Matricule « 46 284″ à Auschwitz
Abraham Indiktor ou André Indictor : né en 1893 à Nikolaew ( Russie) ; domicilié à Caen (Calvados) ; coiffeur ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage Juif ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Birkenau le 10 août 1942.
Abraham Indiktor ou André Indictor (1) est né le 17 février 1893, à Nikolaew (Oblast de Rostov, Russie) selon son fils, son acte de mariage, le J.O. et son certificat de décès à Auschwitz.
Il habite immeuble Beauséjour au 3, rue de Verdun, à Caen (Calvados) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Minta Kauffman et de Schneider Indiktor, tailleur, son époux. Il a un frère cadet, Isaak, né en 1896.
En 1919, la famille a émigré en France et habite au 26, rue de l’Hôtel de Ville (Paris 4è).
Le 20 février 1919 à Paris 19è, Abraham Indiktor épouse Anna Tumpowski, dactylographe.
Elle est née le 8 novembre 1899 à Paris 9è. Elle habite chez ses parents au 2, rue des Mignottes, Paris 19è.
Le couple a deux enfants : René né le 29 juin 1920 et Claude né le 20 avril 1928 à Paris 4°.
Abraham Indiktor est naturalisé français le 15 mai 1925 (décret 4910-25 paru au Journal officiel).
Il n’a pas d’activités politiques ou syndicales, selon son fils René.
La famille Indiktor s’installe à Caen en 1938 selon Yves Lecouturier. André Indiktor est chef au salon de coiffure des Galeries Lafayette, à Caen.
Il parle plusieurs langues. Son fils René, âgé de 17 ans, devient lui aussi coiffeur aux Galeries Lafayette. Sportif, René Indiktor devient un élément majeur de l’équipe de Basket-ball du Stade Malherbe Caennais.
Agé de 46 ans, André Indiktor n’est pas mobilisable, mais devient membre de la Défense passive à la déclaration de guerre en 1939.
En mai 1940, le directeur des Galeries Lafayette organise l’exode de ses employés. La Famille Indicktor est repliée sur Nantes.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes allemandes arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin. Les troupes allemandes défilent à Caen. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.
Le 3 octobre 1940, les Juifs de nationalité française perdent – par le décret du gouvernement de Vichy – leur statut de citoyens à part entière (obtenu le 21 septembre 1791). En effet à la suite de la première ordonnance allemande prescrivant le recensement des Juifs en zone occupée, un fichier des Juifs est établi dans chaque préfecture et un premier « Statut des Juifs » est édicté le 3 octobre 1940 par gouvernement de Vichy. Il est beaucoup plus draconien que l’ordonnance allemande (pour les Allemands, le Juif est défini par son appartenance à une religion, pour Vichy par son appartenance à une race). A partir du 3 octobre 1940, la police française fait appliquer les ordonnances allemandes concernant l’obligation pour les Juifs de zone occupée d’avoir une carte d’identité portant la mention « Juif » : ils doivent se faire recenser dans les commissariats proches de leur domicile. Dans certains départements les préfets ont transmis à la commission nationale de révision des naturalisations des listes d’étrangers naturalisés (et parmi eux de nombreux Juifs). Cela n’a pas été le cas dans le Calvados pour les Juifs déportés le 6 juillet 1942. Seul Jacques Grynberg est dénaturalisé en mai 1944, mais directement au plan national, la commission n’ayant pas connu son parcours depuis le Bas-Rhin à Paris puis à Caen.
Les Indiktor sont revenus à Caen après l’installation des Allemands. André et René reprennent leur travail aux Galeries Lafayette.
André Indiktor s’est déclaré au commissariat central selon l’obligation allemande. Selon un récit d’Yves Lecouturier dans La Shoah en Normandie, (p 210 et 211) recopié par « Actu.fr » (10 mai 2020) qui reprend le témoignage de son fils René, 19 ans en 1940 : « Alors que les Allemands ordonnent, à tous les Juifs de se faire recenser, René Indiktor juge plus prudent de ne pas se présenter au commissariat central sentant qu’il y là danger. Il demande à son père de ne pas le déclarer : son père lui dit qu’étant membre de la Défense passive, il est, lui, de toutes façons connu. Mais René échappe ainsi aux états de recensement » (2). René Indiktor va passer en zone libre et s’installer comme coiffeur à Annecy.
