Pierre Chauffard
A Auschwitz, le 8 juillet 1942

Matricule « 45359 » à Auschwitz

Pierre
Chauffard
est né le 22 juillet 1909 à Vitry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne),
où il habite chez sa mère, domiciliée au 7, rue Alfred de
Musset au moment de son arrestation. 

Il est le fils de Marie Laurent, née à Saint-Prix (Côte-d’Or) le 1er décembre 1876 (32 ans), ouvrière en limes, puis mécanicienne et d’Etienne Chauffard, né à Arnay-le-Duc le 5 novembre 1870 (38 ans), ouvrier en limes, métallurgiste. Il a 2 sœurs aînées (Jeanne, née en 1897, Marie, née en 1904) et  un frère aîné (Pierre-Henri, né en 1903) tous à Arnay-le-Duc où la famille habite au 7, rue des grenouilles. Leurs parents se sont mariés à Arnay-le-Duc, le 7 septembre 1895. Au moment de la naissance de Pierre Chauffard, la famille a déménagé en région parisienne et habite au 2, rue Pierre Curie à Vitry. Elle s’installe ensuite au 7, rue Alfred de Musset en 1912. Ses parents sont connus comme militants syndicaux à Vitry.

En 1921, ses parents sont tous deux métallurgistes : sa mère travaille chez A.M à Ivry et son père chez Lemoine. Jeanne est sténo-dactylo chez Lemoine, Marie est dactylo, mais au chômage et Pierre-Henri, son aîné, ajusteur chez A.M à Ivry. 

Pierre Chauffard à gauche. le 3ème à droite, 

habillé de façon identique

est  son frère Pierre-Henri

Pierre Chauffard est célibataire et
travaille comme menuisier (ébéniste) à Vitry. Souffrant d’une pathologie pulmonaire, il doit
bénéficier d’un pneumothorax thérapeutique en 1929. 

Lors du recensement de 1931, le registre indique qu’il vit seul avec sa mère et qu’il est ébéniste chez Castel à Alfortville.

Et par la suite il effectue
en 1936 un séjour au sanatorium de Champrosay-Mimoret (hameau de Champrosay à
Draveil). Il est passionné de photographie.

Lors du recensement de 1936, le registre indique qu’il  vit seul avec sa mère.

Membre du Parti communiste,
Pierre Chauffard est secrétaire ou membre du bureau – avec André Amarot – de la cellule du Parti communiste du Port à l’Anglais à  Vitry. 

Début 1940, il participe en même temps
aux activités de la cellule clandestineMaurice
Thorez
à l’usine de Roulements SKF d’Ivry, où sa tante travaillait. 

Le 14 juin 1940, l’armée
allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population.
La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du
commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur les
Champs-Élysées. Elles ont occupé une partie de la banlieue-est la veille,
puis la totalité les jours suivants. 

Pendant
l’Occupation, contacté par Paul Armangot(lire sa notice biographique dans le Maitron : https://maitron.fr/spip.php?article18629), il participe à l’organisation d’un
groupe qui, plus tard sera homologué sous le nom de 2èmegroupe FTP
de Vitry (sur le certificat d’appartenance àla Résistance IntérieureFrançaise de Pierre Chauffard on lit qu’ilfait des
actions contre l’ennemi
).

Le 26 juin 1941, il est arrêté
à 5 heures du matin à son domicile par la police française
.Cette arrestation a lieu dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici l’Hôtel Matignon), ils sont envoyés en vue de leur déportation comme otages, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122 administré par la Wehrmacht.

La liste des Renseignements
généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 26 juin
1941, mentionne pour Pierre Chauffard : « Meneur particulièrement actif ».

Extrait de la liste des RG du 26 juin 1941, montage à
partir du début de la liste

Marius Hoehn, militant chez Brié, Jacques Lambolez (déporté à Sachsenhausen dans le
convoi du 24 janvier 1943) et Léo Souque-Laforgue (déporté lui aussi à
Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942), sont arrêtés le même jour.

Plaque sur son domicile

Sa famille et ses amis ont
pensé qu’il avait été dénoncé par un policier qui habitait le même immeuble (en fait Marius C… né en 1907, n’était pas policier mais employé à la Préfecture de police) et sur une
plaque funéraire commémorative apposée à gauche de la porte d’entrée on peut lire : 

A la mémoire de Pierre Chauffard, sergent FTPF assassiné par les Nazis
au camp d’Auschwitz, août 1942, victime d’un policier français. Cher Pierrot,
nous ne t’oublierons jamais
. Ce que nous savons désormais grâce aux relevés
du Musée de la Résistance Nationale
de Champigny de l’utilisation par les autorités allemandes, via la préfecture
de police, d’informations consignées dans les fiches et registres des
commissariats de police d’Ivry et Vitry, nous amènent à penser qu’une
dénonciation n’était pas nécessaire pour expliquer son arrestation (bien que toujours possible). Les
responsables du Parti et des Jeunesses communistes étaient bien connus et
fichés ! Avec l’Occupation allemande, la police de Vichy surveille les anciens
élus et militants communistes et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend
ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour
faire cesser la propagande communiste clandestine.

