Matricule « 46 120 »à Auschwitz

François Stéphan © France L’Ecorsier

 

François Stephan : né en 1908 à Nantes (Loire-Inférieure) ; domicilié à Caen (Calvados) ; tourneur ; syndicaliste Cgt ; communiste ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau le 16 août 1942. 

François Stephan est né le 19 mai 1908 à Nantes (ex Loire-Inférieure / Loire-Atlantique). Il habite 110, rue de Geôle à Caen (Calvados) au moment de son arrestation.

Laure et son frère François Stéphan au mariage Mario-Launay  © Philippe Landreau

Il est le fils de Gabrielle, Céline, Marie Mario, mécanicienne, 33 ans, née le 21 septembre 1874 et de François, Marie Stéphan, 30 ans, manœuvre, son époux, né le 13 novembre 1877 à Nantes.
Ses parents habitent au 10, rue de la Fontaine de Barbin à Nantes à sa naissance, puis au n° 4 en 1918. A cette date son père travaille chez Babin-Chevaye (entreprise La Nantaise de fonderie).
Issu d’une famille de 7 enfants, dont Gabrielle (1898-1976), Pierre (1900-1955), Laure, Gabrielle, Germaine qui naît le 5 novembre 1909 à Nantes, Alexandrine (1905-1998) Raymond, Louis, Gabriel (1912-1946) et Roger, Yvan (1915-1951).

François Stéphan © Francis Stéphan
François et Emilienne Stéphan © Francis Stéphan

François Stéphan épouse Émilienne, Eugénie L’Ecorsier le 14 janvier 1928 à Paris 20è. Ils sont tous deux domiciliés au 5, passage Courat à Paris 20è.
Elle est née le 6 novembre 1906, à Nantes. Elle a 22 ans, sans profession, et lui 19 ans. 
Il est tourneur robinetier.
Le couple a cinq enfants : Francis, André, le 17/06/1929 à Caen, Henri 11/12/1930 à Caen, Paulette le 30/08/1933 à Caen et Monique le 19/03/1936 à Caen.
La famille s’installe au 110, rue de Geôle à Caen après l’année 1936 (il n’y a pas en effet de Stéphan recensés à cette date sur les registres municipaux).
Son père et sa mère décèdent en 1937.

Selon le témoignage – recueilli après guerre – d’un voisin Mr Victor Forschle (86 rue de Geôle) : « il est employé à la Cartoucherie nationale de Mondeville avant 1939, délégué de la grève générale de cette usine » (in dossier Statut DAVCC Caen), ce qui signifie sans doute qu’il est un des responsables à l’initiative de la grève du 30 novembre 1938 lancée par la CGT pour protester contre les décrets-lois. Il est possible qu’il ait été licencié à la suite de cette grève, comme le sont les responsables cégétistes de la SMN voisine.

Photo © France L’Ecorsier

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.

L’hôtel Malherbe occupé

Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch. L’heure allemande remplace l’heure française. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).  En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région.

Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

Pendant la guerre, François Stéphan « … se serait réfugié à Saint-Nazaire, peut-être chez la sœur de ma grand-mère ?  » (Philippe Landreau, d’après les souvenirs de sa mère).

Militant communiste connu des services de police,  François Stéphan est arrêté comme otage communiste dans la nuit du 1er au 2 mai en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43ème régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht. 28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen. 

Liste des otages communistes du Calvados (photomontage P. Cardon)

Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43è RI.
Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard

François Stéphan est arrêté à son domicile par un inspecteur de police, accompagné d’agents et de Feldgendarmen.
Emmené au commissariat de la rue Aubert, il y retrouve des militants qu’il connaît : des « JC » comme Joseph Besnier, Raymond Guillard et André Montagne, des cégétistes comme Eugène Cardin et René Blin  (témoignage d’André Montagne qui le connaissait par l’intermédiaire de son père, syndicaliste).
Il est emmené de nuit à la Maison centrale de la Maladrerie de Caen (dite également prison de Beaulieu), entassé avec d’autres militants communistes caennais arrêtés le même jour, au sous-sol dans des cellules exiguës.

Listes d’arrestations des communistes arrêtés sur désignation de l’autorité allemande (FK 723)  et remis à celle-ci le 3 mai 1942 (montage photo P. Cardon à partir du document de la Préfecture de Caen / CDJC).

François Stéphan et ses camarades sont conduits en autocars le 3 mai au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen.
Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage André Montagne).
François Stéphan y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internem
ents, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, François Stéphan est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

François Stéphan est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 120 ».

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date

Registre des morts d’Auschwitz du 17 août 1942. Six noms de français ce jour là ; dont celui de François Stéphan.

François Stephan meurt à Auschwitz le 16 août 1942 d’après les registres du camp. Il est enregistré dans le « livre des morts » (Totenbuch) le lendemain. Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Une plaque commémorative a été apposée le 26 août 1987 à la demande de  David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom de Maurice Scharf est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année.

Emilienne Stéphan et une de ses filles

Eugénie Stéphan est décédée  le 14 novembre 1943 à Caen.  
« Les cinq enfants étaient jeunes et ont été pris en charge par une tante Marie-Josèph L’Ecorsier qui demeurait sur Caen, d’où leur installation sur ce secteur » (Madame France L’Ecorsier).

Francis Stéphan est décédé à 15 ans, André Stéphan est décédé en 1987, Henri Stéphan est décédé en 1978, Paulette Stéphan était encore vivante en 2017, Monique Stéphan est décédée en 2015 (source Francis Stéphan).

Sources

  • Fiche de renseignements FNDIRP établie par Madame Bellanger, assistante sociale.
  • Témoignages cités : Charles Lelandais, et Emmanuel Beaudouin (N° 63880 /8366).
  • Liste Jean Quellien, historien (1992).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Reproduction de la page 93 du T 1 du « Totenbuch » Edition 1995.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • Photo de Laure et François Stéphan, envoi de M. Philippe Landreau (novembre 2017).
  • Photos de jeunesse et de mariage, envoi de M. Francis Stéphan (novembre 2017), son petit fils (le fils d’André Stéphan).
  • Photos avec sa fille, sa femme, envoi de Madame France L’Ecorsier (novembre 2017).
  • Enquête de police auprès du voisinage dans les années 1950 (in dossier Statut DAVCC Caen).

Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2014, 2016, 2017, 2020, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

Un Commentaire

  1. je suis une des petites filles de françois stéphan la fille d'un de ses fils j'ai deja releve des informations sur le net le concernant car je l'es toujour en memoire malgre ne pas l'avoir connue

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