Jean Manon : né en 1921 à Saint-Jean-Aux-Bois (Ardennes) ; domicilié à Audun-le-Roman (Meurthe-et-Moselle) ; cheminot ; arrêté comme otage communiste le 22 février 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt.
Jean, Alphonse Manon est né le 15 janvier 1921 à Saint-Jean-Aux-Bois (Ardennes).
Il habite 78, route de Briey à Audun-le-Roman (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Catherine, Félicie, « Odille » Pecheux (1881-1967) née le 2 juin 1881 à Fépin (Ardennes), et de François, Elie Manon (1884-1952), cheminot, son époux, né le 11 février 1884 à Haybes (Ardennes).
Il a cinq sœurs et frères : Marie Louise (1909-1987), Léa (1910-1996), Ida (1913-1993) à Hirson, Henri, né en 1916 à Colombier et Marcel, né en 1924. Leurs parents se sont mariés à Fépin le 7 juin 1908.
La famille habite d’abord à Haybes (Ardennes), puis vient s’installer à Audun-le-Roman en 1927, lorsque leur père est y nommé surveillant des voies pour les Chemins de fer de l’Est.
En 1936, Jean Manon habite au 89 route de Briey avec ses parents, sa sœur Ida et son frère Henri qui est apprenti aux Chemins de fer de l’Est.
Jean Manon est célibataire, et comme son frère sera apprenti, puis employé à la compagnie des Chemins de fer de l’Est qui deviendra une des composantes de la SNCF en 1938.
Selon les renseignements généraux il est suspecté d’être communiste.
Au début juin 1940, l’armée allemande occupe Audun-le-Roman, et Auboué le 17 juin.
La Kommandantur est installée dans le logement de la directrice d’école, au dessus de la mairie. Puis elle sera installée à Briey.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée.
Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251).
Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
Le sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle.
Lire l’article dans le site : Meurthe
et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.
Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars.
Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).
Les arrestations touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie.
16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre. C’est dans la suite des 20 premières arrestations que Jean Manon et Léon Toussaint sont arrêtés. Tous deux sont cheminots et suspectés d’être communistes.
Supposé communiste (son frère cadet Henri, également cheminot, est militant CGT), Jean Manon est arrêté le 22 février 1942 à Audun par des militaires allemands.
Sa sœur Ida en a témoigné (elle a 29 ans en 1942). « J’étais ce jour là en visite chez mes parents. Il était 17 h, 17 h 30 et mon frère Jean venait de rentrer, son travail étant terminé. Un autobus dans lequel se trouvaient deux personnes d’Audun s’est arrêté devant la maison de mes parents. J’ai reconnu M. Toussaint. Deux militaires sont entrés dans la maison. L’un d’eux a demandé Jean Manon. Ma mère a dit « qu’y a-t-il ? Reviendra-t-il aujourd’hui ? Il lui a été répondu « Nix retour ». Mon frère a protesté, disant « je n’ai rien fait ».
Jean Manon et Fernand Toussaint son collègue de travail, sont écroués à la prison de Briey du 20 au 24 février, puis internés le 24 février au camp d’Ecrouves. Le 5 mars, ils transitent par la prison de Toul pour être remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci les internent le 5 mars 1942 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), en vue de leur déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Jean Manon est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz pourrait être le « 45 825 » par extrapolation d’une des quatre listes par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Mais elle n’est absolument pas certaine dans la mesure où la photographie de ce matricule n’a pas été retrouvée, et que la comparaison avec la photo d’avant-guerre de Jean Manon ne peut être faite.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Dans l’hypothèse ou le matricule de Jean Manon serait le « 45 825 », il serait mort à Auschwitz, le 12 décembre 1942, selon la même source. A la Libération l’état civil a indiqué comme date « décédé le 1er août 1942, sans autre précision« . Un arrêté paru au JO de 1994 a fait inscrite la mention « mort en déportation« .
Il a été déclaré « Mort pour la France » le 25 avril 1947.
Son nom et celui de son camarade Fernand Toussaint sont honorés sur le monument aux morts d’Audun-le-Roman.
Jean Manon est également honoré sur le monument aux morts de Fépin (Ardennes). Ainsi que sur la tombe de ses parents à Fépin.
Une rue de la ville d’Audun-le-Roman rappelle son souvenir (photo en haut de la notice).
Sources
- Témoignage manuscrit de la sœur de Jean Manon, Ida (épouse en deuxièmes noces de M. Emile Shmidts, maire de Fépin), qui assista à l’arrestation.
- Mairie d’Audun-le-Roman, 3 mars 1992.
- Lettre de son neveu, M. Jean-Claude Peiffer (22 mars 1992).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- Recensement de la population d’Audun le Roman, 1936.
- Remerciements à M. Régis Lenoble (courriels d’octobre 2018), pour ses précisions généalogiques et l’envoi de photos. Les photos datées de 1940 sont prises lors de la communion de sa nièce, fille de sa sœur Marie-Louise.
Notice biographique rédigée en 1997, pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
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