Matricule « 45 904 » à Auschwitz
Ludwik Motloch : né en 1897 à Ostrava (Tchécoslovaquie) ; domicilié à Tucquenieux (Meurthe-et-Moselle) mineur ; naturalisé français ; adhérent à la CGT , interné 2 mois en 1939 ; Le 23 janvier 1941, interné 15 jours ; arrêté le 28 janvier 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 17 août 1942
Ludwik (Ludwig) Motloch est né le 11 avril 1897 à Ostrava (Empire d’Autriche-Hongrie, puis Tchécoslovaquie).
Il habite 15, rue Alexandre Dreux à Tucquenieux (Meurthe et Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Maria Tormissova ou Tomesowa ou Formissova (1) et de Joseph Motloch son époux.
Il est marié avec Stépanka Butechowa ou Budcha (1), née le 27 février 1898 à Kuničky, (Tchécoslovaquie).
Le couple a trois enfants : Libuse (né le 2 février 1921 à Kuničky), Břetislav (né le 25 février 1927 à Tucquenieux) et Héléna (née le 26 avril 1938 à Tucquenieux).
Le couple est entré en France le 14 septembre 1925 venant de Tchécoslovaquie.
La famille Motloch s’est établie à Tucquenieux en 1932.
Ludwik Motloch est mineur aux mines de Tucquenieux.
Ludwik et Stépanka Motloch sont naturalisés français en mars 1934.
En 1936, ils habitent au 132, rue Alexandre Dreux dans le « quartier village », sans doute numéroté différemment ensuite (la numérotation commence vers la centaine sur le registre de recensement).
Il est adhérent à la CGT après les grèves de 1936.
Après la déclaration de guerre de 1939, Ludwik Motloch est interné pendant deux mois au « centre de rassemblement des étrangers » à Briey, comme Joseph Matis, lui aussi immigré tchécoslovaque et lui aussi mineur à Tucquegnieux. Libéré, il reprend son travail à la mine, mais se trouve désormais sur les listes de la Préfecture.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 soldats allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
Le 23 janvier 1941, Ludwig Motloch est arrêté, comme son camarade Joseph Matis, sur notification du préfet de Meurthe-et-Moselle et est interné administrativement au camp d’Ecrouves pendant quinze jours à la suite d’une distribution de tracts communistes à Turquenieux.
Le 28 janvier 1942 , il est de nouveau arrêté, mais cette fois-ci comme otage et conduit au camp d’Écrouves. Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne en effet une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle. Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF, annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.
Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).
Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.
Ludwik Motloch est sans doute encore interné à Ecrouves (en effet, Stanislas Slowinski à son retour des camps se souvenait que Joseph Matis avait été arrêté le même jour que lui, mais il n’a pas mentionné Ludwik Motloch) quand il est désigné comme otage par les autorités allemandes de Briey.
Ludwik Motloch est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de détention militaire allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Depuis le camp de Compiègne, Ludwik Motloch est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45.904 ». Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Ludwig Motloch meurt à Auschwitz le 17 août 1942 d’après les registres du camp.
Le récent arrêté du 22 mars 2018 portant apposition de la mention «Mort en déportation » sur ses actes et jugements déclaratifs de décès reprend cette date. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Tucquenieux.
Note 1 : Les noms d’origine tchèque ou polonaise sont souvent mal retranscris par les services d’état civil ou des ministères et nous avons plusieurs orthographes pour la même personne suivant les documents.
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Note 2 : Dès le 14 avril 1938, Albert Sarraut, le ministre de l’Intérieur, demandait une action… en vue de « débarrasser notre pays des éléments indésirables trop nombreux qui y circulent et y agissent au mépris des lois et des règlements ou qui interviennent de façon inadmissible dans les querelles ou les conflits politiques qui ne regardent que nous ».
Au mois de novembre 1938 le gouvernement promulgue une loi sur les « étrangers indésirables » : toute personne de nationalité étrangère soupçonnée de porter atteinte à la sécurité du pays pouvait désormais être détenue dans des « centres d’internement » de « rassemblement » ou « centres spécialisés » en raison de leurs antécédents judiciaires et de leur activité jugée « trop dangereuse pour la sécurité nationale » (in : Les camps d’étrangers depuis 1938 : continuité et adaptations. Olivier Clochard, Yvan Gastaut et Ralph Schor).
Sources
- Fiche d’état civil (étrangers) de la Mairie de Tucquenieux.
- « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle » par Jean-Claude et Yves Magrinelli, page 349.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Fichier national du Bureau de la division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Val de Fontenay, consulté en juillet 1992.
- « Livre des déportés ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, kommando d’Auschwitz » (n° d’ordre, date, matricule, chambre, nom, nature du médicament) du 1.11.1942 au 150.7.1943) (BAVCC).
- Recensement de 1936 / Tucquenieux.
Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
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