Pour comprendre la politique
de l’Occupant qui mène à la déportation de 14 vitriots voir les deux articles
du blog : La
politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) 
et «une
déportation d’otages
».

Cf l’article du
blog : Les
wagons de la Déportation

Depuis le camp de Compiègne, Pierre Chauffard est déporté à Auschwitz dans
le convoi du 6 juillet 1942.
 Ce convoi est composé au départ de
Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes
communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste,
syndicalistes de la CGT et délégués du personnel
d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants –
de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits
communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées
à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables,
aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste
clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le blog le
récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz
: 6-8 juillet 1942
. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet
1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet
1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros
« 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des
45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce
matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute
demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans
le blog : Le
KL Aushwitz-Birkenau

Pierre Chauffard le 8 juillet 1942

Il est enregistré à son
arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45359» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par
les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation à
Auschwitz (1) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance
intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction,
ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz. 

Lire dans le blog le récit
de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée
au camp principal, 8 juillet 1942.
et 8
juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale »

Après l’enregistrement, il passe
la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux
pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau,
situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est
interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs
ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement
la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement
et à la construction des Blocks.

Pierre Chauffard meurt à
Auschwitz le 17 août 1942
d’après le
certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la
municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 165). Il convient de
souligner que vingt-six autres «45000»
ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz ce même jour (c’est le
début d’une grande épidémie de typhus au camp principal, qui entraîne la
désinfection des blocks, s’accompagnant d’importantes sélections et du transfert du camp des femmes). Lire 80 % des 45000 meurent dans les 6 premiers
mois
, pages 126 à 129 in
Triangles rouges à Auschwitz.

Il est homologué sergent  à titre
posthume, au titre de la
Résistance
intérieure Française. Une rue de Vitry porte son
nom, qui est également honoré sur la plaque située place des martyrs de la Déportation à Vitry, inaugurée
à l’occasion du 50ème anniversaire de la déportation : 6 juillet 1942, premier convoi de déportés
résistants pour Auschwitz – 1175 déportés dont 1000 otages communistes – Parmi
eux 14 Vitriots

Son nom et son portrait apparaissent
avec ceux de Daniel Germa dans le petit film tourné par des techniciens
communistes en 1947 intituléVitry, cité
Laborieuse
Ciné-Archives
– Ciné archives cinémathèque et fonds audiovisuel
. Sa sœur Jeanne, sera conseillère municipale communiste après la guerre.

  • Note 1 :522 photos d’immatriculation des
    « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvéesparmi celles que des
    membres dela Résistanceintérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction,
    ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. Ala
    Libération
    elles ont été conservées dans les archives du
    musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis àAndré
    Montagne
    , alors vice-président de l’Amicale
    d’Auschwitz, qui me les a confiés. 

Sources

  • Photographies confiés à José
    Martin, frère d’Angel Martin, par la tante de Pierre Chauffard, Mme Lasuie, en mars
    1973, et remis à Roger Arnould.
  • La
    Résistance à Vitry,
    brochure édité peu de temps après la
    Libération par la municipalité, sans date. 
  • Archives en ligne de Vitry, actes de naissance, recensements 1921, 1936.
  • Archives en ligne de Côte d’Or, état civil et recensement de 1906.
  • Death Books from Auschwitz,
    Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres
    (incomplets) des certificats de décès destinés à l’état civil de la ville
    d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943,
    le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau
    des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère dela Défense, Caen.
  • Liste (incomplète) par
    matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du
    Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des
    conflits contemporains (Ministère dela Défense, Caen) indiquant généralement la date de
    décès au camp.
  • © Site Internet
    «Mémorial-GenWeb».
  • © Photo
    d’identité et photo de la fiche de police du commissariat de Vitry (Musée de la Résistance Nationale à Champigny : mes remerciements à
    Céline Heyten.
  • Photo d’immatriculation
    à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / collection André Montagne.

Notice biographiqueinstallée en mars 2012 (rédigée en 2003), complétée en 2016 et 2020, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942», Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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