Camille Renaudie, le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Matricule « 46 050 » à Auschwitz

Camille Renaudie : né en 1897 à Tonnay-Charente (Charente-Maritime) ; domicilié à Asnières (Seine) ; serrurier SNCF ; syndicaliste CGT, communiste ; arrêté le 9 avril 1940 (Santé, évasion de la colonne de Cépoy, condamné par défaut à 2 ans de prison) ; arrêté le 22 février 1941 ; Ineterné à Clairvaux, Rouillé et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 13 janvier 1943.

Camille Renaudie est né le 23 décembre 1897 à Tonnay-Charente (Charente-Maritime).
Il habite au 8, rue du Tintoret à Asnières (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Augustine Cornet (36 ans) et de Joseph Renaudie, (42 ans) son époux. Son père est camionneur. Il a un frère aîné, Henri 1891-1934.
Il est serrurier de formation.
Sa fiche du registre matricule militaire indique qu’il a les cheveux châtain, les yeux marron, mesure 1 m 65 et a un niveau d’instruction n° 2 (« sait lire et écrire »).
Conscrit de la classe 1917, il est mobilisé par anticipation au centre de recrutement de La Rochelle. Le 8 janvier 1916 il est affecté au 38è Régiment d’Artillerie de Campagne jusqu’au 6 janvier 1919.
A l’instruction du 8 janvier 1916 au 24 janvier 1917, il est affecté ensuite au 3è groupe d’artillerie d’Afrique et est envoyé « aux armées » (dans la zone des combats) du 25 janvier 1917 au 29 novembre 1918. Après l’Armistice, Camille Renaudie est volontaire pour terminer son service militaire dans l’armée d’Orient.
Le 7 décembre 1918, il est dirigé vers le dépôt du 38è Régiment d’Artillerie d’Afrique et arrive en Palestine le 18 février 1919. Il est démobilisé le 6
octobre 1919. Après sa démobilisation, il est classé automatiquement dans la réserve militaire comme « Affecté Spécial » à la 4è section des Chemins de fer de campagne,  à cause de sa profession de cheminot.

Il commence sa carrière de cheminot en 1920 à La Garenne-Colombes, puis travaille aux Ateliers de la Folie (Nanterre) où il est ajusteur.
Il est nettoyeur à Batignoles le 5 août 1921, puis serrurier aux Ateliers de La Garenne, rue des Carrières à Nanterre, jusqu’au 11 août 1927.

Il épouse Anne Marie Couturon le 21 juillet 1921
à Tonnay-Charente. Elle est née dans cette ville le 19 juin 1901 (décédée l 2 septembre 1998 à Rochefort).
Camille Renaudie est élu trésorier général du syndicat (CGTU) des cheminots de La Garenne-Colombes en 1928.
Il adhère au Parti communiste en 1934 (à la cellule communiste des Ateliers de la Folie en 1939, rattachée à la section d’Aubervilliers de la Région Paris-nord du Parti communiste).

il est « affecté spécial » aux Ateliers de chemin de fer de La Folie (à Nanterre) au début de la deuxième guerre mondiale.
Il est arrêté le 9 avril 1940
pour « propagande communiste et distribution de tracts ». « Deux machines à écrire, des caractères d’imprimerie, un lot récent de tracts » sont saisis à son domicile (procès verbal du 9 avril 1940). Il est emprisonné à la Santé le même jour. La direction de la SNCF le licencie aussitôt, le 9 avril. Son épouse arrêtée en même temps que lui, bénéficie d’un non lieu un mois après et sera relaxée. Le 10 juin 1940, il n’est pas encore passé en jugement.

Itinéraire de l’évacuation des prisons militaires de Paris vers Gurs

Devant l’avance des armées allemandes, l’évacuation de la prison militaire de Paris est ordonnée par le ministre de l’Intérieur Georges Mandel. Au départ de Paris, quelque 1 865 prisonniers empruntent les routes de l’exode à bord de bus de la TCRP et de camions militaires qui se dirigent en direction d’Orléans.
Le 11 juin la colonne se remet met en route (la « colonne de Cépoy »).  Au cours d’une alerte aérienne entre Cosne et Briare, les gardiens se mettent à l’abri et de nombreux prisonniers, dont Camille Renaudie s’échappent.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Revenu en région parisienne, Camille Renaudie se présente spontanément au commissariat de Courbevoie et à la Santé, où il touche son pécule en en donnant décharge (le tribunal de Périgueux le condamnera par défaut à 2 ans de prison et 1000 F d’amende, le 13 janvier 1941, mais cette décision ne lui sera pas connue… ni semble-t-il aux Renseignements généraux).
Il recherche du travail chez Hattfort à Poissy, par l’intermédiaire d’une amie, madame Bourguet, et tente d’obtenir sa réintégration à la SNCF (il a fait un brouillon de lettre retrouvé par la police).
Il retrouve finalement du travail aux Etablissements Willems (camions), à Nanterre. Selon le Maitron « il appartint à partir d’octobre 1940 au réseau « ISOLES nef », ce qui est peut-être une interprétation de la classification d’appartenance à la Resistance Intérieure française en tant qu’isolé lors des demandes d’attribution de la carte de déporté politique.

