Thomas Sanchez : né en 1921 à La Plaine-Saint-Denis (Seine / Seine St Denis) ; domicilié à Morsang-sur-Orge (Seine-et-Oise / Essonne) ; ouvrier margarinier ; interné à La ferme Saint-Benoît et au Fort Barrau (Isère) en janvier 1940 ; arrêté le 8 février 1941 ; condamné à 6 mois de prison (Santé, camp de Gaillon et de Clairvaux) ; interné aux camps de Voves et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 21 septembre 1942.
Thomas Sanchez est né le 7 mars 1921 à La Plaine-Saint-Denis (Seine / Seine St Denis).
Il habite au 93, avenue des Erables à Morsang-sur-Orge (Seine-et-Oise / Essonne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Célédona Ramos et de Marcelino Sanchez, 36 ans, né le 16 juin 1884 à Casas-de-Belvis (Espagne), manœuvre, son époux. Il a deux frères aînés et une sœur (Claude, Paulette, Florencio) nés en Espagne et un jeune frère Antoine né en 1927 à Saint-Denis.
En 1935, ses parents habitent Morsang-sur-Orge.
Il est encore mineur lorsque son père est naturalisé le 28 févier 1935. Il devient alors Français par « effet collectif », ainsi que Florencio (né le 11 mai 1917 à Sancedilla – Espagne) et Antoine, né le 12 juin 1927 à Saint-Denis.
Avant Morsang il a habité à Paris 19è et à Pantin.
Il est pour les renseignements généraux un « communiste convaincu » et serait secrétaire adjoint de la cellule du Centre de Morsang, considéré comme « dangereux pour l’ordre public ». Ce que contestera Thomas Sanchez lors des interrogatoires de police, déclarant n’avoir appartenu qu’à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC).
Il travaille à la société Auguste Pellerin (qui produit la margarine le « TIP » depuis 1930) au 110, avenue Jean-Jaurès, à Pantin. Il habite au 15, rue Magenta à Pantin.
En janvier 1940, Thomas Sanchez est envoyé au Dépôt 213 (1ère Compagnie spéciale) à la « ferme Saint-Benoît ». Il s’agit du centre de formation des « compagnies spéciales de travailleurs indésirables ». Ils sont habillés d’une tenue bleue-horizon, comme les soldats de 1914-18. « A la ferme Saint-Benoit, l’encadrement est strict, ils n’ont pas le droit de sortir du camp qui est entouré de fils de fer barbelés. Les journées sont rythmées par les corvées de cuisine, d’entretien et d’exercices militaires comme les marches forcées ». Puis il est interné au Centre de Fort Barraux (Isère), sur ordre de l’autorité militaire, « en raison de son activité politique ».
Le 15 juin la gare de Juvisy est bombardée par la Luftwaffe. Le département de la Seine-et-Oise (une partie constituera l’Essonne le 1er janvier 1968) est occupé malgré la résistance acharnée du 19ème régiment de tirailleurs algériens sous les ordres du colonel Chartier, qui ne capitulera – faute de munitions – que le 16 juin. Le 14 juin, l’armée allemande est entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Ancien membre du Parti communiste et connu des services de police, Thomas Sanchez est arrêté à son travail le 19 août 1940.
Sa fiche au DAVCC mentionne simplement Paris en face de cette date.
Alors qu’il est emprisonné à la prison de la Santé, Thomas Sanchez épouse Rose, Marthe Maillot le 27 décembre 1940 à la mairie de Pantin. Elle a accouché de leur fils Claude le 24 octobre 1940. Rose Sanchez sera hébergée par ses beaux-parents, à Morsang-sur-Orge.
Thomas Sanchez est jugé et condamné le 8 février 1941 à six mois de prison pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (décret-loi Daladier prononçant la dissolution du Parti communiste). Le 10 février 1941 Thomas Sanchez est à nouveau incarcéré à la prison de la Santé.
Il est ensuite interné à la Maison centrale de Clairvaux puis après un retour à la Santé le 31 mars 1941 il est placé au camp de séjour surveillé de Gaillon. Lire dans ce site : La Maison centrale de Clairvaux et la-Maison-centrale-de-Gaillon
Le 11 avril 1941 les Renseignements généraux, adressent pour information aux services du nouveau Préfet de police de Paris – Camille Marchand – entré en fonction le 19 février 1941, une liste de 58 « individus » internés administrativement pour propagande communiste par arrêtés du Préfet de Police Roger Langeron, qui a cessé ses fonctions le 24 janvier 1941. 38 d’entre eux ont été condamnés pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (reconstitution de ligue dissoute / dissolution du Parti communiste). Les RG mentionnent pour Tomas Sanchez, outre ses dates et lieu de naissance : « Arrêté le 19 août 1940 pour distribution de tracts et condamné le 8 février 1941 par la 15ème chambre, à 6 mois de prison ».
Lire dans le site : le rôle de La Brigade Spéciale des Renseignements généraux dans la répression des activités communistes clandestines.
Le 4 mai 1942 Thomas Sanchez est transféré de Gaillon au camp de séjour surveillé de Voves avec 58 autres internés.
Lire dans ce site : Le camp de Voves
Le 20 mai 1942, avec 28 autres internés (dont 19 seront déportés avec lui à Auschwitz), il est remis aux autorités allemandes à leur demande : celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Thomas Sanchez est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942.
Le numéro «46095 ?» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Thomas Sanchez meurt à Auschwitz le 21 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 3 page 1064). Un arrêté ministériel du 24 février 1998 a porté apposition de la mention «Mort en déportation» sur son acte de décès (Journal Officiel du 19 mai 1998), lequel daté du 24 décembre 1946, reprend l’heure fictive portée par les SS («mort à l’infirmerie d’Auschwitz le 21 septembre 1942, à 7h 5 minutes»).
Thomas Sanchez a été reconnu «Mort pour la France» le 31 décembre 1946, et homologué «Déporté politique».
Son nom figure sur le monument aux Morts de Morsang-sur-Orge, situé rue de Montlhéry.
Sources
- Etat civil de Morsang : acte de décès (24 juillet 1992).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juin et juillet 1992.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Liste V et liste S, n° 312.
- Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Sitewww.mortsdanslescamps.com
- Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements généraux. 11 avril 1941, liste de « 58 individus internés pour propagande
communiste clandestine ».
Notice biographique rédigée en août 2011, complétée en 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) . Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com