Photo in brochure « Varangeville, Résistance et répression », page 53

Matricule « 45 947 » à Auschwitz

Jean dit Laurent Pantin : né en 1901 dans l’Ain : domicilié à Varangéville (Meurthe-et-Moselle) ; commis-boucher ; communiste ;  résistant ; arrêté le 3 août 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 20 février 1943 

Jean, Laurent Pantin est né le 17 septembre 1901 à Belmont (Ain).
Il habite 5, cité du Meuzat à Varangéville (Meurthe et Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise Coste, 38 ans et de François Pantin, 50 ans son époux. Ses parents sont cultivateurs.
Il a quatre sœurs et un frère : Louis, né en 1882 (il est fromager en 1911), Emilie, née en 1896, Joanny, né en 1899, Marie, née en 1905, Antoinette, née en 1907, tous nés à Belmont où ils habitent avec leurs parents (recensement de 1911).
Laurent Pantin travaille comme boucher en 1921. Conscrit de la classe 1921, matricule 613, il est incorporé le 5 avril 1921 au 41ème Régiment d’infanterie. Il est réformé temporaire n° 2 par la commission de réforme de Lons-le-Saulnier et est renvoyé dans ses foyers le 28 avril 1921. Cet avis est renouvelé en 1922, 1923 et 1924.
Ce qui n’empêchera pas Laurent Pantin d’être un sportif assidu : adhérent dès 1921 au groupe cycliste lorrain des « File vite« , il est inscrit chaque année jusqu’en 1926 aux courses régionales (« Premiers pas Dunlop » 1925 à Jarville, Trophée de Lorraine 1925, « La bergère Lorraine » 1925, grand prix de cyclotourisme de Dombasle 1926).
Il habite au 2, rue Bonardel à Saint-Nicolas-de-Port, à côté de Dombasle, le 16 avril 1925.

Raymonde Pantin (1) après guerre

Il épouse Anna, Raymonde Daviatte (1) le 23 mai 1925 à Saint-Nicolas (Meurthe-et-Moselle). Elle est née le 2 juillet 1902 (décédée en 1953 à Saint-Nicolas de Port). Le couple aura trois enfants. François né en 1928 à Saint-Nicolas, Michel, né en 1930 et Nicole née en 1935, tous deux à Varangéville.
Laurent Pantin a reconnu un autre enfant, Hugues Pantin, né le 21 septembre 1923 à Champigneulles (reconnaissance le 10 décembre 1927 à Champigneulles). Il sera adopté par jugement du tribunal de Nancy du 22.11.1944 par Eugène Boudevin et Berthe Liebrock (2).
En décembre 1926, la famille a déménagé au 54, rue Saint-Laurent à Pont-à-Mousson.
Laurent Pantin est classé « service auxiliaire » par la commission de réforme de Nancy en 1925.
En 1935, il est rattaché à la classe 1917, comme père de deux enfants (article 58 de la Loi du recrutement).

Les Soudières réunies

Laurent Pantin trouve du travail comme ouvrier d’usine aux Soudières réunies spécialisées dans la fabrication du carbonate de soude (dépendant des manufactures de Saint-Gobain Chauny et Cirey).
La famille Pantin déménage en 1934 au 5, Cité du Meuzat à Varangéville.

Laurent Pantin est un des responsables de la section communiste de Varangéville.
En mai 1940, le Ministère de la Guerre lui enjoint de rejoindre son régiment d’affectation aux environs de Dijon.
Laurent Pantin s’y rend, mais ne trouvant pas ce régiment, il rejoint son domicile au milieu des combats.

Par décision de l’Occupant, la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur « peuplement allemand ».

