Matricule « 45 533 » à Auschwitz
André Félix : né en 1904 à Paris (14°) ; domicilié à Fleury-sur-Orne (Calvados) ; carrier mineur ; communiste ; arrêté comme otage communiste le 7 mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau le 17 octobre 1942
André Félix est né le 26 juillet 1904 à Paris 14è au 16, rue Ferrus.
Il habite au 10, route de Caen, à Fleury-sur-Orne (Calvados) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise Léontine Balagny, 28 ans, couturière et d’Hippolyte Félix, 27 ans, carrier, son époux. Ses parents habitent au 55, rue Vallier à Levallois-Perret (devenue rue Louise Michel, Seine / Hauts-de-Seine).
Il est carrier-mineur à May-sur-Orne (Société des carrières, mines et produits chimiques de May).
Le 22 octobre 1927 à Bretteville-sur-Laize (au sud de Caen / Calvados), André Félix épouse Marthe Augustine Chopin. Elle est dentelière, née le 5 février 1909 à Fontenay-le-Marmion (Calvados).
Le couple a six enfants : André né le 18/10/1928, Marthe le 17/08/1930, Renée le 29/11/1934, Gabriel le 29/08/1936, Marcel le 16/04/1939 et Hélène le 25/01/1941.
Lors du recensement de 1931, André Félix et son épouse habitent au 232, route de Saint-André à Fleury-sur-Orne avec leurs deux enfants, André et Marthe.
Il travaille comme carrier aux Docks Fouquet (carrières produisant de la pierre de taille, puis des briques silico-calcaires et enfin de la chaux). Son épouse est dentelière.
Lors du recensement de 1936, la famille habite au 19, place Nationale, à Fleury. André Félix travaille toujours aux Docks Fouquet, mais son épouse est devenue blanchisseuse. Leurs trois premiers enfants, André, Marthe et Renée vivent avec eux. André Félix est militant communiste et résistant.
Selon l’attestation d’André Lenormand (secrétaire du PCF de Caen en 1946), il est adhérent au Parti communiste.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch. En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Selon l’attestation du maire de Fleury-sur-Orne Monsieur Armand Porquiet (06/04/1946) : « arrêté à son domicile par la gendarmerie allemande le 07/05/1942 appartenant à la cellule communiste de Fleury-sur-Orne et au groupe du Front National de Fleury-sur-Orne jusqu’à son arrestation« .
Dans le même temps que son mari est arrêté par la police allemande, les autorités de Vichy décernent à Madame Felix la médaille de bronze de la Famille française !
André Félix est arrêté comme otage communiste à son domicile le 7 mai 1942 (1), vers 0 h 30 par la gendarmerie allemande, selon le témoignage de Georges Dudouit (Conseiller municipal de Fleury-sur-Orne), sur dénonciation (il cite le nom d’une de leurs voisines. C’est également ce que croit son épouse et ce que pensait André Félix), en même temps qu’Arsène Trével .
Mais en tout état de cause, André Félix figure déjà sur la liste de 120 otages « communistes et Juifs » établie bien avant l’arrestation par les autorités allemandes à partir des fichiers des renseignements généraux français.
Son arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants.
24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43è régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht.
28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen.
Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43è RI.
Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).
Conduit à la prison de Cabourg, c’est à la demande des autorités allemandes qu’André Félix est interné au camp allemand (le Frontstalag 122) de Royallieu à Compiègne en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le train qui l’emporte vers Auschwitz, André Félix jette sur la voie un petit mot adressé à son épouse, sur lequel il écrit : « méfies-toi de celle d’en face« , persuadé qu’il est d’avoir été dénoncé.
Depuis le camp de Compiègne, André Félix est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 533 ».
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
André Félix meurt à Auschwitz le 17 octobre 1942 d’après les registres du camp.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Il a été déclaré « Mort pour la France ».
Le titre de « Déporté résistant » lui a été attribué : il faisait partie du Front national pour la liberté et l’indépendance de la France.
Il a reçu le grade de sergent dans la Résistance Intérieure Française (RIF), Cf document reproduit.
André Montagne, un des 8 rescapés caennais et calvadosiens du convoi du 6 juillet 1942 à destination d’Auschwitz a rédigé de nombreux témoignages concernant la mort de ses 72 camarades à Auschwitz.
Voici ce qu’il écrit d’André Félix de Fleury-sur-Orne : « Son petit-fils Didier a un tel culte pour sa mémoire, il m’en a tant parlé et j’ai si souvent vu sa photo que tout se passe comme si je l’avais bien connu. Il est mort le 17 octobre 1942, âgé de 38 ans ».
- Note 1 : La grand majorité des déportés calvadosiens du convoi du 6 juillet 1942 sont arrêtés entre le 1er et le 2 mai, puis regroupés à partir du 3 au « petit lycée » de Caen. Toutefois, il y eut des arrestations les 4, 7, 8 et 9 mai.
- Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Fiche FNDIRP remplie par sa veuve (N° 21487), qui s’appuie sur les témoignages de Charles Lelandais et Eugène Beaudoin.
- LA 10561 (arrestations opérées dans le Calvados).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen.
- Questionnaire rempli par son petit-fils, M. Didier Rossi (1991), qui fournit plusieurs documents dont le certificat d’appartenance à la RIF (Secrétariat d’Etat aux Forces armées, 15 février 1950) et l’homologation au titre de Sergent (Front National 5/10/50).
- Acte de naissance n°6596, 14/N360. La date du mariage y est notifiée le 26 août 1948
- Communiqué du ministère des ACVG (9 déc. 1949) indiquant la date du décès.
- Jean Quellien, Faculté de Caen : 28 janvier 1993.
- Recherches généalogiques (état civil, recensements, registre matricule militaire) effectuées par Pierre Cardon
Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2014, 2016, 2017, 2020, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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