Matricule « 45 586 » à Auschwitz
Joseph Géniès : né en 1899 à Figeac (Lot) ; domicilié à Choisy-le-Roy (Seine / Val-de-Marne) ; sculpteur sur pierre, peintre en bâtiment, enduiseur ; arrêté comme communiste le 26 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt 21 décembre 1942.
Joseph Géniès est né le 24 mars 1899 à Figeac (Lot), place du Consulat. Il habite au 12, place Carnot à Choisy le Roi (Seine / aujourd’hui Val de Marne) au moment de son arrestation. Il est le fils de Louise, Jeanne Verdié, 21 ans, robeuse et de Pierre Henri Géniès, 20 ans, manœuvre carrier, son époux.
Il a un frère jumeau, Pierre, né le 25 mars (les deux frères ne sont pas recensés dans le Lot pour le recrutement militaire, mais dans le département de la Seine, matricules 1333 et 1334, ce qui signifie qu’ils sont domiciliés dans ce département au moment du Conseil de révision).
Son registre militaire nous apprend qu’il mesure 1m 66, a les cheveux châtains clairs, les yeux gris bleus, le front moyen, le nez rectiligne et le visage ovale.
Au moment du conseil de révision, il habite chez ses parents au 31, avenue Parmentier à Paris 19è.
Il exercera plusieurs métiers : sculpteur sur pierre, peintre, enduiseur.
Conscrit de la classe 1919, il est recensé dans le département de la Seine (matricule 1333). Il est mobilisé par anticipation (en vertu du décret de mobilisation générale) au début de 1918, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Il est affecté le 19 avril 1918 au 26è Régiment d’artillerie. Après l’instruction militaire, le 21 juillet 1918, il est affecté au 22è Régiment d’artillerie qui combat dans le secteur de l’Aisne en direction du camp de Sissonne. Après l’armistice, il passe au 85è Régiment d’artillerie lourde le 8 janvier 1919, puis au 32è RAC en novembre 1919. Il est démobilisé le 23 mars 1921.
Mais il est rappelé à l’activité » au 129è RAL le 3 mai 1921 (article 33 de la Loi du 21 mars 1905) en raison de l’occupation de la Ruhr (en mai 1921, pour hâter l’application du traité de Versailles – versement des dommages de guerre, en particulier le charbon -, le gouvernement français ordonne la première occupation militaire de la Ruhr par l’armée française. Les effectifs de l’armée du Rhin d’occupation passent alors de 100 000 à 210 000 hommes : le gouvernement rappelle les réservistes comme Joseph Geniès ou maintient les hommes libérables).
Joseph Géniès est libéré de ses obligations militaires le 30 juin 1921.
Joseph Géniès se marie le 14 janvier 1922 à Paris 11è avec Marcelle Georgette Simonnot, née à Paris 3è le 22 avril 1899. Elle est sténo-dactylo, domiciliée au 9, rue Saint Anastase chez ses parents. La mention marginale de l’acte de naissance de Joseph Géniès portant mention de son mariage pouvait laisser deux interprétations concernant la première lettre du nom de jeune fille de son épouse. Une recherche portant sur l’acte de naissance de celle-ci donne très clairement le nom de Simonnot.
Le couple a quatre enfants (dont Pierre et Raymond, jumeaux nés en 1923, Colette, née en 1924).
Joseph Géniès est peintre en bâtiment.
En 1923, la famille habite au 291, rue de Paris à Montreuil (Seine / Seine-Saint-Denis). Le 3 septembre 1939, au moment de la déclaration de guerre, la famille habite au 138, avenue de Versailles à Thiais (Seine / Val de Marne).
Le registre matricule militaire de Joseph Géniès porte mention d’une affectation au 5è Dépôt du train, mais elle est rayée (étant père de quatre enfants vivants, il a été ramené à la classe 1911). Son jumeau est lui, est mobilisé au 212è RIR le 30 août 1939. Joseph Géniès déménage ensuite en novembre 1939 au 12, boulevard Carnot à Thiais.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Joseph Géniès est arrêté comme communiste le 26 juin 1941 à Choisy-le-Roi à son domicile par la police française (pour distribution de tracts, collage d’affichettes patriotiques).
Mais cette arrestation s’inscrit dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française.
D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Joseph Géniès est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45586 ».
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Joseph Géniès est mort le 21 décembre 1942 à Auschwitz selon la liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Elle indique son matricule et sa date de décès au camp. L’arrêté du 16 décembre 1992 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes de décès, paru au JO du 29 janvier 1993 mentionne un jour de naissance erroné (le 25) et la date décès officielle, mais inexacte «décédé le 16 décembre 1942 à Auschwitz (Pologne) .
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Joseph Géniès est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 250461».
Son nom est mentionné dans un article du bulletin municipal « Choisy Info » n°143 (avril 2011), consacré aux déportés de Choisy du convoi du 6 juillet 1942, avec une interview de Fernand Devaux .
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté à ma demande en mars 2011 par M. Arnaud Bouligny).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Son nom ne figure pas dans les Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 mais sur le site Internet du Musée.
- Archives en ligne du Lot.
- Registres matricules militaires de la Seine.
Notice biographique mise à jour en 2010, 2012, 2015, 2019, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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