Matricule « 45 322 » à Auschwitz
Clément Cadet : né en 1903 à Condé-sur-Seulles (Calvados) ; domicilié à Bayeux (Calvados) ; maçon ; arrêté le 1er mai 1942 comme otage communiste ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau le 19 septembre 1942.
Clément, Auguste, Alexandre Cadet est né le 29 septembre 1903 à Condé-sur-Seulles (Calvados).
Il habite impasse des Sangles à Bayeux (Calvados) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Félicie, Charlotte Jamard, 27 ans, domestique, et de Casimir, Auguste, Louis Cadet, 29 ans, né le 27 avril 1874 à Condé, domestique, son époux. Ses parents se sont mariés à Condé-sur -Seulles le 30 novembre 1901. En 1906, ils habitent au 33-35 rue de l’Eglise dans ce village. Son père est exempté lors de la mobilisation générale de 1914. En 1923, sa mère vit avec M. Martin, à Bénouville.
Clément Cadet a une jeunesse agitée, avec deux inculpations, mais non suivies de condamnations (in Ouest Eclair des 28 août 1923, et 6 juin1927).
Clément Cadet est ouvrier maçon.
Le 20 mai 1939 il épouse Marcelle, Juliette Fourcaudot avec laquelle il vit depuis plusieurs années, impasse des Sangles, en attente du divorce de celle-ci d’avec M. Thommerel (ils ont été tous deux condamnés pour adultère à 25 F d’amende : Ouest Eclair du 18 octobre 1932). Elle est née le 15 septembre 1900 à Douves. A cette époque, il est cimentier.
Le couple élève trois enfants âgés de 13, 15, et 16 ans au moment de l’arrestation de Clément Cadet, qui est membre du Parti communiste selon la Préfecture (liste II).
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 18 juin 1940, les troupes allemandes arrivant de Falaise occupent la ville de Caen, et toute la Basse Normandie le 19 juin.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.
Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Selon son épouse « entré dans la Résistance en juillet 1941 au Front National, il était chargé de la propagande anti-allemande, il confectionnait et distribuait des tracts appelant à la Résistance contre l’occupant« .
Clément Cadet est arrêté dans la nuit du Premier au 2 mai 1942, à son domicile, par des policiers français (on notera qu’il y a erreur sur son prénom et son lieu de naissance). Cette arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril.
Clément Cadet est incarcéré à la gendarmerie de Bayeux. Après deux jours 2 jours passés à la gendarmerie de Bayeux, il est emmené le 3 mai en camion pour Caen à la demande de la Feldkommandantur 723, avec ses camarades de Bayeux arrêtés en même temps que lui, au «Petit lycée» de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen.
Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage André Montagne). Clément Cadet y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Clément Cadet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 322 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
S
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Clément Cadet meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 156).
Sa veuve s’est adressée le 22 mars 1946 à André Montagne, un des rescapés caennais, pour qu’il certifie qu’il n’était pas parmi les 130 rescapés du convoi afin que l’administration puisse établir son acte de décès.
Le comité de libération de Bayeux s’est adressé à André Montagne, rescapé du convoi, afin qu’il puisse leur communiquer des renseignements concernant les déportés bayeusains du convoi (Bigot, Cadet, Morin, Duchemin, Lacroix, Lecarpentier, Assier).
Son épouse a déposé un dossier d’homologation au titre de la Résistance intérieure française, RIF (service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 99834). Cette demande n’a pas abouti. Toutefois, sans autres précisions de date et lieu de naissance, un Eugène Cadet a été homologué FFC. Or c’est le prénom qui figure sur la liste d’arrestation de 1942.
Elle s’est également adressé à André Montagne, pour qu’il certifie que son mari n’était parmi les rescapés d’Auschwitz.
Son nom est inscrit sur la plaque commémorative des déportés de Bayeux. Une plaque commémorative collective a été apposée le 26 août 1987 à la demande de David Badache et André Montagne, deux des huit rescapés calvadosiens du convoi.
Le nom de clément Cadet est inscrit sur la stèle à la mémoire des caennais et calvadosiens arrêtés en mai 1942. Située esplanade Louvel, elle a été apposée à l’initiative de l’association « Mémoire Vive », de la municipalité de Caen et de l’atelier patrimoine du collège d’Evrecy.
Elle est honorée chaque année.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Lettre de sa veuve à André Montagne (1946).
- Lettre du Comité de Libération de Bayeux (18 juillet 1945).
- Fiche entraide FNCEIRP – FNDIRP n° 21446 établie par sa veuve.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen.
Recherches généalogiques (état civil, recensement, registre matricule militaire et journaux locaux) effectuées par Pierre Cardon
Notice biographique rédigée en janvier 2001, complétée en 2017, 2021 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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