André Indiktor est arrêté le 1er mai 1942, comme otage Juif : il figure sur la liste de 120 otages « communistes et Juifs » établie par les autorités allemandes en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants.
24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43è régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht.
28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen. Le 9 mai trois détenus de la Maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste », sont passés par les armes à la caserne du 43è RI.
Le 14 mai, onze nouveaux communistes sont fusillés à Caen.
Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).
Les autorités allemandes l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 4 mai, en vue de sa déportation comme otage.
Il fait la connaissance du docteur Pecker le soir de son arrestation (in « Journal d’un interné » de Benjamin Schatzman).
Au camp Juif de Compiègne, il fait fonction d’infirmier (témoignage du Docteur Pecker et témoignage de Benjamin Schatzman). « Parmi les deux plantons mis à leur disposition, un ancien coiffeur caennais, Abraham Indiktor. Sur les cinq personnes composant le personnel de l’infirmerie du camp, il se trouve que trois sont originaires du Calvados. L’infirmerie demeure un lieu protégé dans le camp » (Yves Lecouturier Op. cité p 140).
Sa famille, comme toutes celles des déportés du convoi a reçu une carte du camp datée du 16 juillet 1942, les informant qu’il partait vers une destination inconnue.
Lire l’article : Les déportés juifs du convoi du 6 juillet 1942
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, André Indiktor est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
André Indiktor est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 284 » d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 484).
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Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
André Indiktor meurt à Auschwitz le 10 août 1942.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Il a été déclaré « Mort pour la France ». Georges Marin, lui aussi coiffeur, qui m’a souvent dit qu’André Indictor était son beau-frère (sans que nous n’en ayons jamais trouvé trace), déporté dans le même convoi et rescapé.
Anna Indictor, Claudine et René parviennent à rejoindre la zone libre. Son épouse et ses enfants ont fait de nombreuses démarches pour obtenir des informations sur son décès et pour que son nom soit honoré.
Son nom est inscrit le « Mur des Noms » au Mémorial de la Shoah : dalle n° 49, colonne n° 17, rangée n° 1.
Une plaque commémorative a été apposée le 26 août 1987 à la demande de David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi. Le nom d’André Indictor est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année.
Anna Tumpowski–Indiktor est décédée en 1985 à Santeny.
- Note 1 : Dans une lettre à André Montagne, l’épouse d’André, Anna, écrit son nom avec un c, Indictor. Mais leur fils René signe avec un k, Indicktor, le questionnaire qu’il m’a renvoyé en 1991. Nous avons donc choisi de garder cette dernière orthographe.
- Note 2 : La déclaration du chef de famille était valable pour toute la famille. Les Juifs recensés devaient fournir sous peine d’amende et d’emprisonnement : le nom, les prénoms, la date et le lieu de naissance, le sexe, la situation de famille, la profession, la confession, la durée ininterrompue de séjour en France, la nationalité, la filiation, le domicile actuel.
Sources
- Lettre de sa veuve à André Montagne (17 sept. 45).
- Témoignage de René Indiktor dans «La Shoah en Normandie» par Yves Le Couturier. Etude (brochée) parue en juin 2004.
- Questionnaire rempli par son fils René (30-10-1991), qui signale la disparition de M. et Madame Tumpowski, ses grands-parents, victimes de la répression.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Photo bistre : © The Central Database of Shoah Victims’ Names
- Photo médaille : « de Caen à Auschwitz » page 53.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- Liste de Juifs arrêtés dans la nuit du 1er au 2 mai 1942 (montage photo à partir des listes originales © Pierre Cardon).
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2020, photo d’Anna Tumpowski, courriel de Madame Patricia Chippeaux, née Libowski, cousine par germains.
Notice biographique rédigée en janvier 2001, complétée en 2016, 2017 2020 et 2024, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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