Matricule « 45 954 » à Auschwitz

Clotaire © Thérèse Paumier
Clotaire Paumier : né en 1924 à Chémery (Loir-et-Cher), où il habite ; ouvrier agricole ; jeune communiste ; arrêté le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 29 novembre 1943.
Vendanges, Clotaire au centre

Clotaire, Marcel Paumier est né le 31 janvier 1924 à Chémery (Loir-et-Cher), où il habite au moment de son arrestation.
Il est le fils de Stéphanie, Julie Denis, 33 ans et de Denis, Albert Paumier, 42 ans son époux, vignerons installés à Champcol près de Selles-sur-Cher, puis à Chémery.
Il habite à Chémery au moment de son arrestation.
Clotaire Paumier est célibataire.
Il est ouvrier agricole, comme ses deux frères aînés, Bernard, né en 1909 et Robert né en 1913 (cf notes 1, 2 et 3).

Sa licence de 1940-1941

Clotaire Paumier est sportif (footballeur), il est licencié à la FFFA (Fédération Française de Football Association, créée en 1919) à l’Union Sportive Chémery. Ci contre, sa licence pour l’année 1940-1941. On sait que dans de nombreux cas les jeunes communistes ont utilisé ces moments de rencontres sportives avec d’autres jeunes pour se réunir, voire recruter.

Il vit au sein d’une famille de militants communistes : ses deux frères aînés (frère aîné, Bernard (1), et Robert (2) sont des militants communistes actifs, connus des Renseignements généraux et leur oncle, Paul Paumier, aidera au passage de la ligne de démarcation.

L’équipe de foot de l’US Chémery

Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. Les 15 et 16 juin 1940, bombardements allemands sur Montrichard, Blois et Vendôme. Le 22 juin, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy.
Le 1er juillet, elle passe par le département du Loir-et-Cher en suivant le cours du Cher, de Châtres jusqu’à Chissay (à l’exception de Selles-sur-Cher qui demeure en zone occupée).
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

La famille pendant les vendanges. Clotaire est à droite

En août 1940, Clotaire Paumier participe une réunion clandestine d’anciens adhérents de la Jeunesse communiste du Loir-et-Cher, organisée par Marcel Marteau (voir la notice du Maitron et in Tharva : Marcel Marteau : Dirigeant de la Jeunesse Communiste …) et son frère Bernard Paumier. Dans la forêt de Saint-Aignan entre Mehers et Noyers se retrouvent à cette occasion Bernard Étienne, Marc Augé, Pierre Mandard, Jean Couette et Robert Portrets (3).

Le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, dans une énorme rafle connue sous le nom « d’Aktion Theodorich », les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française.

Le 22 juin 1941, les gendarmes allemands sont venus arrêter son frère, Bernard Paumier à Chémery (il avait déjà été arrêté en décembre 1939 pour «activités communistes»).
Ils ne le trouvent pas « et arrêtent à sa place son jeune frère Clotaire » (Le Maitron et sur le site de l’Assemblée nationale).
Clotaire Paumier est arrêté à son domicile

carte-Lettre de l’administration du camp de Compiègne postée le 15 juillet 1942 : « Par décision de nos services, le détenu susnommé a été transféré dans un camp pour y travailler. Sa destination étant inconnue, il vous faudra attendre pour avoir de ses nouvelles ».

La fiche individuelle au DAVCC (Service historique de la défense à Caen) mentionne « soupçonné d’activités communistes ». D’abord placé avec ses camarades du département dans un lieu d’incarcération contrôlé par le régime de Vichy, il est envoyé, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht, qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”, le « Frontstalag 122 ».
A Compiègne, Clotaire Paumier reçoit le matricule n° 1003 (bâtiment A5).
Il écrit à ses parents depuis Compiègne le 13 avril 1942 : « ne vous occupez pas comment cette lettre est parvenue… Tout à l’heure quelques libérations, le fils Gauthier, Lacarde de Chailles ».
Francis Gauthier a effectivement été libéré en avril. Son père a été fusillé le 15 avril. Mais il sera arrêté de nouveau le 1er mai, et déporté lui aussi.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Clotaire Paumier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Clotaire Paumier est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 954 ». Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a été pas retrouvée parmi les 522 photos que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi.
Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. Ce qui compte tenu de son métier est vraisemblablement le cas pour lui.

En application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus des KL en provenance d’Europe occidentale la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, Clotaire Paumier, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz (140 « 45 000 » environ), reçoit en juillet 1943 l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments. Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants.
Lire l ‘article du site « les 45 000 au block 11« .

Lettre d’Auschwitz de Clotaire Paumier, 21 novembre 1943

Les lettres conservées par ses parents permettent de reconstituer les derniers mois du jeune homme. Le 17 octobre 1943, il leur écrit du block 11 : Je suis heureux de vous faire savoir que je suis toujours en bonne santé et j’espère qu’il en est de même pour vous. J’ai reçu tous vos paquets. Ne m’envoyez pas tant de pain et de biscottes. Du pain, j’en ai suffisamment ici maintenant. Mais si vous pouviez envoyer du fromage, des conserves, du sucre, de l’ail et un peu de lard salé. Vous pouvez mettre aussi, dans les colis, de la confiture. Cela me ferait bien plaisir.(…) J’espère que les vendanges se sont bien passées et que le vin est de bonne qualité.(…).