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 soldats allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

Requis sur son lieu de travail, Laurent Pantin bénéficie d’un laisser-passer qui lui permet d’effectuer les 3 x 8 à l’usine. Cette latitude, quoique restreinte, facilitera ses contacts avec un groupe de résistants agissant sur le territoire de Dombasle, Varangéville, Saint-Nicolas-de-Port (avec Armand Thirion, alias capitaine Vignal, Louis Burtin« 45317 » et Jules Blaison, « 45257 ») qui auront à leur actif le sabotage de lignes téléphoniques à Saint-Nicolas-de-Port et surtout un câble téléphonique de la Feldkommandantur à Tantonville.
Militant communiste connu des services de police, Laurent Pantin est arrêté à son domicile le 3 août 1941 par des Feldgendarmes de la Kommandantur de Varangéville et un inspecteur de police français.
Après un semblant de perquisition, il est emmené sans explications en voiture à la prison Charles III de Nancy par la Gestapo, où il sera écroué une dizaine de jours.

Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à leur déportation, lire dans le site «une déportation d’otages

Depuis le camp de Compiègne, Laurent Pantin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Laurent Pantin est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45947 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Laurent Pantin meurt à Auschwitz le 20 février 1943 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 903). Il meurt du typhus d’après Clément Coudert. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Un arrêté ministériel du 10 octobre 1991 paru au Journal Officiel du 28 novembre 1991 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Mais il comporte une date erronée : « décédé en août 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Il serait souhaitable que le Ministère prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 et consultable sur le site internet du©Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» (Sterbebücher von Auschwitz ) et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

Le titre de «Déporté politique » lui a été attribué le 29 octobre 1953 (la période d’internement prise en compte est « du 3 août 1941 au 2 juillet 1942″ et celle de la déportation du « 3 août 1942 au 15 août 1942« ) carte n° 111907763.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Varangéville (© Genweb, relevé Stéphane Protois).

  • Note 1 : « Née en 1902, âgée de 39 ans au moment de l’arrestation de son mari, Raymonde Pantin élève seule ses trois enfants. Le capitaine Thirion lui remet de la part de la Résistance, de temps en temps, mais assez régulièrement une enveloppe. Raymonde Pantin poursuit l’activité de son mari, elle est en relation avec la Résistance en 1943 et pour cela elle doit fréquenter souvent le café « chez Killing » rue Gambetta à Saint-Nicolas-de-Port. Ce café hébergeant dans ses chambres des responsables de la Résistance de passage en Lorraine. Elle fut arrêtée et internée à Charles III, suite à l’affaire Malglaive » « in Varangeville, Résistance et répression ». Il s’agit du sabotage de la voie ferrée stratégique Saint-Nicolas et Rosières la nuit du 3 au 4 septembre 1943. Elle passe en jugement avec d’autres militants (dont René Malglaive qui sera fusillé le 22 octobre). Acquittée faute de preuves de culpabilité, elle est néanmoins internée au camp d’Ecrouves. Elle n’en sera libérée que trois ou quatre mois après, suite à des interventions auprès de la préfecture.
  • Note 2 : Données extraites de la Reconstitution des familles de Champigneulles, revue éditée par l’association « Familles de nos Villages ».
Sources
  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par Michel Pantin, fils de Laurent Pantin dont l’adresse nous avait été fournie par Mme Battagliotti, nièce de Laurent Pantin sur les recommandations de la Mairie de Belmont-Luthezieu (démarches de ma belle-mère, Marguerite Cardon).
  • Eléments biographiques concernant Laurent et Raymonde Pantin. publiés dans le livre « Varangeville, Résistance et répression » édité par la municipalité de Varangéville.
  • Echange de courrier avec M. René Bourgeois, adjoint au Maire de Varangéville.
  • Témoignage de Clément Coudert rescapé « 45402 », de Neuves Maisons.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • «Death Books from Auschwitz», Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Paris 1995 (basés essentiellement sur les certificats de décès, datés du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, relatifs aux détenus immatriculés au camp d’Auschwitz. Ces registres sont malheureusement fragmentaires.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juin 1992.
  • © Site Legifrance.gouv.
  • © Archives en ligne de l’Ain. Etat civil, Registre matricule militaire, recensement 1910 et 1911.
  • © Archives en ligne de Meurthe et Moselle. Recensement de 1936.
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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