Léon Leriche : né en 1896 à Husson (Manche) ; domicilié à Tinchebray (Orne) ; plombier-gazier ; arrêté en mai 1941, condamné à 1 mois de prison ; arrêté le 18 octobre 1941 ; interné à Compiègne , jugé à Caen en appel et acquitté ; interné à Compiègne en février 1942 ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942
Léon Leriche est né le 14 février 1896 à Husson (Manche). Il habite à Tinchebray (Orne) au moment de son arrestation. Il est le fils de Julie, Aline, Marie Férouelles et de Denis, Marie, Auguste Leriche son époux.
Selon sa fiche matricule militaire, Léon Leriche mesure 1m 67, a les cheveux châtain clair et les yeux roux, le front verticale, le nez rectiligne. Il a le visage rond. Il a une cicatrice de coupure de 4 cm au poignet droit. Au moment du conseil de révision, il travaille comme couvreur, puis plombier-zingueur à Saint-Patrice du Désert (canton de Carouges dans l’Orne) où habitent ses parents. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire et écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1916, Léon Leriche, est mobilisé par anticipation en avril 1915, comme tous les jeunes hommes de sa classe
après la déclaration de guerre. Il est affecté au 26èmeBataillon de Chasseurs à pieds le 8 avril, caserné à Pont-à-Mousson où il arrive le dit jour. Le 22 mars 1916, il est envoyé « aux armées » avec la 25èmecompagnie. Il est « évacué malade » le 20 septembre 1916 et hospitalisé à l’hôpital n° 3 bis de Barentin le 23. Un mois après, il rejoint le dépôt divisionnaire et repart « aux armées ». Il «passe» à la 1èrecompagnie le 15 novembre 1916. Le registre note une « interruption de service du 13 juin 1917 au 17 décembre 1918 ».
Le 15 avril 1919 Léon Leriche « passe » au 19èmebataillon de chasseurs. Il est placé en « congé illimité de démobilisation par le 103èmeRI, le septembre 1919 « certificat de bonne conduite refusé » et « se retire » à Saint-Patrice du Désert.
Fin mars 1921, il est domicilié au 265, rue Quinconce à Péronne (Somme). En mai 1921, il a déménagé à Golancourt-en-Bonneuil (Oise). En octobre 1922, il habite rue de l’Abbaye à Monbrehain (Aisne). En novembre 1924, il a déménagé à Lille (Pas-de-Calais), au 111, rue du Long Pot.
Léon Leriche épouse le 23 avril 1921 Madeline née Morand à Péronne (Somme). Le couple a deux enfants : Clément né en 1925 et Bernard en 1927.
En août 1925, il est revenu habiter en Normandie et est domicilié à La Ferté-Macé (Orne) au 34, rue de la Teinture.
Il travaille à la Société de distribution électrique de l’Ouest en qualité de plombier chef gazier à Couterne (Orne). C’est une centrale thermique de 1200 Kw qui fournit de l’électricité à tout le bassin d’Alençon. Pour l’armée cet emploi le fait alors passer en juillet 1931 «affecté spécial tableau III, catégorie C» en tant que réserviste de l’armée active : c’est-à-dire qu’il serait mobilisé à son poste de travail en cas de conflit.
En juillet 1926, il habite rue Neuve de Vire à Tinchebray (Orne).
Comme Léon Leriche a changé d’entreprise, il est rayé de cette « affectation spéciale » à la « Société de distribution électrique de l’Ouest » le 7 décembre 1936 (décision du général commandant la 4ème région), mais aussitôt reclassé « affecté spécial » au titre de « l’Usine à gaz de Tinchebray », comme plombier chef gazier (1937).
Il est vraisemblablement membre du Parti communiste (c’et ce qui nous semble ressortir de la citation de l’ouvrage La résistance communiste à Tinchebray, par Stéphane Robine). Léon Leriche participe activement à l’aide aux réfugiés espagnols. Il est membre de la ligue des Droits de l’homme. Son nouveau classement dans « l’affectation spéciale » est ramené par les autorités militaires à 3 mois, le 7 juin 1939.
Son registre matricule militaire ne spécifie pas s’il est maintenu « A.S. » en septembre, ou si, militant communiste ou syndicaliste connu, il est rayé de « l’affectation spéciale », comme la plupart des syndicalistes et / ou présumés communistes. Ils redeviennent alors mobilisables, «inscrits en domicile».
Du 7 au 19 juin 1940 la Normandie est envahie par les chars de Rommel. Le 14 juin 1940, Alençon est ciblée par la Lufwaffe. Le 16 juin la 7èmePanzerdivision ravitaille à Flers, et traverse l’Orne à Alençon le 17. Flers, Vire et Coutances sont prises sans résistance. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…)
Après l’armistice et dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les syndicalistes, anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires » et procédé à des perquisitions et des arrestations.