Mais sa lettre du 21 novembre est rédigée depuis le Block 20 (l’hôpital). Ne pouvant leur dire qu’il est à présent hospitalisé, il se contente de donner à sa famille de nouvelles recommandations pour ses colis. Il lui apprend qu’on peut lui en faire parvenir par l’intermédiaire de la Croix-Rouge.
Dès l’information connue, Madame Paumier fait les démarches nécessaires auprès de l’antenne de Blois, le 9 décembre 1943.
Puis, le 15 décembre 1943, elle s’adresse à la direction du service des Internés civils. Les colis sont expédiés. 

Block 20 : « L’Hôpital »

Mais elle reste sans nouvelle de son fils pendant plus de quatre mois, jusqu’à ce qu’elle reçoive, le 2 mai 1944, une carte de la Croix-Rouge lui annonçant que le colis expédié à sa demande, le 16 décembre 1943, est revenu avec la mention ne pouvant être remis.
Clotaire Paumier était mort depuis le 29 novembre 1943. Ses parents ne l’apprendront qu’en mai 1945 de la bouche d’un rescapé.
Selon le témoignage de celui-ci, Giobbé Pasini (rescapé de Meurthe-et-Moselle), il meurt de tuberculose, hospitalisé au block 20 pendant la quarantaine au Block 11, le 29 novembre 1943.

Clotaire Paumier meurt à Auschwitz le 29 novembre 1943
(date inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 3, page 910).
Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération porte la mention porte la mention « Décédé le 15 octobre 1943 à Auschwitz (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 28 février 1996), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Clotaire Paumier a été déclaré « Mort pour la France » (12 juin 1947).
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué.
Le nom de Clotaire Paumier est inscrit sur le monument aux morts de Chémery.
La rue de Chémery qui mène au stade de football porte son nom. 

  • Note 1 : Bernard Paumier né en 1909, est candidat du Parti communiste en 1936 aux élections législatives dans deuxième circonscription de Blois. Il sera un des organisateurs de la résistance communiste dans le Loir-et-Cher. « En août 1940, Marcel Marteau et Bernard Paumier organisent une réunion clandestine d’anciens de la jeunesse communiste dans la forêt de Saint-Aignan entre Mehers et Noyers : y assistent Marc Augé et Pierre Mandard de Saint-Romain fu
Bernard Paumier

« En août 1940, Marcel Marteau et Bernard Paumier organisent une réunion clandestine d’anciens de la jeunesse communiste dans la forêt de Saint-Aignan entre Mehers et Noyers : y assistent Marc Augé et Pierre Mandard de Saint-Romain fusillés le 5 mai 1942, Jean Couette, Robert Portrets et Clotaire Paumier, morts en déportation et Bernard Étienne » (Le Maitron notice Daniel Grason).

Candidat du PCF aux législatives en 1936
Réunion de soutien au soldat Robert Paumier

Permanent communiste, suppléant du Comité central, il sera député du Loir et Cher en 1945 et 1946, non réélu en 1951 du fait des apparentements. Secrétaire fédéral du PCF 41, il fut maire de Chémery (1965, 1977). Puis il travailla au journal La Terre, et fut directeur d’un aérium de l’Union des syndicats de la Seine (in Le Maitron).
Note 2 : Robert Paumier né en 1913. Jeune vigneron de 19 ans en 1932. En 1934, la police le suit au cours d’une « tournée de conférences prononcées à son retour d’URSS, au cours desquelles, assisté de Fernand Grenier puis de Jean Lurçat, il fait l’éloge de la nouvelle agriculture soviétique et de l’Armée rouge. Il écopera aussi de 30 jours de prison militaire, au prétexte d’une participation à une réunion communiste au cours d’une permission ! » S’ensuit alors une classique campagne : réunions publiques, affiches, visites de députés communistes.

  • « L’opération provoque même la réaction – sous le sceau du secret, il est vrai – d’un militaire de haut rang, outré qu’une réunion de soutien ait pu se tenir dans une salle municipale de Blois. Ce haut gradé mécontent fera aussi parler de lui : il s’agit du Maréchal Pétain… » (in © blog histoire-41.fr). Prisonnier de guerre évadé, résistant, commandant FFI à Paris, il sera après guerre secrétaire général adjoint de la Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre. Permanent à l’Humanité et à Ce soir (in © Le Maitron).
  • Note 3 :  Marc Augé et Pierre Mandard seront fusillés le 5 mai 1942, Jean Couette et Robert Portrets seront déportés en janvier 1944 au camp de Gusen où ils meurent en février et janvier 1945.

Sources

  • Duplicata de photos de famille confiées à la FNDIRP, et restituées par Roger Arnould à Thérèse Paumier, belle sœur de Clotaire.
  • Photocopies de lettres de Clotaire Paumier à Auschwitz.
  • Clotaire Paumier au Block 11. Extrait de « Mille otages pour Auschwitz ». p. 369-370.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en octobre 1993).
  • Biographies de Robert et Bernard Paumier in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Site Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © Sitewww.mortsdanslescamps.com

Notice biographique rédigée en février 2011, complétée en 2015, 2017, 2021 et 2024, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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