Matricule « 45 767 » à Auschwitz
Maurice Le Gal : né en 1898 à Lorient (Morbihan) ; domicilié à Mondeville (Calvados) ; contremaître à l'Union électrique ; syndicaliste Cgt et communiste ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Sachsenhausen, Treibnitz ; mort en 1945 au cours de l'évacuation vers Hambourg.
Maurice, François Le Gal (1) est né le 26 janvier 1898 à Lorient (Morbihan).
Il habite au 33, rue Anatole France, à Mondeville (Calvados) au moment de son arrestation.
ll est né Maurice Le Mignan, légitimé par le mariage de ses parents le 31 janvier 1908 à Riantec (Morbihan) en face de Lorient.
Il est le fils de Marie Françoise Le Mignan, domestique de culture, née le 29 juin 1877 et de Toussaint Le Gal, né le 14 juillet 1872 à Guéméné sur Scorff (Morbihan), son époux. Marie, Françoise Le Mignan est originaire
du village de Kerihuel (commune d’Erdeven situé entre Erdeven et Etel).
Il a un frère cadet, Julien, Corentin, né le 3 mai 1909 à Lorient (il sera horloger. Il est décédé en 1978 à Caen).
Le registre matricule militaire de Maurice Le Gal indique qu’il habite Caen (Calvados) au moment du conseil de révision et qu’il travaille comme épicier. Après son engagement dans la Marine, il sera mécanicien-électricien. Il mesure 1m 70, a les cheveux châtain et les yeux « verdâtre », le front vertical, le nez cave et le visage ovale. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1918, il signe à 18 ans un engagement volontaire de quatre ans au titre du 1er dépôt des équipages de la flotte, le 11 septembre 1916 à la mairie de Caen. Il arrive au dépôt de Cherbourg le lendemain. Il est matelot de 3è classe le 21 septembre 1916. Le 22 mai 1917, il est nommé matelot de 2è classe breveté électricien. Le 1er octobre 1918, il est nommé quartier-maître électricien. Il est « renvoyé dans ses foyers » le 16 février 1920 et se retire à Calix, dans l’agglomération caennaise.
Il va, à partir de cette date, habiter à Caen ou autour de Caen : d’abord à Hérouville-Saint-Clair en1920, puis à Caen au 43, rue neuve Saint-Jean en 1921.
Le 25 avril 1922 il épouse Fernande, Berthe, Eugénie Binet à Demouville (Calvados). Elle est née dans ce village le 5 février 1895. Le couple a un enfant (1). La famille habite en mai 1922 au 12, rue Montoir Poissonnerie à Caen (au n° 13 habite Etienne Cardin, qui sera déporté avec lui à Auschwitz). En 1924, ils ont déménagé au 124, avenue Victor Hugo.
Peu avant 1930 la famille Le Gal habite Grande-Colombelles à Mondeville.
En octobre 1930 ils déménagent dans le quartier du Plateau au 33, rue du Bel Air au lotissement « Les Charmettes ».
En septembre 1931, déjà réserviste au titre 1er dépôt des équipages de la flotte, il est classé dans la réserve militaire comme « affecté spécial tableau III, comme contremaître chef de quart à l’Union Electrique de l’Ouest centrale de Caen, avenue Victor Hugo.
Maurice Le Gal est contremaître électricien à l’Usine électrique de Mondeville (« chef de quart – Union Electrique de l’Ouest » d’après sa fiche d’arrestation).
Il est membre du Parti communiste et responsable du Syndicat CGT de l’Electricité à Caen.
En novembre 1933, Maurice Le Gal achète aux époux Tuffigo un fonds de commerce de café-restaurant-Epicerie situé au 67, rue de Falaise à Caen (avis de vente in Le Moniteur du Calvados du 22 novembre 1933). En février 1934, ils demeurent au 67, rue de Falaise, puis en septembre au n° 59, rue de Falaise.
Le 15 juillet 1937, les Le Gal ont à nouveau emménagé dans le quartier du Plateau, au 33, rue Anatole France, à Mondeville.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.
Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens syndicalistes, élus ou militants communistes « notoires » et procédé à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
En 1942, Maurice Le Gal travaille toujours comme « chef de quart » à l’Union électrique et habite toujours au 33, rue Anatole France à Mondeville selon la liste d’arrestation. Mais sa veuve dans sa demande à la FNCEIDP en 1946 (future FNDIRP) pour l’obtention de la carte de déporté politique, indique le n° 44 de la même rue.
Maurice Le Gal est arrêté comme otage communiste le premier mai 1942, par la police française : il figure sur la liste de 120 otages « communistes et Juifs » établie par les autorités allemandes. Son arrestation est ordonnée en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite dessabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands.
Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43è régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht. 28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen. Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43è RI. Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).
Maurice Le Gal est conduit à la prison de Caen, puis est remis le 3 mai aux autorités allemandes (Feldkommandantur 723) à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le 4 mai 1942, en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Maurice Le Gal est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 767 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Electricien de profession, Maurice Le gal est ramené à Auschwitz I. Il est affecté au Block 15 A.
En application d’une directive datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus français des KL la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, il reçoit le 4 juillet 1943, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz, l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments (lire dans le site : Le droit d’écrire pour les détenus politiques français
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est amené en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des français survivants. Lire l’article du site « les 45000 au block 11.
Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".
Le 29 août 1944, il est transféré avec vingt-neuf autres « 45 000 » d’Auschwitz à Sachsenhausen où ils sont enregistrés : il y reçoit le matricule « 94 267 ».
Une partie d’entre eux sont ensuite affectés à d’autres camps : en février 1945, Marceau Lannoy, Maurice Le Gal et Charles Lelandais sont transférés à Heinkel (kommando de Sachsenhausen).
Il y reçoit le n° matricule « 94 267 », Block Trélo.
Ils sont ensuite transférés à Trebnitz.
Au début de mai 1945, ils sont évacués à pied en direction de Hambourg, au cours d’une de ces terribles « marches de la mort » comme les ont appelées les survivants.
Maurice Le Gal meurt pendant cette évacuation selon le témoignage de Charles Lelandais.
La mention « Mort pour la France » lui a été attribuée le 31 décembre 1944. Le Journal officiel du 1er mars 1994 appose la mention « mort en déportation » sur ses actes de décès.
Le 12 novembre 1947, une plaque commémorative à la mémoire des 18 agents de la SEC (dont Maurice Le Gal) morts au cours de la guerre, est inaugurée dans les locaux de la promenade du Fort, en présence de Marcel Paul, ministre communiste de l’industrie.
Une plaque commémorative a été apposée le 26 août 1987 à la demande de David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom de Maurice Legal est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année.
Une rue de Mondeville porte son nom, hélas mal orthographié en Maurice Légal.
- Note 1 : L’orthographe du nom Le Gal est correcte et conforme à l’acte d’état civil de Lorient. Le père de Maurice Le Gal, Toussaint Le Gal meurt en décembre 1945. Le fils de Maurice Le Gal qui habitait Mondeville venait régulièrement en vacances à Etel avec sa femme et ses enfants jusque dans les années 1990 et rendait visite à la famille. Ses cousins et cousines de son âge sont malheureusement décédés (recherches de M. Gilles Le Nezet.
Sources
- Témoignage de Charles Lelandais (matricule 45 774 à Auschwitz) consigné par Roger Arnould (9 mars 1973).
- Liste des « communistes arrêtés dans la nuit du 1er au 2 mai sur désignation de l’Autorité Allemande (Feldkommandantur 723) et remis à celle-ci le 3 mai 1942″ (CDJC, Centre de documentation juive contemporaine).
- Fiche FNDIRP remplie par sa veuve (N° 5494/8377), qui en réfère aux témoignages de deux rescapés qui sont avec lui à Treibnitz, Charles Lelandais et Marceau Lannoy 45727.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- © Archives en ligne de Lorient.
- Registres matricules militaires.
- Photo de l’Union Electrique de l’Ouest (devenue la SEC, Société d’électricité de Caen) après les bombardements de 1944 © Fonds François Robinard.
- Correspondance avec M. Gilles Le Nezet (2017).
- Photo de Maurice Le Gal en uniforme de marin, in Geneanet
- Recherches généalogiques (état civil, recensement, registre matricule militaire) effectuées par Pierre Cardon.
Notice biographique (complétée en 2016, 2017, 2020 et 2024) rédigée en janvier 2001 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com