Paul Girard : né en 1903 à Chassagne-Montrachet (Côte-d'Or) ; domicilié à Montchanin-les-Mines (Saône-et-Loire) ; mineur puis cheminot ; communiste ; arrêté fin 1939 et emprisonné au fort de Hauteville à Dijon ; arrêté le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 21 août janvier 1942.
Paul Girard est né le 3 octobre 1903 à Chassagne-Montrachet (Côte-d’Or).
Il habite au 8 rue du « Pont Jeanne-Rose, Colonie et Marquise » à Montchanin-les-Mines (Saône-et-Loire) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Loth, 22 ans, née à Saint-Gilles (canton de Châgny, 71) et de Pierre, Paul Girard, 27 ans, né à Montrachet (21), vigneron son époux. Il a une sœur, Yvonne.
Il est mineur à Epinac-les-Mines, à Saint-Léger-sur-Dheune et au Creusot.
Il effectue son service militaire au 11ème Régiment du Génie du 2 novembre 1923 au 28 avril 1925.
Paul Girard entre aux Chemins de fer le 1er octobre 1926 en qualité de journalier au service de l’exploitation.
Il sera donc cheminot, électricien au PLM (service électrique) à Saint-Léger-sur-Dheune (Saône-et-Loire) au moment de son arrestation.
En 1932, il est secrétaire de la cellule communiste de Saint-Léger qui comptait une dizaine d’adhérents. « Il était assisté de Maurice Cas, trésorier. Une notice le concernant avait déjà été établie par la police le 31 décembre 1929« . (le Maitron). Syndicaliste, il est responsable de la Fédération des cheminots CGT pour Montchanin.
En 1936, il habite avec ses parents « Le Roulet » à Saint-Léger sur Dheune, adresse qu’il donnera lors de son immatriculation à Auschwitz.
Le 30 novembre 1938, date correspondant à la grève nationale lancée par la CGT, il est « vu dans l’enceinte du chemin de fer, au cours d’un mouvement d’agitation, au moment où aucun service ne l’y appelait ». Il écope d’un blâme avec une réduction de 20 % de sa gratification.
Paul Girard est arrêté une première fois en septembre 1939, après la dissolution du PCF. Il est alors interné au Fort de Hauteville à Dijon.
Appelé sous les drapeaux le 10 juin 1940, il est fait prisonnier selon sa fiche professionnelles, puis « remis à disposition de la Société », comme nombre de cheminots prisonniers de guerre. On note qu’il est privé de ses droits à la retraite pour « menées antinationales » pendant sa courte période sous les drapeaux.
Le 20 septembre 1941, la direction de la SNCF le licencie pour « menées antinationales », après avoir noté une « absence irrégulière » entre le 19 décembre 1940 au 3 janvier 1941.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Après l’armistice du 22 juin 1940, la Saône-et-Loire est coupée en deux par la ligne de démarcation et fait passer sous contrôle allemand toute la partie industrielle du département. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Très tôt l’hostilité au gouvernement de Pétain et à l’occupant se manifeste en Saône-et-Loire par des distributions de tracts, graffitis, sabotages. De lourdes amendes sont appliquées aux villes où ces actes sont constatés.
Toujours actif après 1939, Paul Girard est arrêté‚ pour la deuxième fois le 22 juin 1941 par la police française. A cette date, 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, les Allemands arrêtent dans la zone occupée et avec l’aide de la police française plus de mille communistes (sous le nom « d’Aktion Theoderich »). D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (Dijon et Châlon pour la Saône-et-Loire), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”. Claude Chassepot, Alphonse Mérot (de Chalon-sur-Saône) et Charles Renaud (de Montceau) sont arrêtés le même jour.
Paul Girard est interné à Compiègne le 19 juillet 1941 (Chambre 6, Bâtiment A5). Son camarade Claude Chassepot de Saint-Vallier le mentionne dans son journal rédigé à Compiègne. Lire dans le site le Journal de Claude Chassepot.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Paul Girard est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas certain. Le numéro « 45 606 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il est donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves (la photographie jointe à cette notice biographique pourra peut-être apporter une confirmation).
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Paul Girard meurt à Auschwitz le 21 août 1942 selon les registres du camp. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français n’ayant pas eu accès aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques a fixé celle-ci en septembre 1942 (mention marginale du jugement déclaratif de décès daté du 16 juin 1948). Il est homologué « Déporté politique ». Paul Girard est homologué comme Résistant (au titre de la Résistance intérieure française, RIF) et comme Déporté Interné Résistant (DIR), comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 257477.
Il est déclaré « Mort pour la France ».
Son nom est gravé sur la plaque commémorative des Déportés et internés du canton de Montchanin, morts en déportation ou
fusillés, ainsi que sur les monuments aux morts de Montchanin et Saint-Léger sur Dheune.
Une rue de Montchanin porte son nom, par délibération du Conseil municipal en date du 25 octobre 1979 (à la Cité des Cheminots).
Une plaque honorant les cheminots « Morts pour la France » en gare de Monchanin porte son nom.
Sources
- Indications fournies par Raymond Renaud, fils de Charles Renaud (1988).
- Témoignage de Gabriel Lejard (I988).
- Correspondance avec la mairie de Montchanin (recherches effectuées par Maguy Krivopissko-Cardon en 1991, résistante, conseillère générale d’Argenteuil, mère de Guy Krivopissko, ancien conservateur du Musée de la Résistance nationale… et cousine de mon mari).
- Avis de décès (ACVG avril 1992)_
- Mairie de St Léger sur Dheune 28 juillet 1992.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- Recensement de la population à Montchanin et Saint Léger.
- Archives de la SNCF, anciens employés du PLM, fiche de Paul Girard (Généanet 2023).
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en avril 2006, réinstallée en 2014, complétée en 2018, 2021 et 2023 ; Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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