Matricule « 46 260 » à Auschwitz  Rescapé

Bordereau du camp de Flossenbürg
Stanislaw Slowinski : né en 1901 à Mierzecice (Pologne) ; domicilié à Saint-Pierremont (Meurthe-et-Moselle) ; communiste ; mineur arrêté le 20 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Flossenbürg ; rescapé, décédé en 1946.  

Stanislaw Slowinski est né le 11 mars 1901 à Mierzecice, en Pologne.
Il habite au 258, Avenue de l’Argonne à Saint-Pierremont, agglomération de Trieux-Mancieulles (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation. Il est le fils de Juliana Pavinlkik (ou Pavelka) et de Jean Slowinski, son époux. Il est manœuvre, mineur à la mine de Saint-Pierremont.
Le 26 octobre 1924, il épouse Maryana Slempitinik, née le 8 septembre 1906 à Dabrowa. 

Maryana Slowinski en 1943

Le couple a trois enfants (quatre selon L’Association des déportés et familles des disparus du camp de concentration de Flossenbürg et Kommandos) : Casimira, née le 20 septembre 1927 à Mancieulles (1), Marian, né le 9 septembre 1929 à Mancieulles (apprenti mineur en 1945),  Amélia née le 30 décembre 1939 à Mancieulles.

Marian Slowinski en 1943

En 1931, la famille habite au 20, rue de la Somme à Mancieulles.

En 1936, la famille a déménagé au 42 rue d’Argonne. Zdzislaw (Stanislas) Slowinski né le 26 avril 1932 à Mancieulles habite avec eux (neveu ou cousin, il est le fils de Severina Spikowski et de Stanislaw Slowinski, né  le 31 octobre 1890 à Baranow, Pologne, mineur lui aussi). Stanislas Slowinski est membre du Parti communiste et militant à la CGT entre 1936 et 1939 (source policière).
Un homonyme polonais, né en 1895 dans un village voisin, s’est engagé dans les brigades internationales (source Charles et Henri Farreny, LʼAffaire Reconquista de España, Éd. dʼAlbret).

Par décision de l’Occupant, la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur « peuplement allemand ».

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Plus de 20 000 soldats allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle.
Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).

Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF, annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations. Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre. Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).

Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 1Seize d’entre eux seront fusillés à la Malpierre. 

Stanislas Slowinski est arrêté le 20 février 1942, comme otage, en même temps qu’Angel Bolognini et Henri Creutzer.
Interné au camp des internés politiques d’Ecrouves, il en est extrait le 2 mars 1942 et il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent le 5 mars 1942 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de sa déportation.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Stanislas Slowinski est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

L’entrée du camp d’Auschwitz

Stanislas Slowinski est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46260 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Affecté à Auschwitz 1, il est hospitalisé au Block 28 (Source Musée d’Auschwitz), où les détenus médecins et infirmiers sont polonais. Il reçoit au début 1943 – comme les autres détenus Polonais – l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments .

Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants. Lire l’article du blog « les 45000 au block 11.  Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.

Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45.000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz.  Une trentaine de "45.000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945.

Il est transféré le 28 août 1944 à Flossenbürg, en Haute-Bavière, où il arrive le 31 août 1944 avec un groupe de 30 autres « 45.000 »… : il s’agit de Georges Hanse (45653-19907), Jules Le Troadec (45766-19887), Albert Morel (45895-19885), Louis Paul (45952-19902), Henri Peiffer (45956-19 878), Roger Pelissou (19 908), Etienne Pessot (19 880), Gustave Raballand (19 904), Maurice Rideau (19 888), Mario Ripa (19 884), Jean Rouault (19 890), Georges Rousseau (19 895), Camille Salesse (19 898), André Seigneur (19 892), Stanislas Slovinski (19 883), Stanislas Tamowski (19 886), Jean Tarnus (19 881), Marcel Thibault (19 889), Léon Thibert (19 894), Gabriel Torralba (46264-19900), Lucien Tourte (19 906), Antoine Vanin (19 899), Lucien Vannier (46173-19903), Pierre Vendroux (46184-19 879), Francis Viaud (46190-19905). Jean Bach (46217-19882), Roger Debarre (46231-19893), Louis Faure (46234-19896), André Gaullier (46238-19891).

