter garante de l’attitude
politique de ce détenu – a fourni néanmoins de bons renseignements sur lui et s’engage à le reprendre au cas où il serait libéré». Une note des RG du 20 mars indique que le directeur est favorable à une libération. Mais celle-ci n’aura finalement pas lieu.
Le 22 mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122).
Le nom de Jules D’Haese (n° 69 de la liste) y
figure, comme ceux de ses deux camarades clichois, Eugène Guillaume et René Petitjean.
C’est avec un groupe d’environ 160 internés (2) qu’il arrive à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz
dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Jules D’Haese est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45475 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Jules D’Haese meurt à Auschwitz le 21 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 420).
Le titre de « déporté politique » lui a été attribué et son nom figure sur le monument aux Martyrs de la Résistance (Puteaux,1970). Il est homologué (GR 16 P 183497) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
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Note 1 : Il s’agit très certainement de Marthe Jean, résistante de Clichy qui a raconté une histoire analogue à mon mari, Pierre Cardon dans les années 1980. Ce jour là de l’été 1941, elle et « un copain » de Puteaux faisaient le guet pendant que Roger Jean, son mari, distribuait des tracts sur le marché. Lorsque les agents sont arrivés, elle les a vivement interpellés pour permettre à Roger de s’enfuir. Elle-même a pu s’enfuir en tordant le doigt d’un des policiers et grâce à l’intervention de son autre camarade, qui lui, fut arrêté. Lire sa notice biographique rédigée par Pierre Cardon dans le Maitron : JEAN Marthe née GUÉRIN Marthe, Solange
- Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres internés venant de prisons diverses et du camp des Tourelles vont y être internés. Il a été fermé en juin 1944. In site de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 3 : Dix-neuf internés de cette liste de 187 noms ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps, ou sont hospitalisés. Trois se sont évadés. Cinq d’entre eux ont été fusillés.
Sources
- Plaquette mai 1981, « La Résistance à Puteaux, Juin 1940 à Août 1944 ».
- Témoignages vécus et recueillis par Jean Nennig, M. Philippe Buyle, historien (février 1991).
- Mlle Chabot, archiviste (juin 88 et février 1991).
- Témoignage de Mme Marie-Louise Pairiere, veuve de Lucien Pairiere, un des « 45000 » de Puteaux, juillet 72.
- Témoignage d’Emile Bouchacourt, « 45 000 » de Suresnes, rescapé.
- Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de Documentation Juive Contemporaine : Liste XLI 42.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national du Bureau des archives des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- © Archives en ligne de Lille.
- © Photo de la porte d’entrée du camp d’Auschwitz : Musée d’Auschwitz-Birkenau.
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique
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