Matricule « 45 468 » à Auschwitz 

André Dessaux au camp de Rouillé
André Dessaux : né en 1905 à Pavilly (Seine-inférieure) ; domicilié à Colombes (Seine) ; mouleur-noyauteur ; présumé communiste ; arrêté le 10 décembre 1941 ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 9 août 1942.

André Dessaux est né le 30 juillet 1905 à Pavilly (Seine-inférieure / Seine-Maritime).
Il habite 102, rue Félix à Colombes (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise Isméride Cornu et de Jean Edmond Dessaux son époux.
Il a épousé Georgette, Fernande Hébert
(1).
André Dessaux travaille comme « mouleur noyauteur » aux usines Gnôme-et-Rhône de Gennevilliers (Seine / Hauts-de-Seine). Il est délégué du personnel. Il est considéré comme un meneur communiste par la direction. En 1939, il y côtoie Roger Desmonts, de retour d’Espagne, où il a combattu dans les Brigades internationales.

André Dessaux déclare sa fille en mairie
André Dessaux et sa famille en 1939

Chez Gnôme-et-Rhône, il fait la connaissance d’Yvonne Jeanne Lecorne, qui y travaille comme ouvrière noyauteuse. Elle est née le 17 mai 1905 à Paris 15è, veuve de M. Ruelle, mort par les gaz de combat pendant la guerre 1914-1918, puis à nouveau veuve de M. Leroux.
Yvonne et André vont vivre maritalement de janvier 1939 à avril 1940 à Soisy-sous-Montmorency (Seine-et-Oise / Val-d’Oise) au 55, rue de Bellevue (témoignage certifié de madame Van Meulecom en 1946).
Ils ont une fille, Michèle, qui naît le 27 Juillet 1939 à Soisy-sous-Montmorency, où André Dessaux l’a déclarée à la Mairie (cf. document joint).

Puis ils vont habiter Colombes (Seine / Hauts de Seine) au 102, rue Félix, où naît leur fils Jean-Claude le 27 août 1941 (décédé) et où André Dessaux sera arrêté.
L’usine Gnôme-et-Rhône travaillant pour la Défense nationale (aviation) il est « affecté spécial » pour la réserve de l’Armée (c’est à dire qu’en cas de conflit il serait mobilisé à son poste de travail. Mais comme la plupart des « affectés spéciaux » syndicalistes ou communistes, il est rayé de l’affectation spéciale : il est alors mobilisé le 4 septembre 1939.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe.
La nuit du  14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et Colombes. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

André Dessaux est démobilisé le 10 août 1940. Avec l’occupation allemande, l’usine Gnôme-et-Rhône qui fabriquait avant-guerre le chasseur Bloch 152, travaille désormais sous contrôle de l’armée allemande, qui a réquisitionné un stock important de moteurs Mistral Major.
La direction de l’usine de Gennevilliers soupçonne André Dessaux de vouloir regrouper les anciens membres du Parti communiste encore employés dans l’usine. Il est considéré « comme un élément dangereux cherchant à toute occasion à dresser le personnel contre les agents de maîtrise et la direction ».

Le 10 décembre 1941, la Brigade spéciale n°1 des Renseignements généraux l’arrête à son domicile qui est perquisitionné (sans résultat). Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux.
Néanmoins le Préfet de police François Bard ordonne son internement administratif en application en application de la Loi du 3 septembre 1940 (2).

André Dessaux est détenu au Dépôt de la préfecture de police jusqu’au 3 janvier 1942.
Il fait alors partie d’un groupe de 50 internés administratifs transférés du Dépôt vers le CSS de Rouillé (2). Un avis du 31 décembre 1941 stipule les conditions de son transfert au camp de Rouillé avec 50 détenus :  « Cinquante internés administratifs actuellement écroués au Dépôt seront transférés samedi 3 janvier 1942 au Centre de séjour surveillé de Rouillé (Vienne). Les internés se répartissent comme suit : 38 internés politiques (RG) et 12 « indésirables » (PJ). Ils quitteront Paris par la Gare d’Austerlitz à 7h 55 (train 3). Le chef du convoi disposera d’une voiture directe avec 10 compartiments. En accord avec M. Le chef de la Gare d’Austerlitz les autocars arriveront par la rue Sauvage et  pourront pénétrer jusqu’à la voie où sera placé le wagon (voie 23). Le départ est fixé à 7h 55, l’arrivée à Rouillé à 18h51. Départ à Poitiers à 18 h 10, arrivée à Rouillé à 18 h 51 (il existe aux archives de la Préfecture de Police un deuxième avis, libellé différemment, mais avec les mêmes chiffres et les mêmes horaires).
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé 
Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Bordereau de transfert pour Compiègne, montage Pierre Cardon
La carte de vœux dessinée par André Dessaux.

