Matricule « 45 797 » à Auschwitz

André Roy, André Lioret, Paul Chenel
André Lioret : né en 1922 à Montargis (Loiret); domicilié à Amilly (Loiret) ; étudiant, célibataire ; adhérent aux Jeunesses communistes, puis au PC en septembre 1940; arrêté en février 1941; jugé et condamné ; prisons de Pannes et Montargis ; interné au camp de Compiègne ; déporté à Auschwitz où il meurt le 17 août 1942.

André Lioret est né le 11 décembre 1922 à Montargis (Loiret). Il est le fils de Clémentine Montereau, commerçante, et d’Abel, Fernand, Paulin Lioret, employé SNCF.
Il habite chez ses parents, route de Viroy à Amilly (Loiret) au moment de son arrestation.
Dans une lettre adressée le 24 août 1942 à madame Gaget (elle-mêmemère de Henri Gaget un autre déporté du Loiret) par sa mère, elle lui écrit « mon petit André va avoir 20 ans au mois de décembre. Il aura connu bien des misères. Il a subi 3 opérations à 7 ans, 12 ans et 14 ans« . Il est élève au Lycée de Montargis.

Etudiant, célibataire, il est adhérent à la Jeunesse communiste.
André Roy qui le côtoie depuis qu’il a quatorze ans écrit « je savais qu’à mon premier appel, il serait des nôtres, ce qu’il fit dès septembre 1940. Etudiant très doué, cité en exemple au tribunal par le directeur, il fut toujours calme, courageux, ne rechignant pas à la besogne« .

Orléans après les bombardements allemands de juin 1940

Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 16 juin Orléans est occupé après de violents bombardements. La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

André Lioret fait confiance au Parti communiste clandestin auquel il adhère en septembre 1940.
Il diffuse des tracts antinazis, colle des papillons confectionnés à la maison.
En février 1941, la police française arrête (au motif de reconstitution du Parti communiste) 27 habitants de la région de Montargis, dont 13 Jeunes communistes (parmi eux, 9 connaîtront la déportation – dont deux « 45.000 » – et 4 les camps d’internement).
André Lioret est arrêté le 9 février 1941 à son domicile par la police française, dans la même période que son ami André Roy, Henri Ferchaud, et Paul Chenel.

Jugement de la Cour d’appel d’Orléans, 31 juillet 1941

Ils sont jugés le 31 juillet 1941 par la Cour d’Appel d’Orléans (chambre correctionnelle, avec de nombreuxco-inculpés, dont 4 déjà condamnés par défaut). L’audience se tient en appel à la demande du Ministère public. « Attendu que Lioret, Auguet, Tellier et Rivière ayant été condamnés par défaut, il convient de surseoir à statuer sur les appels dirigés à leur encontre par le Ministère public. Attendu qu’il résulte des investigations et des débats, qu’à l’instigation des nommés Lioret, Auguet, Tellier, Rivière (ce dernier non identifié) un renouveau d’activité communiste était constaté à Montargis dès le mois d’août 1940 et allait en s’amplifiant au cours des mois suivants, qu’à partir du mois d’octobre de nombreuses réunions avaient lieu, au cours desquelles les modalités de la reconstitution du parti et des jeunesses communistes étaient arrêtées, que la réorganisation se poursuivait activement suivant les directives du comité central par la création de groupes de quatre à cinq personnes au plus, par un recrutement de nouveaux adhérents et par une large diffusion de tracts ainsi que par l’apposition de papillons« .
Les condamnations initiales sont aggravées, malgré les circonstances atténuantes reconnues pour 7 des co-accusés, dont André Lioret et Paul Chenel en raison de leur jeunesse.

