Matricule « 45 602 » à Auschwitz
Rescapé
Frédéric Ginollin : né en 1912 à Suresnes (Seine) ; domicilié à Paris (20ème) ; ajusteur en aviation ; communiste, membre de la CE du secours Rouge ; arrêté le 1er juillet 1941, arrêté le 10 février 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Buchenwald, Dachau ; rescapé ; décédé le 19 septembre 1951.
Frédéric Ginollin est né le 10 mai 1912 à Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine). Frédéric Ginollin habite 87 rue des Orteaux à Paris (20ème).
Il est le fils d’Eva, Marie Brun, 25 ans, sans profession, et de Marie, Frédéric Ginollin, 30 ans, livreur (mutilé de
guerre, il eut un emploi réservé de facteur en tant que père de deux enfants).
Ses parents, mariés le 11 juillet 1908 à Paris 3ème habitent au 7 rue Emile Duclaux à Suresnes. Ils sont favorables au Front populaire. Ceux-ci ont trois enfants, Lucienne (née en 1910, décédée en 1989),un garçon, Maurice, Alexandre, né et décédé en 1909. Et Frédéric né en 1912.
Frédéric Ginollin habite 87, rue des Orteaux à Paris (20ème), domicile qu’il quitte quinze jours avant son arrestation (il refusera de communiquer aux RG sa nouvelle adresse). Il est ajusteur en aviation.
« Frédéric Ginollin fréquenta les éclaireurs unionistes (organisation protestante, bien que sa famille soit catholique). Il commença à travailler à douze ans pendant les vacances, mais ne quitta l’école qu’en 1926, à quatorze ans pour entrer en apprentissage chez un électricien. Installé à Valence (Vaucluse), il travailla dans la plomberie, dans la carrosserie automobile et comme monteur de chauffage. Il connut le chômage et le licenciement pour avoir fait la grève le 1er mai 1930. Revenu à Paris chez un oncle, il travailla comme compagnon monteur à Enghien (Seine-et-Oise) mais aussi aux Tréfileries du Havre à Saint-Denis« (Le Maitron).
Il adhère aux Jeunesses communistes en avril 1932 et en avril 1933 au Parti communiste.
Il effectue son service militaire (classe 1932) au centre de recrutement de Valence, matricule 309.
« Adjoint de Jean Chaumeil aux Jeunesses communistes, il était membre de son comité de section en 1935 et secrétaire adjoint à l’organisation. Il avait suivi une école régionale en 1935 et rédigé, à cette occasion, une première autobiographie (pas conservée) et en donna une deuxième à la commission des cadres en avril 1938 » (Le Maitron).
Il est membre de la commission exécutive du Secours Rouge en 1932-1933. Il est secrétaire du comité local des CDH (Comité de défense de l’Humanité) en 1935-1936.
Il épouse Antoinette Riquet en 1937. Elle est dactylo, responsable au siège des Jeunesses communistes (en 1936, elle est une des secrétaires de la section communiste du 9ème arrondissement. Elle a également des responsabilités régionales au secteur femmes).
Le 3 septembre 1939 (le jour de la déclaration de guerre à l’Allemagne), il épouse en secondes noces, à Paris 11ème, Eglantine, Denise Reydet. Elle est sténo-dactylo, née le 30 juillet 1907 à Paris 12ème, elle est âgée de 32 ans, domiciliée comme lui au 10 rue Bréguet.
Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Pendant l’Occupation, secrétaire de Maurice Tréand, Denise Ginollin est arrêtée en même temps que Tréand par la police de Vichy le 20 juin 1940 au lendemain des démarches engagées par Tréand pour la reparution de l’ Humanité. Ecrouée à la petite Roquette, elle est libérée cinq jours plus tard. La direction du Parti clandestin la chargea alors de la réorganisation du PC à Paris. Elle participa par la suite à la Résistance communiste. Arrêtée le 23 janvier 1943. Un tribunal militaire allemand de Nantes la condamna à la peine de mort. Elle connut la déportation à Ravensbruck et à Mathausen (Le Maitron).
Rappelé et mobilisé (vraisemblablement comme « affecté spécial » compte tenu de son métier d’ajusteur en aviation) au moment de la déclaration de guerre, Frédéric Ginollin est démobilisé en juillet 1940. A cette date, il est au chômage.
Dans Paris occupé, il milite activement en direction des chômeurs.
En février 1941, la Brigade spéciale des Renseignements généraux (Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux) opère des perquisitions et des filatures dans les arrondissements de l’Est parisien devant la recrudescence de tracts des Comités Populaires en faveur des chômeurs. La BS, après l’arrestation le 5 février d’un militant « A… », trouve sur lui un papier intitulé « chômeurs du 19ème, lundi 10 février 19 h, Riquet. Lire Tout et Tout ».
La BS organise une souricière au Métro Riquet.
Et Frédéric Ginollin est arrêté par la BS, le 10 février 1941, à 19 h 10 devant le 78 rue de Flandres. Il oppose une vive résistance et se défend « à coups de poings et de tête » et les inspecteurs des RG écrivent « par suite de la résistance qu’il nous a offert, Ginollin au moment de sa chute, a heurté de la tête la bordure du trottoir ». Dans ce quartier populaire, il essaie d’ameuter la foule en criant «On arrête les communistes», «vous laissez arrêter les communistes». Et ce n’est que grâce à la complaisance d’un automobiliste qu’ils réussissent à l’emmener.
Frédéric Ginollin réussit néanmoins à avaler une petite feuille de papier avant qu’ils ne puissent l’en empêcher. Fouillé au commissariat il est porteur : « d’un projet de tract manuscrit intitulé « Non pas de çà », d’un carnet dont la première page est arrachée, d’un autre carnet où sont notés des frais et où figurent les mots : frais de bistrot, rendez-vous tard, et repêchage ».
