Désiré Sillien : né en 1904 à Saulnes (Meurthe-et-Moselle) ; domicilié à Herserange (Meurthe-et-Moselle) ; syndicaliste ; arrêté le 21 février 1942 ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 20 février 1943
Désiré Sillien est né le 7 juin 1904 à Saulnes (Meurthe-et-Moselle), il habite 53, Cité Tresson à Herserange (54) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Françoise, Annie Keyser, 31 ans, sans profession, et d’Auguste, Joseph Sillien, 25 ans, ouvrier mineur, puis manœuvre aux forges de Chiers.
Il a un frère cadet, Pierre, né en 1910 à Saulnes, qui est manœuvre en 1936.
Désiré Sillien épouse Paulette Wagner le 18 février 1928, à Herserange. Il en est divorcé.
Ajusteur à l’usine de Lachère, il est un « militant d’extrême-gauche » selon un rapport de Police cité par les frères Magrinelli dans leur ouvrage.
Fin décembre 1933, il prend la défense de Madame Angèle D. épouse K. tenancière de café, en instance de divorce, dont l’époux A.K. en état d’ébriété est venu la frapper à plusieurs reprises dans son café. S’interposant Désiré Sillien est frappé à coups de bouteille. Il se défend avec son couteau. A. K. est admis à l’hôpital (in Le Lorrain du 31/12/1933 (pas de condamnation mentionnée).
Il est délégué syndical en 1936.
En 1936, il habite au 2, rue Florentin Tresson avec ses parents et son frère cadet Pierre.
Désiré Sillien, qui est « affecté spécial » à la déclaration de guerre a néanmoins été mobilisé (la plupart des affectés spéciaux suspectés d’être syndicalistes ou communistes sont rayés de l’AS et mobilisés), puisqu‘il est fait prisonnier lors de l’avancée allemande (liste officielle N° 21 du 25 septembre 1940, communiquée par les autorités allemandes).
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
Désiré Sillien revient à Herserange, bénéficiant vraisemblablement d’un « congé de captivité » en tant qu’ouvrier très qualifié (1), à moins qu’il ne se soit évadé.
La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251).
Le sabotage du transformateur d’Auboué, entraîne une très lourde répression en Meurthe-et-Moselle.
Lire dans le site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF, annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.
Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre. Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque.
Désiré Sillien est arrêté le 21 février 1942, à Herserange, par la Feldgendarmerie. Selon des proches, il aurait été dénoncé « par Toni » (celui-ci est jugé à Nancy après-guerre et meurt en prison) habitant la cité Merlin, mais pour les frères Magrinelli (in « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle 1919/1945 »), il s’agit bien d’une arrestation due à la répression allemande suite au sabotage du transformateur d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février.
En effet les arrestations de militants communistes et syndicalistes commencent dès le lendemain dans plusieurs sites industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.
Désiré Sillien est incarcéré à la prison de Melun (Seine-et-Marne), avant d’être transféré à la demande des autorités allemandes. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Désiré Sillien est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 46104 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon dernier livre Triangles rouges à Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
On ignore dans quel camp il est affecté à cette date, mais il est néanmoins possible qu’il ait été affecté à Auschwitz I compte tenu de sa profession d’ajusteur.
Désiré Sillien meurt à Auschwitz le 20 février 1943 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from
Auschwitz Tome 3 page 1116 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec son matricule, ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Sur son acte de décès, l’état civil de Briey avait porté en 1947, la date du 13 janvier 1943, vraisemblablement à partir du témoignage d’un camarade rescapé. Date reprise – avec erreur – par un arrêté ministériel du 6 décembre 2002 paru au Journal Officiel du 22 février 2003 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès.
Il reçoit la mention « Mort pour la France » en 1947 et il est homologué comme « Déporté politique« .
Hommage lui est rendu à la Libération.
Une plaque a été apposée à son domicile le 28 avril 1991 par la municipalité d’Herserange à l’occasion de la « journée du souvenir consacrée aux victimes et aux martyrs de la Déportation« .
La famille de Désiré Sillien était représentée par M. Piquet.
Le Maire d’Herserange, M. Zaffagni a prononcé une allocution (photo ci-contre)
Le nom de Désiré Sillien est inscrit sur le Monument aux Morts, dans l’Eglise et dans l’escalier de la Mairie d’Herserange.
Note 1 : « Au début de l’année 1941, des accords interviennent entre l’État Français et les autorités d’occupation pour permettre la libération d’une partie des prisonniers de guerre français en Allemagne. Il s’agit des pères de famille de quatre enfants mineurs, des frères aînés de quatre enfants, de certaines catégories de fonctionnaires, d’agriculteurs et d’artisans (menuisiers, charpentiers, cimentiers, ferrailleurs) nécessaires au redémarrage de l’économie. Bien que de retour dans leur famille, ces hommes en « Congé de captivité » gardent le statut de prisonniers de guerre et doivent régulièrement venir se faire enregistrer auprès de la Kommandantur la plus proche ». In : http: //delamarejean.free.fr/Service_Militaire_Obligatoire/html/la_deuxieme_guerre_mondiale07.html.
Sources
- Etat civil en ligne de Meurthe-et- Moselle.
- Communication de son beau-frère, M. Roger Piquet (1991).
- Photo, hommage à la Libération (FNDIRP 54).
- Mairie d’Herserange (1991).
- M. Fabrisy, FNDIRP (mai 1991).
- » Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle » (Jean Claude et Yves Magrinelli) page 345.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Courriels de Madame Claude Favre, communication d’une remarque de Mme et M. Biz à propos du matricule de Désiré Sillien (septembre 2014).
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946). Recensement de la population d’Herserange / 1936
Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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