André Lioret : souvenirs d’André Roy

André Roy se souvient (in lettre à Roger Pélissou, rescapé du convoi et compagnon de sa sœur) : « André Lioret, fils de commerçant, était étudiant. Depuis l’âge de 14 ans, nous nous sommes toujours côtoyés et je savais qu’à qu’à mon premier appel il serait des nôtres. Ce qu’il fit dès septembre 1940. Etudiant très doué, cité en exemple au Tribunal par le Directeur du Lycée (pourtant de droite), il fut toujours lui-même, calme, courageux, ne rechignant pas à la besogne, ne coupant pas les cheveux en quatre. L’intellectuel qu’il était faisait confiance en tout aux JC et au PC. Aucune peur ne l’a jamais effleuré. Comme Paul Chenel au tribunal, il a donné une leçon de courage à pas mal d’adultes. Prenant lui aussi (comme Paul Chenel) ses responsabilités. Là aussi, André tu peux servir d’exemple à tous les jeunes et à certains intellectuels. Ce sont deux camarades qui sont morts pour que les autres jeunes soient plus heureux et qu’ils ne connaissent jamais ce qu’ils ont vécu. C’étaient mes deux meilleurs camarades« .
Son père, Abel, civilement responsable, fut condamné solidairement avec six autres parents au paiement des dépens, s’élevant à 3136 Francs 50. André Lioret passe de la prison de Pannes à Montargis, puis à celle d’Orléans. « En prison, il était dans la même cellule que Paul (Chenel) . Deux courageux ensemble ne pouvaient pas avoir mauvais moral. Et à chaque que l’on a pu, par un geste, un mot passé en douce, on savait que leur confiance était inébranlable » écrit André Roy.

André Lioret est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Le matricule « 1582 » lui est attribué, ce qui situe son arrivée avant le 14 décembre 1941. Son nom figure en effet sur la liste de recensement des jeunes communistes du camp de Compiègne aptes à être déportés « à l’Est », en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC).

Cours de géographie générale (cahier d’Emile Drouillas)

Au camp de Compiègne, André Lioret donne des cours de géographie générale dans le cadre du « Comité » du camp (in cahiers d’Emile Drouillas, dit Laporte) : Lire dans le site l’article : 

Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne

Depuis le camp de Compiègne, André Lioret va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux
articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une déportation d’otages».

Dans une lettre jetée sur le ballast le 6 juillet 1942, Henri Gaget demande à sa famille de donner des nouvelles aux proches de certains de ses camarades qui sont dans le même wagon que lui, dont André Lioret : « à ses parents M. et Mme Lioret, commerçants à Amilly, route de Viroy (Cher) ».

Depuis le camp de Compiègne, André Lioret est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 797 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

André Lioret meurt à Auschwitz le 17 août 1942
d
’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 730).

Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

La mention « Mort pour la France » a été ajoutée à son acte de décès, le 1er octobre 1949.
L’arrêté paru au JO du 25 mars 2008 porte apposition de la mention « Mort en déportation » sur son acte de décès et la date « décédé le 17 août 1942 à Auschwitz ».

Montargis
Rue d’Amilly

Une rue d’Amilly porte son nom.
La tombe familiale érigée au cimetière de Montargis rappelle son souvenir.

Sources

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par Andrée Cosson, sœur d’André Roy et compagne de Roger Pélissou (janvier 1988).
  • Copie du jugement en appel en date du 31 juillet 1941.
  • Lettre témoignage d’André Roy à Roger Pélissou, envoyée par celui-ci à Roger Arnould (4 janvier 1979).
  • Lettre de Roger Arnould à Roger Pélissou, après sa rencontre avec André Roy, alias « coco » (2 mars 1979).
  • « Ceux du groupe Chanzy« . André Chène (Librairie Nouvelle, Orléans 1964, brochure éditée par la Fédération du Loiret du Parti communiste.
  • Avis de décès (15 janvier 1988).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Cahiers d’Emile Drouillas
  • Lettre jetée du train par Henri Gaget. Envoi de sa nièce Mme Muriel Ugon (2016).

Notice biographique rédigée en novembre 2007, complétée en 2017, 2018, 2021 et 2024, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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