Raymond Legrand, plaque au cimetière du Père Lachaise

Matricule « 45 771 » à Auschwitz

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Raymond Legrand : né en 1900 à Paris (14ème) ; domicilié à Paris (3ème) ; comptable ; carrière militaire, légionnaire ; engagé dans les brigades internationales ; arrêté le 24 décembre 1941 ; interné à la caserne des Tourelles et à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 1er septembre 1942.

Raymond Legrand est né le 22 décembre 1900 à Paris (14ème). Il habite au 66, rue du Vertbois à Paris (3ème) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Louise Legrand, 25 ans, lingère, habitant 9, passage de l’Industrie dans le 14ème (selon le Maitron : Raymond Legrand fut reconnu en août 1934 par Marie, Léontine, Eulalie Legrand).
Son registre militaire (matricule n° 507 du 4ème bureau de la Seine) nous apprend qu’il mesure 1m 65, a les cheveux châtains, les yeux gris, le front et le nez moyens et le visage ovale. Au moment du conseil de révision, il est indiqué résidant à Santeau (Loiret) où il travaille comme agriculteur (plusieurs familles Legrand y habitent). Il a un niveau d’instruction n° 3 pour l’armée (sait lire écrire et compter, instruction primaire développée). Conscrit de la classe 1920, il signe un engagement volontaire de quatre ans le 19 août 1919 à la mairie d’Orléans au titre du 141ème Régiment d’infanterie, où il arrive le 21. Après l’instruction militaire, il est affecté au 58ème Régiment d’infanterie le 4 novembre 1919. Il est affecté à l’Armée du Levant du 30 décembre 1919 au 4 février 1920. Son engagement est résilié car il est classé « service auxiliaire pour endocardite récente imputable au service» par la commission de réforme d’Avignon » le 24 avril 1920. A sa demande, il est classé « service armé » par la même commission en mai 1921. Il est alors « maintenu à tort sous les drapeaux jusqu’au 28 août 1921 ».
Il passe les concours du Certificats d’armes et il est nommé caporal le 11 mars 1921, puis sergent le 12 août 1921. Il signe un rengagement d’un an. Il est renvoyé dans ses foyers le 29 août 1922.

Raymond Legrand est alors employé comme comptable dans une petite entreprise au 27, rue Lafitte à Paris.  Entre 1924 et 1927, il adhère à la CGTU.
Le 29 mai 1931, il signe un nouvel engagement de 5 ans dans la Légion étrangère au bureau central de Paris, sous le nom de Ronald Vendeuvre. Devenu légionnaire, il arrive au 1er Régiment étranger de cavalerie 1er juin 1931, affecté en Algérie, puis en  Tunisie. Mais il est « réformé définitif
n°1 » au bout d’un an, le 24 septembre 1932 pour « troubles fonctionnels cardiaques, séquelles d’affection rhumatismale » par la commission spéciale de réforme de Tunis. Les services accomplis à la Légion sous le nom de Vendeuvre lui seront comptés en décembre 1932.

A son retour en France, Raymond Legrand, célibataire, exerce le métier de chauffeur-livreur, puis celui de comptable. Il adhère à l’Union socialiste
républicaine (l’USR est créée en novembre 1935 par le regroupement de trois partis situés à l’aile droite de la SFIO). Il quitte l’USR après les élections législatives qui voient en avril 1936 la victoire des partis du Front Populaire. Il participe alors aux grèves et manifestations.
Il devient membre du Parti communiste en juillet 1936, adhérent à la cellule 301. Il est membre du bureau de cellule pendant cinq mois et suit les cours de l’école des cadres d’un mois organisée par la Section communiste du 3èmearrondissement (Le Maitron).

Raymond Legrand s’engage dans les Brigades internationales et arrive en Espagne le 21 novembre 1936. Il est incorporé à la 14èmeBrigade (« La Marsellesa » créée le 2 décembre 1936 à Albacete). Il est nommé sergent fourrier.
Il bénéficie d’une permission le 4 novembre 1937, puis revient en Espagne le 3 janvier 1938. Après une dernière attaque dans la Sierra de Pandols afin de soutenir la 45èmeDivision et une contre-attaque au Col del Cosso, la « Marseillaise » est retirée du front le 23 septembre, comme toutes les autres Brigades internationales. Raymond Legrand est blessé en mai 1938 et hospitalisé à Vic (entre Barcelone et la frontière), puis il est transféré à la nouvelle base d’Olot en Catalogne, où a été évacué la base des brigades internationales (Le Maitron). En octobre 1938, il est rapatrié et loge chez sa mère au 16, rue de Notre-Dame de Nazareth (Paris 3ème).

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…)

Perquisitions et arrestations : recommandations aux inspecteurs de police en date du 23 décembre 1941

Suivant les instructions du régime de Vichy, et devant la recrudescence de distributions de tracts et d’inscription communistes dans Paris et l’Est parisien, la police surveille systématiquement les militants communistes connus de ses services avant-guerre. 

Le 24 décembre 1941 à 6 heures du matin, Raymond Legrand est arrêté à son domicile au 66, rue du Vertbois à Paris (3ème), par des agents du commissariat des Arts et Métiers (sous les ordres de l’inspecteur K…), dans le cadre d’une vague d’arrestations organisées par la police française à l’encontre des anciens membres des Brigades internationales.
Deux jours plus tard, il est interné administrativement à la caserne des Tourelles, 141, Boulevard Mortier (Paris 20ème).
Le 5 mai 1942, il fait partie des vingt-quatre internés des Tourelles, pour
moitié anciens Brigadistes, que vient chercher une escorte de Feldgendarmes afin de les conduire à la gare du Nord, où ils rejoignent treize communistes extraits du dépôt et quatorze «internés administratifs de la police judiciaire».

Liste de brigadistes à arrêter

Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), le 5 mai 1942, en vue de sa déportation comme otage. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Raymond Legrand est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 771 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz. Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

© Dessin de Franz Reisz, 1946

Raymond Legrand meurt à Auschwitz le 1er septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 705).
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.

Il est homologué « Déporté politique« . 

Photo © André Montagne

Raymond Legrand (GR 16 P 356740) est homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.

Une plaque déposée par sa mère au cimetière du Père-Lachaise honore sa mémoire, ainsi qu’une autre au 60, rue de Verbois, où il habitait.
André montagne a photographié la plaque du Père Lachaise.

Sources

  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau de la Division des archives victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition
    1997. Edition informatique 2015, notice Jean-Pierre Besse.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Photo de la plaque au cimetière du Père Lachaise / André Montagne et Pierre Cardon.

Notice biographique mise à jour en juin 2011 (complétée en 2017 et 2019) à partir d’une biographie rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du XXeme arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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