Matricule « 45 474 » à Auschwitz
Roger Déjameau : né en 1907 à Niort (Deux-Sèvres), où il est domicilié ; communiste ; arrêté le 27 juillet 1941 ; condamné à 6 mois de prison ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 26 février 1943.
Roger, Charles Déjameau est né le 20 août 1907 à Niort (Deux-Sèvres), où il habite au moment de son arrestation.
Il est le fils de Mathilde, Hortense, Léau, 26 ans, sans profession et de Gustave, Amédée Déjameau, 27 ans, foulonnier, son époux.
Ses parents habitent au 5, rue du fort Foucault à Niort. Il a une sœur aînée, Georgette, née en 1903.
Roger Déjameau épouse Renée, Alice, Alexandrine Geneau le 5 octobre 1929 à Niort. : «mon mari avait un caractère gai, enjoué, avenant, il était calme, aimait la pêche, le sport en général et pratiquait le jeu de boule» écrit son épouse à Roger Arnould en 1973.
Roger Déjameau a dû quitter l’école très tôt pour se mettre au travail. Il est électricien à la Société française d’éclairage et de chauffage par le gaz à l’usine de Niort. «Il a compris très tôt que les travailleurs devaient s’unir pour se défendre (…) il était devenu un militant actif de son syndicat», écrit Edouard Brisseau dans son hommage dans le « Semeur » le 24 janvier 1947.
Spontanément, il avait demandé son adhésion au Parti communiste.
« Les camarades de la cellule N°1, rue de Strasbourg (…) se souviennent qu’il avait mis sur pied une équipe de vendeurs bénévoles pour notre « Semeur » avant que notre CDH ne soit constitué… Tous les dimanches il se tapait 50 kms à vélo pour distribuer notre presse (…) Combient il était heureux de revenir sa musette vide, tous les journaux vendus, avec au surplus l’adresse de quelques sympathisants« . Il est à l’origine de la création d’une cellule à Chauray (Deux-Sèvres).
Mobilisé en septembre 1939, « il fait son devoir de communiste, de patriote et de Français » dit Edouard Brisseau.
Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé.
L’armée allemande arrive le 23 juin 1940 à La Rochelle, puis à Bouhet vers le 25 juin depuis Marans et Niort.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Après sa démobilisation, Roger Déjameau « n’accepte pas la honte de la défaite » et reprend son action au sein du Parti communiste clandestin. Avec ses camarades Poupeau et Ravard, il écrit, sur l’avenue de Paris à Niort, « Libérez nos camarades. A mort Hitler« .
Il est arrêté le 27 juillet 1941 pour ce motif par la police française, avec ses 2 compagnons. Détenu à la prison de Niort où il retrouve Edouard Brisseau déjà incarcéré. Il est jugé en février 1942 et condamné à 6 mois de détention.
Roger Déjameau est alors transféré au camp de Rouillé. Lire dans ce site : le camp de Rouillé
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), mars-avril 1942, en vue de sa déportation comme otage.
A Compiègne il reçoit le numéro matricule « 3809 ». Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Roger Déjameau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45474 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Roger Déjameau meurt à Auschwitz le 26 février 1943 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 218). Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «décédé en novembre 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Il est homologué (GR 16 P 166246) au titre des DIR (Déportés et Internés Résistants).
Une cellule du Parti communiste à Niort a reçu son nom en 1947.
Edouard Brisseau lui rend hommage dans le « Semeur » du 24 janvier 1947.
Sources
- Lettre de sa veuve Renée à Roger Arnould (1973). Elle y joint une photo d’identité et y mentionne le nom de Pierre Leroy, un autre déporté de Niort.
- Article du journal local « Le Semeur« , signé d’Edmond Brisseau (24 janv. 1947)
- Archives de Niort
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Division des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
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© Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Notice biographique installée en novembre 2010, complétée en 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) . Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com