Léon Leriche est arrêté dans les derniers jours de mai 1941 : « A partir d’août-septembre 1940, à Tinchebray, des membres de l’ex-Parti communiste et des militants syndicalistes parviennent à se « retrouver », sous l’impulsion de Faustin Merle. Courant février 1941, les premières réunions clandestines ont lieu le soir chez Faustin Merle, et des exemplaires de L’Avant-Garde sont distribués à Tinchebray. Les 27, 28 et 29 mai, une opération de police est lancée à Flers et Tinchebray dans les milieux communistes afin de découvrir les ramifications du parti dans la région. A la suite des perquisitions opérées à leur domicile, Alphonse Leguidecoq et Léon Leriche sont maintenus en détention avant d’être relâchés. Faustin Merle a, quant à lui, pris la fuite. » (1).
En fait, incarcéré à la Maison d’arrêt de Caen, Léon Leriche est jugé par la Cour spéciale et défendu par maître Guibet. Il est condamné avec Louis Fernex, à un mois de prison qu’il purge à Domfront. Il est libéré à la suite de l’intervention de ses employeurs qui le considèrent comme un « bon travailleur ».
Il reprend son travail à l’usine à gaz de Tinchebray, mais est arrêté à nouveau le 18 octobre 1941 par des Felgdgendarmen accompagnés d’un gendarme de Tinchebray.
Cette arrestation a lieu le même jour que celles de Lucien Blin, Justin Daguts, Maurice Denis, Louis Fernex, Eugène Garnier, et Christ Vannier syndicalistes ou militants communistes de l’Orne qui seront comme lui déportés à Auschwitz (Louis Fernex s’évade mais sera repris).
« Le danger imminent de voir se développer des attentats et de nouvelles distributions massives de tracts, notamment dans la région flérienne où elles ont été très nombreuses durant les mois précédents, pousse les autorités locales à lancer une grande opération de ratissage sur tout le département. Au total, dix-neuf personnes sont arrêtées dans la journée.» (2).
Eugène Garnier, rescapé du convoi du 6 juillet 1942 arrêté lui aussi ce 18 octobre 1941, a écrit à propos de cette rafle : « Des arrestations et perquisitions de la Gestapo le jour même, ont lieu à la suite de la distribution massive d’un tract (rédigé et imprimé par imprimerie clandestine). Cette diffusion est à la base de l’arrestation de 3 camarades traduits en cour martiale, dont l’un deux, Henri Veniard fut fusillé à Caen le 12 novembre 1941. Les tracts appelaient au sabotage des installations de l’Occupant et des entreprises sous leur contrôle, également au renforcement de la Résistance et à la création de comités populaires, qui par la suite donnèrent naissance au Front national et aux premiers groupes FTPF».
Transférés à Alençon le jour même, Léon Leriche et ses camarades sont internés le 19 octobre à la demande des autorités allemandes, comme otage au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), où il reçoit le matricule n°1682.
Il est extrait de Compiègne et renvoyé à Caen pour y être jugé en appel devant la Cour spéciale à la mi-janvier 1942. Malgré l’acquittement prononcé après la plaidoirie de maitre Guibert, il est interné de nouveau à Compiègne en février 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Léon Leriche est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45784 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Léon Leriche meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942 (date inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 711). Cette journée correspond à une importante «sélection» des «inaptes au travail» destinés à être éliminés dans les chambres à gaz de Birkenau, « sélection » au cours de laquelle près de 150 « 45000 » ont été assassinés. Cette date a été reprise par l’arrêté du 9 août 1994 portant apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes de décès.
Léon Leriche a été déclaré « Mort pour la France« . Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Tinchebray, devant la Mairie. Léon Leriche est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 365146.
Depuis le 8 novembre 1976, une rue de Tinchebray (lotissement), donnant dans la rue des Forges porte son nom.
- Note 1 : Centre de Recherche d’Histoire Quantitative (CRHQ). La résistance communiste à Tinchebray, par Stéphane Robine.
- Note 2 : Centre de Recherche d’Histoire Quantitative (CRHQ). Biographies de résistants de l’Orne, par Thomas Pouty et Stéphane Robine.
Sources
- Mairie de Tinchebray (décembre 1988).
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz/ Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts)
: Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les
registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré,
entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus
immatriculés). - « Livre des déportés ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, kommando d’Auschwitz » (n° d’ordre, date, matricule, chambre, nom, nature du médicament) du 1.11.1942 au 150.7.1943.
- © Site Internet Mémorial-GenWeb.
- Blog « L’histoire de Lucien » pour la photo de l’usine de Couterne.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Registres matricules militaires.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2007, complétée en 2010, 2015, 2018 et 2021 ; Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com