Il y est enregistré le 31 août 1944  sous le matricule « 19.898 »,  Kommando K.04.  C’est un camp de « nouvelle génération » où les déportés extraient le granit destiné aux plans colossaux de constructions nazies, et à partir de 1943 ils travaillent pour l’avionneur Messerschmitt.
Stanislas Slowinski est affecté au Kommando de Dresde avec Jean Tarnus.
On ignorait les itinéraires suivis par Stanislas Slowinski, Jean Tarnus et Gabriel Torralba à partir de Flossenbürg au moment de l’évacuation du camp devant l’avancée des armées alliées. Mais grâce au travail de l’Association des déportés et familles des disparus du camp de concentration de Flossenbürg et Kommandos, qui a fait des fiches sur 6679 déportés, dont celle de Stanislaw Tamowski, on connait désormais leur itinéraire :

Evacuation du Kommando de Dresde : Rassemblement des 500 détenus le 14 avril en fin de matinée. Départ vers midi à pied vers le sud. 1 ère nuit dans un hangar. Le lendemain, marche vers le sud-est, la route monte vers une zone montagneuse. 2ème nuit dans un hangar. 25 à 30 km par jour. 3ème jour : la route monte toujours et un grand nombre de camarades sont déjà tombés d’épuisement. 3ème nuit dans un hangar mais aucun ravitaillement depuis la ½ boule de pain du départ. 4 ème jour de marche, la colonne s’amenuise. 5ème jour, le 18 avril, la marche continue pour atteindre Leitmeritz (Litomerice). Le camp est surpeuplé et il faut se battre pour manger. Le 25, embarquement dans un convoi pour Prague. Arrêt dans la banlieue de Prague. Des Tchèques apportent de la nourriture. Départ vers Prague-Werchonitz le 29 avril. A l’arrivée à Prague, une impression de libération, certains s’évadent, aidés par les Tchèques qui soignent les plus épuisés. Les S.S. reviennent en fin de journée et se font menaçants. Différents convois se regroupent sur ce train : de Ravensbrück dont les femmes sillonnent l’Allemagne depuis le début Mars, de Buchenwald, etc…Le dimanche 6 mai, le convoi est toujours à l’arrêt. Le départ a lieu le lundi après-midi en direction du Sud. Plusieurs arrêts en rase campagne. Nouvel arrêt en gare d’Olbramovice où l’on dépose les morts. Après 36 heures de stationnement, nouveau départ le 8 mai vers l’Autriche mais le convoi est intercepté et libéré par les partisans tchèques, entre Velesin et Kaplice. Stanislas Slowinski est libéré le 8 mai 1945.

Maryana Slowinski a quitté Mancieulles le 23 octobre 1943 pour Trieux, accompagnée des quatre enfants (elle quittera la ville en 1945, d’après les témoignages des voisins, après le décès du petit Casimir survenu le 5 avril 1945 à Briey : il était né de père inconnu le 31 mars 1944. Son acte de naissance indique que Stanislas Slowinski « est actuellement interné en Allemagne« ).
Grâce aux renseignements fournis par les Mairies de Mancieulles et de Trieux, on sait que « libéré en mai 1945, il a bénéficié de l’aide médicale temporaire » ce qui indique un état de santé précaire. D’après les informations recueillies par les services municipaux auprès des habitants du quartier, il ne subsisterait aucun parent de sa famille, qui est « vraisemblablement repartie en Pologne« .

Stanislaw Slowinski a témoigné à propos de Joseph Matis en 1946 : de lui il dit « il a été arrêté le même jour que moi. Transféré à Ecrouves, puis Compiègne. Il était robuste et de forte constitution ».
Stanislas Slovinski serait décédé le 1er juin 1946. Ses camarades rescapés ne l’ont pas revu. Il n’y a pas eu de demande d’homologation comme « Déporté politique ».

  • Note 1 : Compte tenu de la complexité de l’orthographe des noms polonais, l’état civil de Mancieulles avait recopié par erreur la date de naissance de Stanislas Slowisnski à la place de celle de son épouse au moment de la naissance de leur fille Casimira… mais indiqué la bonne ville de naissance de la mère, d’où source de confusion !
  • Note 2 : Louise Creutzer se souvenait de Stanislas Slowinski, arrêté en même temps que son frère. Elle a épousé Adrien Bermand, né en 1913 à Mancieulles, qui sera déporté « NN » en 1943 à Erzinger, kommando de Natzweiler. Libéré à Allach le 30 avril 1945, il est mort des suites de sa déportation.

Sources

  • Courrier au maire de Trieux, M. Christian Eckert et réponse de celui-ci (26 mai 1992).
  • Mairie de Mancieulles. Actes de naissance des 3 enfants Slowinski et celui de zdzislaw.
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BACC), Ministère de la Défense, février 1992, novembre 1993, Caen.
  • LA 18335, camp d’Ecrouves.
  • les 2 photos des enfants Slowinski, in contrôle des étrangers, changement de domicile, mairie de Trieux.
  • Recensement de Mancieulles / 1936
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger  vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

 

 

 

 

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