Matricule « 45 672 » à Auschwitz
André Huet : né en 1899 à Caen (Calvados), où il habite ; cheminot ; arrêté comme otage communiste le 1er mai 1942 ; déporté comme otage le 6 juillet 1942 à Auschwitz ,où il meurt le 24 août 1942
André, Emile, Eugène Huet est né le 9 juillet 1899 au 5, rue Coupée à Caen (Calvados), où il habite au 37, rue d’Auge au moment de son arrestation.
André Huet est le fils d’Aline Deberry, 27 ans et de Charles, Eugène Huet, 32 ans, typographe.
Son registre matricule militaire indique qu’il habite au 5, rue Coupée à Caen-Est et qu’il est mécanicien au moment du conseil de révision. Il sera par la suite ajusteur et cheminot. Son père est décédé à cette date.
Il mesure 1m 70, a les cheveux châtains et les yeux gris verdâtres, le nez rectiligne et le visage ovale. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1919, il est « ajourné pour faiblesse » en 1918 et classé dans la 1ère partie de la liste en 1920. Incorporé au 3è Régiment du génie le 4 octobre 1920, il est nommé caporal le 11 avril 1921.
Il est libéré de ses obligations militaires le 15 février 1922, « certificat de bonne conduite accordé ».
En octobre 1925, il a été embauché aux Chemins de fer de l’Etat comme ajusteur-monteur à Lisieux, où il habite au 7, place Gambetta, puis en 1925 au 10 rue du Tour des halles. Pour la réserve de l’armée, cet emploi le fait alors « passer » du 3ème
Régiment du génie à la 4è section des chemins de fer de campagne en tant qu’ « affecté spécial » (il est mobilisé à son poste de
travail en cas de conflit).
André Huet épouse le 5 septembre 1925, au Plessis-Grimault (Loire-Atlantique), Marie, Désirée, Nathalie Bougeard. Son épouse décède le 13 mars 1930.
En octobre 1926, il a été muté à Caen, comme ajusteur.
Le couple va habiter au 153, rue Saint-Jean à Caen. La gare est juste après le pont, de l’autre côté de l’Orne.
Le 20 mai 1932, devenu veuf, il se remarie à Caen avec Aimée, Amélie, Félicienne Moisy, ménagère (née le 25 janvier 1908 à Tourgeville). Elle habite au 34, rue d’Auge à Caen. Le couple aura deux enfants : André qui naît le 2 mars 1933, et Daniel qui naît le 30 septembre 1935 (respectivement âgés de 9 et 7 ans en 1942).
En septembre 1936, ils demeurent au 153, rue Saint-Jean, à Caen.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes allemandes arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin. Les troupes allemandes défilent à Caen. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française. Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations.
Selon les souvenirs de son épouse et l’attestation de Michel de Boüard ancien responsable régional du Front National il est engagé dans la Résistance : « membre d’une équipe de sabotage des machines outils et locomotives du dépôt de Caen (chef de groupe Daubin), distribution de tracts et journaux clandestins, arrêté en même temps que ses camarades du groupe, Dupont et Auguste, probablement à la suite de dénonciation », et celle de Marcel Daubin, son chef de groupe : » il a pris une part aux diverses activités du groupe : distribution de tracts et presse clandestine, sabotage des locomotives passant au levage, sabotage des machines devant assurer le transport des troupes et du matériel allemand ».
André Huet est arrêté le 1er mai 1942, par la police française. Il figure en effet sur la liste de 120 otages «communistes et Juifs» établie par les autorités allemandes. Son arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942).
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne, le 4 mai 1942, en vue de sa déportation comme otage.
A la suite de l’arrestation de 27 cheminots du Calvados du 1erau 4 mai 1942 (dont 8 par tirage au sort), la Direction de la SNCF a sollicité l’intervention de l’ambassadeur de France qui écrit le 15 mai 1942 au Général commandant les forces militaires allemandes en France, soulignant l’impact de ces mesures sur le personnel cheminot très sollicité et en sous effectifs, et demandant leur révision (en vain).
André Huet fait partie de la liste mentionnée, avec sa fonction : ajusteur à Caen (arrondissement de traction de Caen).
Réponse le 16 juin 1942 de la Sipo-SD (Gestapo) à la Generaldelegation der französicher Regierung bein Militäbefeehlsaber in Frankreich, Délégation générale du gouvernement français, Centre de commandement militaire en France, Place Bauveau, signée par un SS Sturnbannführer (équivalent de Major Wehmacht).
« Der grösste Teil der verhafteten Personen ist bereits wieder entlassen. Bei felgenden Personen ist die Kommunistishe Betätigung nachgewiesen, sodacs die Enthaftung zur Zeit noch nicht in Betrachtkommen kann. Im übrigen sind einige Personnen von dem Präfekten verhaftetden. Wie hier bekannt wird, ist davon auch ein Teil bereitts wieder auf freine Fuss gesetzt worden. Der grösste Teil der verhafteten Personen ist bereits wieder entlassen. Bei felgenden Personen ist die Kommunistishe Betätigung nachgewiesen, sodacs die Enthaftung zur Zeit noch nicht in Betrachtkommen kann ».
C’est une fin de non recevoir. « La plupart des personnes arrêtées ont déjà été libérées. Mais l’activité communiste a été prouvée chez des sujets innocents (du déraillement), de sorte que leur libération n’est pas effective. Quelques personnes arrêtées par la Préfecture ont été mises en attente selon nos informations ».
Depuis le camp de Compiègne, il écrit le 5 juillet à sa mère et à sa femme et leur annonce son proche départ pour l’Allemagne, « avec Auguste, le Dr Pecker, Bernheim, Pourvendier“ (source 1).
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp allemand de Compiègne, le Frontstalag 122, André Huet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
André Huet est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45672 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
André Huet meurt à Auschwitz le 24 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 479).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
André Huet est homologué comme Résistant, au titre des Forces Françaises combattantes (FFC), comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 298104.
Une plaque commémorative a été apposée le 26 août 1987 à la demande de David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi.
Le nom d’André Huet est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy. Elle est honorée chaque année.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Dans une lettre poignante datée du 24 août 1945, adressée à André Montagne, jeune caennais rescapé du convoi, la maman d’André Huet lui demande s’il peut lui donner des nouvelles de son fils et cite le nom de militants partis avec lui (ci-contre).
- Fiche FNDIRP établie par sa veuve (Mme Aimée Huet-Moisy). N°8148.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en 1992.
- © Photo d’avant-guerre : courriel du 1er janvier 2012 de son arrière-petite-fille, Emmanuelle Huet.
- Registres matricules militaires du Calvados
- Liste de militants arrêtés dans la nuit du 1er au 2 mai 1942 (montage Pierre Cardon)
Notice biographique rédigée en janvier 2001, complétée en 2012, 2017 et 2020 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages et complétée en 2012 et 2016 : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association Mémoire Vive, Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com