Camille Renaudie est arrêté une seconde fois le 22 février 1941 par la Brigade Spéciale des Renseignements généraux pour avoir « organisé des collectes en faveur des emprisonnés politiques, et diffusé des mots d’ordre émanant de la IIIème Internationale ». Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux

Le PV du 22 février, signé par le commissaire André Cougoule stipule : « Au cours de surveillances et d’enquêtes effectuées à Asnières dans le but d’identifier les auteurs de la propagande communiste s’exerçant dans cette commune, les inspecteurs avaient eu leur attention alertée par le nombre insolite de visites que recevait le sieur Renaudie à son domicile.
Renaudie était connu de nos services pour être un ancien militant communiste très actif (…). Par les surveillances et enquêtes exercées aux abords du domicile du sieur Renaudie, nous avons remarqué de nombreuses allées et venues et avons acquis la certitude que le sus-nommé participait à la propagande clandestine en faveur de l’ex Parti communiste en collectant pour le parti et pour les militants internés. Au moment de son arrestation Renaudie a été trouvé porteur d’une feuille indiquant le montant d’une collecte » (347 Francs).

Au cours des interrogatoires, Camille Renaudie expose clairement avoir appartenu au Parti communiste jusqu’à la dissolution et avoir depuis quatre ou cinq mois décidé de son propre chef de faire des collectes auprès de ses anciens camarades de travail de la SNCF en faveur des familles des emprisonnés politiques. « Le but de ces collectes était d’apporter un secours en argent aux familles de ces emprisonnés, suivant leur situation matérielle et leurs charges de famille. J’ai ainsi reçu sept mille ou sept mille cinq cents francs que j’ai remis moi-même par dons de cent à trois cents francs à ces familles. Je n’ai jamais exigé de reçu. Ces versements ont été versés plusieurs fois à une dizaine de familles environ. Ce sont d’anciens camarades des ateliers qui se chargeaient de recueillir les fonds auprès des autres ouvriers, qu’ils me remettaient à l’extérieur de l’atelier. J’affirme que j’ai versé intégralement toutes ces sommes aux familles et que je n’en ai jamais distrait  la moindre somme, soit pour la propagande, soit pour le parti communiste auquel j’ai cessé toute relation depuis mon arrestation d’octobre 1940» (PV d’interrogatoire du 23 février 1941).

Inculpé d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 (dissolution du Parti communiste) il est déféré au Dépôt. Le commissaire Cougourde joint le mot suivant : « je propose le camp » et le mot « Camp » est inscrit en bleu sur le procès verbal de mise à disposition.
Camille Renaudie fait alors l’objet d’un arrêté d’internement du Préfet de police de Paris, François Bard, daté du 24 février 1941.
Il est interné à la maison centrale de Clairvaux le 27 février.
Lire dans le site : La Maison centrale de Clairvaux.
Le 17 septembre 1941, il est transféré au camp de « séjour surveillé » de Rouillé (1).
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé ‎

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122). Le nom de Camille Renaudie (n° 155 de la liste) y figure. C’est avec un groupe d’environ 160 internés (2) qu’il arrive à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Camille Renaudie est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 46 050 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (3) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. Serrurier de métier, Camille Renaudie est sans doute ramené à Auschwitz I, où il survivra un peu plus longtemps que la moyenne des déportés du convoi.
On trouve dans les archives du DAVCC un petit mot indiquant « Renauldy, cheminot de Bécon-les-Bruyères décédé en sortant de la douche (-16°) » qui correspond sans doute au témoignage d’un rescapé.

Camille Renaudie meurt à Auschwitz le 13 janvier 1943 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz /  Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts), Tome 3 page 1002).
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès, arrêté du 31 juillet 1997, paru au Journal Officiel du 14 décembre 1997, avec la date « décédé le 10 janvier 1943 à Auschwitz (Pologne) ».
Son nom est inscrit sur le monument aux morts d’Asnières.
Par un arrêté de 1949 paru au Journal Officiel du 12 décembre 1949, il est homologué comme « sergent » à titre posthume au titre de la Résistance intérieure française, avec prise de rang au 1er février 1941.

  • Note 1 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 2 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
  • Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Archives du CDJC (XLI-42).
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb.
  • © Site Internet Légifrance.gouv.fr
  • © Site Internet WWW. Mortsdanslescamps.com
  • Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Registre matricule militaire de Charente Maritime (2015).

Notice biographique (complétée en 2016, 2019 et 2021), réalisée initialement pour l’exposition sur les «45 000» de Gennevilliers 2005, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005.
Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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