Matricule « 46 054 » à Auschwitz
René Richard : né en 1906 à Saint-Didier-d’Allier (Haute-Loire) ; domicilié à Gennevilliers (Seine) ; soudeur ; communiste ; arrêté le 13 novembre 1941 ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 6 août 1942.
René Joseph Richard est né le 24 juillet 1906 à Saint-Didier-d’Allier (Haute-Loire).
Il habite au 51, boulevard circulaire d’Epinay (aujourd’hui boulevard Camélinat) à Gennevilliers (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Léonie Coubladou, 37 ans, ménagère et de Joseph Richard, 35 an, cultivateur, son époux.
Il a une sœur et deux frères : Reine Richard qui est née à Saint-Didier d’Allier, René Joseph Richard né
en 1906 à Saint-Didier d’Allier et Théophile Richard né en 1911 à Saint-Georges d’Aurac.
Sa mère, veuve de Jean Loubat, avait eu 3 enfants avec celui-ci avant son remariage avec Joseph Richard. René Richard a donc 4 demi-frères, tous nés à Saint-Didier-d’Allier (Henri Jean Loubat né en 1894 décédé en 1894, Henri Jean Loubat né en 1895 décédé en 1895, Marie André Loubat né en 1898 décédé en 1975, Jean Gabriel Loubat né en 1900 décédé en 1984).
Conscrit de la classe 1926, René Richard effectue son service militaire à Alençon (Orne).
« Il travailla en qualité de soudeur à l’arc à la maison Vigor, rue Anatole-France, à Levallois-Perret (Seine / Hauts-de-Seine). En octobre 1938, il exerçait la même profession aux établissements Monthéry et Gaillardet au 16, rue des Petites-Murailles à Gennevilliers(…). Membre du Parti communiste, il fut trésorier de la cellule n° 720 dans la ville. Il demeurait alors chez son amie Germaine Bergerat, concierge au 47, rue d’Angoulême (actuellement rue Jean-Pierre-Timbaud) à Paris XIe arr » (in Le Maitron).
Le 10 septembre 1939, il est mobilisé au 271è Régiment d’infanterie stationné au Mans (Sarthe). Mais travaillant chez Monthéry et Gaillardet (anciennement Eugène Monceau et Frédéric Gaillardet), une entreprise de construction mécanique considérée par l’Armée comme relevant de la Défense nationale, il est classé « affecté spécial » le 17 novembre, au titre du tableau III, et il est mobilisé à l’usine, sur son poste de travail.
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. La nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et Colombes.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
« L’usine fut évacuée début juin 1940 en province, il fut réembauché le 3 septembre. La police judiciaire saisissait le 8 octobre 1940 chez son amie une valise contenant du matériel datant du temps où le Parti communiste n’était pas interdit : tracts, bulletins d’adhésion, le dossier de la cellule 720, des exemplaires de l’Humanité et de Regards, ainsi que deux matraques, un revolver à barillet et dix cartouches. Interpellé René Richard fut remis en liberté provisoire, l’arme était certainement hors d’usage ». Le Maitron.
« Le 12 octobre, il emménagea 61, Bd Circulaire d’Épinay à Gennevilliers, noté par la police « comme un militant communiste notoire qui se livrait à
une active propagande subversive parmi les jeunes ouvriers » son domicile fut perquisitionné sans succès par des soldats de l’armée allemande. Une lettre anonyme adressée au préfet de police, datée du 21 juillet 1941 à Paris, mais postée à Gennevilliers dénonçait René Richard et Émile Matioux comme « deux personnes qui sont communistes » (…) « Vous pouvez les faire suivre de près et vous serez convaincu ». Le Maitron.
Le 4 novembre 1941, la police perquisitionne à nouveau son domicile… En vain. Néanmoins, devant la recrudescence de la propagande communiste, René Richard est arrêté le 13 novembre 1941, retenu au dépôt de la préfecture de police à Paris. Un télégramme en provenance de l’Aigle (Orne) arriva à son domicile le 23 décembre : « Père gravement malade venir de suite », Richard.
Le 3 janvier 1942, René Richard fait partie d’un groupe de 50 internés administratifs (38 internés politiques (RG) et 12 indésirables (PJ) transférés du Dépôt vers le CSS de Rouillé.
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé
Un avis du 31 décembre 1941 stipule les conditions de son transfert au camp de Rouillé avec 50 détenus : « Cinquante internés administratifs actuellement écroués au Dépôt seront transférés samedi 3 janvier 1942 au Centre de séjour surveillé de Rouillé (Vienne). Les internés se répartissent comme suit : 38 internés politiques (RG) et 12 « indésirables » (PJ). Ils quitteront Paris par la Gare d’Austerlitz à 7h 55 (train 3). Le chef du convoi disposera d’une voiture directe avec 10 compartiments. En accord avec M. Le chef de la Gare d’Austerlitz les autocars arriveront par la rue Sauvage et pourront pénétrer jusqu’à la voie où sera placé le wagon (voie 23). Le départ est fixé à 7h 55, l’arrivée à Rouillé à 18h51. Départ à Poitiers à 18 h 10, arrivée à Rouillé à 18 h 51″ (il existe aux archives de la Préfecture de Police un deuxième avis, libellé différemment, mais avec les mêmes chiffres et les mêmes horaires).
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé (1) une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne en vue de leur déportation comme otages.
Le nom de René Richard (n°157 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à
Compiègne (le Frontstalag 122) le 22 mai 1942.
La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, René Richard est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46054 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (2) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces).
Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
René Richard meurt à Auschwitz le 6 août 1942, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 3, page 1005).
Traduction du registre ci-contre.
« Richard René, né le 24.07.1906 à Saint-Didier-d’Allier, France, de nationalité française, de religion catholique, noms des parents : Joseph et Léonie, née Coubladou, profession : soudeur, dernier lieu de résidence : Gennevilliers (Seine), Boulevard d’Epinay 6, a été incarcéré le 6 juillet 1942 de Compiègne au camp de concentration d’Auschwitz, numéro de détenu 46 054 ; y est décédé le 6 août 1942, cause du décès : « broncho-pneumonie ».
Ce certificat du Dr Meyer porte comme cause du décès «Bronchopneumonie». Compte tenu des témoignages des rescapés du convoi, il s’agit vraisemblablement d’un des nombreux certificats fictifs.
L’historienne polonaise Héléna Kubica a révélé comment les médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz». D’après le témoignage de médecins déportés, comme le docteur Mark Klein, les « sélections » des inaptes au travail, sont opérées dans les blocks d’infirmerie et font peser sur les malades un risque mortel « parfois
après présentation du patient à un médecin SS, mais le plus souvent le tri était pratiqué par des sous-officiers SS qui faisaient leur choix au hasard ». <<<<<
Lire dans le site : Des causes de décès fictives.
- Note 1 : «Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. Il a été fermé en juin 1944 ». In site de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains, Caen (DAVCC).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Sources généalogiques de la famille Loubat. Remerciement à T. Loubat-Suzeau et B. Bambust.
- On peut lire la notice biographique dans Le Maitron, dictionnaire du Mouvement ouvrier, version électronique, désormais en accès libre, maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/.
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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