Matricule « 46 255 » à Auschwitz
Jean Pérot : né en 1921, à Saint-Léger-sur-Dheune (Saône-et-Loire) ; domicilié à Homécourt (Meurthe-et-Moselle) ; mécanicien ; responsable d'un groupe de l'OS ; arrêté le 7 février 1942 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 30 octobre 1942
Jean Pérot est né au quartier du Tronchat le 25 décembre 1921, à Saint-Léger-sur-Dheune (Saône-et-Loire).
Il habite au 1, rue de Metz (aujourd’hui rue Maurice Thorez) à Homécourt (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Mathilde, Antoinette, Pierrette, Berthoux, 18 ans, sans profession et de Jean, Eugène Pérot, 29 ans, chaudronnier, son époux.
Ses parents habitent chez ses grands-parents maternels (François Berthoux né en 1878, ouvrier à l’usine sidérurgique et Mélanie, née en 1880).
En 1931, Jean Pérot, ses parents et grands-parents habitent au 153, avenue de la République à Homécourt. En 1936, Jean Pérot est apprenti-mécanicien à la Compagnie des forges et aciéries de la Marine et d’Homécourt. Son père est hospitalisé (pendant la guerre 1914-18, il a été blessé et perdu un œil).
Ouvrier sidérurgiste (aide monteur) à cette usine, Jean Pérot est un « jeune catholique, très sportif et qui chantait magnifiquement » selon Charles Dallavalle (1).
Pendant la guerre civile espagnole, Jean Pérot participe aux collectes de solidarité en faveur des Républicains.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251).
A Homécourt la Préfecture recense 1 sabotage de voie ferrée et 3 sabotages de freins de wagons, à Auboué commune voisine de deux kilomètres : 2 sabotages de lignes téléphoniques, 2 sabotages d’installations industrielles, 3 sabotages de voies ferrées.
Jean Pérot s’est engagé dans la Résistance. Il est le chef d’un groupe de l’O.S. (Organisation Spéciale) du PCF (Charles Dallavalle mentionne qu’il est son chef de groupe). Le 31 janvier 1942, le sous-préfet de Briey propose l’internement de Jean Pérot « réputé pour ses sentiments communistes » au Centre de séjour surveillé d’Écrouves.
Le sabotage du transformateur d’Auboué, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle. Lire dans le blog : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Hans Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations. Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre. Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).
Jean Pérot est arrêté le 7 février 1942, par des policiers allemands et français, à la suite du sabotage du transformateur d’Auboué, le même jour qu’Amédéo Cavalli (lire le récit du sabotage du transformateur d’Auboué, dans la nuit du 4 au 5 février 1942).
D’abord incarcéré à la prison de Briey, il est transféré à celle de Nancy (Charles III). Puis il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Jean Pérot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Jean Pérot est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46255 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Jean Pérot meurt à Auschwitz le 30 octobre 1942 d’après les registres du camp. Il est homologué « Déporté politique » au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI), comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
A la Libération madame Jean Hypolite (nous ne connaissons pas la raison pour laquelle ce n’est pas la famille qui a effectué cette recherche), habitant également au 1, rue de Metz (elle n’y habite pas non plus en 1936), fait paraître un avis l’Est Républicain du 25 mai 1945.
Le Block 20, salle 10 mentionné dans l’avis est le Block de l’infirmerie à Auschwitz I, et la salle 10 est réservée au malades du typhus. Etant donnée la date de décès de Jean Pérot, il n’a pas pu communiquer cette information à sa famille (les quelques survivants français n’ont le droit d’écrire qu’à partir de juillet 1943), c’est certainement le seul rescapé d’Homécourt, Jacques Jung, qui l’a fait savoir.
Sources
- Témoignages de Charles Dallavalle, ouvrier sidérurgiste aux usines Marine Wendel d’Homécout avant guerre et Résistant. (1972).
- « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle » (Jean Claude et Yves Magrinelli).
- M. Jean Pierre Minella, maire d’Homécourt (9 mars 1989).
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- www.stleger.info/les72StLeger/region6/71e.auschwitz.htm Dossiers administratifs de résistants, service de la Défense.
Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
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