Pendant son internement, sa compagne déménage au 9, rue Paul Bert à Colombes (son ancienne adresse est rayée sur le bordereau ci-contre).

Depuis le camp de Rouillé, il envoie à sa compagne et sa famille, une carte de vœux, qu’il a lui même dessinée.
Au verso figurent des vœux personnalisés pour chacun des membres de sa famille, intitulés comme suit : 20 ans 12 mois. Suzanne. Reçois pour l’année 1942 mes meilleurs vœux de bonne année et de bonne santé.
15 ans. Micheline. Je pense que tu seras gentille envers ta mère pour l’année 1942. Je pense que tu lui porteras son chocolat au lit (…).
2 ans. Michèle. Papa t’envoie des gros baisers pour l’année 1942 et que tu sois gentille envers maman.
3 mois. Jean-Claude. Prends bien toujours ton biberon pour devenir un grand homme comme ton papa, qui n’a rien à se reprocher. Maman te feras une grosse bise pour la nouvelle année.
A sa propre mère : Maman, reçois de ton petit Dédé chéri mes meilleurs voeux pour l’année 1942. On s’était pourtant promis quelque chose pour la nouvelle année… Ce sera pour quand je rentrerais. Dessaux André. 

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé (2) une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne). Le nom d’André Dessaux (n° 67 de la liste) y figure.
Le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés (3) qu’il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, André Dessaux est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 468 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».

Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

André Dessaux meurt à l’infirmerie d’Auschwitz le 9 août 1942, d’après les registres du camp.

Il a été déclaré « Mort pour la France » le 7 février 1949.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
Son nom, avec sa photo, sont honorés dans le journal local de Colombes, parmi les résistants de Colombes morts pour la France. On notera seulement deux erreurs (son nom est mal orthographié, Desseau au lieu de Dessaux et la mention FFI est inexacte… Les FFI étant créés le 1er juin 1944, soient plus de deux ans après son arrestation).
La société Gnome-et-Rhône est nationalisée à la Libération, le 29 mai 1945. Elle est devenue La SNECMA, qui a rendu hommage à ses « morts pour la France », dont André Dessaux.

Sa compagne, Yvonne a adhéré à la FNDIRP, Amicale d’Auschwitz et des camps de Haute Silésie. Mère de quatre enfants, remariée sous le nom d’Hénoque, elle a tenu à faire figurer sur la carte de la FNDIRP le nom d’André Dessaux en l’accolant au sien.

  • Note 1 : il ne nous a pas été possible d’en connaitre le lieu et la date du mariage, l’acte de naissance d’André Dessaux n’étant pas communicable par internet et si nous avons trouvé plusieurs femmes portant le même nom que son épouse, nous n’avons pu le vérifier pour les mêmes raisons.
  • Note 2 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif sans jugement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
  • Note 3 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 4 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.

Sources

  • Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne le 22 mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Etat civil de Colombes, acte de décès.
  • Lettre de Robert Guérineau, ancien résistant qui a effectué des recherches dans les registres d’état civil de la mairie de Colombes.
  • Mails avec photos concernant son père et sa mère (septembre et octobre 2023) de madame Micaela Amada Henocque Lecorne, veuve de Michel Albert Mainemare Faucon-Dumont.

Notice biographique (complétée en 2016, 2019, 2021 et 2023), réalisée initialement pour l’exposition sur les «45000» de Gennevilliers 2005, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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