Lors de son interrogatoire, il refuse de répondre à toutes les questions qui lui sont posées concernant ses activités, refusant de donner son adresse actuelle (cela fait quinze jours qu’il a quitté son logement de la rue des Orteaux), ni celle de sa femme, ainsi que le lieu de travail de celle-ci, endossant uniquement la paternité du tract manuscrit trouvé sur lui, mais refusant d’indiquer quel usage il en serait fait.
Le 11 février, Frédéric Ginollin est inculpé d’infraction aux articles I et III du décret du 26 septembre 1939, ainsi que de rébellion, délit puni par les articles 209, 212, 218 et 220 du Code pénal. Il est envoyé au Dépôt à disposition du procureur.
Il est envoyé au Dépôt à disposition du procureur. Ecroué à la Santé, il est condamné par la 12ème chambre correctionnelle de la Seine le 17 février 1941 à 10 mois de prison qu’il va purger à Fresnes.
En décembre 1941, à la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, le préfet de police de Paris, François Bard, le fait interner à la La Maison centrale de Clairvaux en application du décret du 18 novembre 1939 (1).
Sur ordre des autorités d’Occupation (13 février 1942), le Préfet de l’Aube le fait transférer avec d’autres détenus de Clairvaux – dont Roger Le Bras, René Paillole, Charles Véron– au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le Frontstalag 122. Il est transféré avec ses camarades à Compiègne le 23 février 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Frédéric Ginollin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Frédéric Ginollin est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45.602 ».
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Compte tenu de son métier d’ajusteur, Frédéric Ginollin, est de ceux qui reviennent à Auschwitz I.
En application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus des KL en provenance d’Europe occidentale la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres. Frédéric Ginolin, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz (140 survivants du convoi des « 45000 » à cette date), reçoit en juillet 1943 l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments.
Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943.
Frédéric Ginollin est affecté au Block 16, Stube 4 (chambrée 4). Il écrit à sa mère à Lagny le 23 février 1944.
Il est notamment affecté au kommando « Jardins », et il y reste jusqu’à son évacuation, le 18 janvier 1945 (il ne fait pas partie des «45 000» placés en quarantaine au Block 11 entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943) Lire l’article du site « les 45000 au block 11.
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".
Le 22 janvier 1945, Frédéric Ginollin est transféré à Buchenwald avec Jean Guilbert. Il y reçoit le matricule n°118 978.
La fiche d’immatriculation remplie à la machine à écrire à son arrivée à Buchenwald indique qu’il a été arrêté par la Police française, pour motifs politiques et qu’il est arrivé à Auschwitz le 8 juillet 1942 et qu’il a été transféré (überstellt) au camp de Weimar-Buchenwald le 22 janvier 1945.
Figurent également des informations concernant son adresse en France (87 rue des Orteaux), ses dates et lieu de naissance, le nom de son épouse. Figurent également des informations morphologiques : sa taille (1m 70), ses yeux (bleus) ses cheveux (blonds) etc… La langue parlée (Français). La religion (r.k., c’est à dire : Catholique Romaine). Sur une autre fiche, manuscrite celle-là, une profession est indiquée : zentralheizungmonteur (installateur de chauffage central), qui est certainement celle qui doit être recherchée par les SS à cette période. (il est ajusteur en aviation).
Ils sont tous deux transférés à Dachau en avril 1945.
Frédéric Ginollin est libéré à Dachau. Lire dans le site, « les itinéraires suivis par les survivants ».
Il est très affaibli et son état de santé nécessite une hospitalisation : il ne rentre en France que le 5 août 1945, via le centre de Strasbourg.
Il vit alors au 17, rue Daval dans le 11ème arrondissement de Paris, puis rue Jean-Pierre Timbaud.
Il souffre de tachycardie et de cachexie à la suite de sa déportation.
Il se sépare de fait de Denise en 1947, puis se retire à Valence (Drôme).
Denise Ginollin «devenue Villiod en troisième noces en 1956, siégea au Palais Bourbon comme député communiste du XIe arrondissement de 1945 à 1951» (Le Maitron).
Frédéric Ginollin est mort le 19 septembre 1951 à Toulon (Var).
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué le 16 janvier 1954 à titre posthume (au moment de l’établissement de ce titre par le Ministère).
Frédéric Ginollin est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR
16 P 256586.
- Note 1 : Le décret du 18 novembre 1939 donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, des « individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy le 3 septembre 1940. Classée «secret», la circulaire n° 12 du 14 décembre 1939, signée Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, fixe les conditions d’application du décret du 18 novembre 1939 qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, des «individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique». Lire l’article très documenté et illustré sur le blog de Jacky Tronel (Histoire pénitentiaire et justice militaire) : Circulaire d’application du décret-loi du 18 novembre 1939
- Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membresde la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Dossier « statut » des archives des ACVG.
- Lettre de Denise Ginollin
- Brigades Spéciales. Archives de la préfecture de
police de Paris. - Témoignages d’André Tollet (qui l’a connu à Compiègne) et de Roger Abada (déporté du convoi du 6 juillet 1942) recueillis par Roger Arnould (documentaliste à la FNDIRP).
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Biographie de Frédéric Ginollin, Photo et biographie de Denise Ginollin.
- Courriel de madame Nathalie Broux (juillet 2019), sa petite nièce, communiquant les cartes lettres d’Auschwitz de son grand-oncle.
Notice biographique rédigée en 2007, modifiée en 2012, 2017 et 2019 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com.